PHOTOGRAPHIE
Publié le
11 novembre 2025
Paris Photo continue d’écrire l’histoire d’une photographie plurielle. Porté par le ministère de la Culture et la curatrice Devrim Bayar, le parcours 2025 explore les liens entre la figure féminine et le décor, entre visibilité et effacement. Cinq artistes s’y distinguent cette année par la force de leur regard, la portée de leurs gestes et leur manière singulière d’habiter l’image.

Lauréate du prix Hasselblad 2025, Sophie Ristelhueber inscrit son œuvre dans une démarche de témoignage poétique et politique. À Paris Photo, elle présente une installation monumentale réunissant plusieurs de ses séries majeures, où la terre blessée devient métaphore du corps et de la mémoire. Ses photographies aériennes, traces des guerres et des reconstructions, révèlent une géographie de la fragilité : entre sol et peau, la frontière se brouille. Ristelhueber regarde les blessures du monde comme on scrute celles d’un être cher — avec lucidité, mais sans renoncer à la beauté.

Artiste et militante sud-africaine, Zanele Muholi fait de la photographie un acte de réappropriation identitaire. Leurs autoportraits, à la fois sculpturaux et intimes, célèbrent la beauté et la dignité des personnes LGBTQIA+ noires, souvent marginalisées dans les récits dominants. Exposée par la galerie Carole Kvasnevski, Muholi propose un face-à-face d’une intensité rare : chaque image affirme l’existence comme un droit fondamental. Dans ces contrastes puissants de lumière et d’ombre, le corps devient manifeste, le regard défi.

Moins connue du grand public, Donna Trope fascine par son approche photographique de la sensualité et du corps. Présentée par la galerie Carole Lambert, elle brouille les codes du désir et du féminin, entre autoportrait et mise en scène. Ses images, parfois ironiques, souvent tendres, s’inscrivent dans la lignée du body art et de la photographie féministe des années 1980. Chez Trope, l’intimité n’est jamais complaisante : elle se revendique politique, assumant le droit de se montrer et de se rêver autrement.

Pionnière afro-américaine, Ming Smith est exposée à Paris Photo par la galerie M77 (Milan). Première femme noire à entrer dans la collection du MoMA, elle fait de la lumière un langage émotionnel. Ses clichés, souvent flous ou vibrants, capturent l’âme de Harlem, la musique, la spiritualité, la résistance. Smith peint avec son appareil : ses photographies oscillent entre abstraction et documentaire, entre vision et improvisation. Chaque image est un souffle, un rythme. Sa présence à "Elles x Paris Photo" rappelle que la poésie visuelle est aussi une forme de lutte.

Figure essentielle de la photographie latino-américaine, Claudia Andujar a consacré sa vie à la défense du peuple Yanomami, en Amazonie. Présentée par la galerie Vermelho (São Paulo), elle expose des images où le rituel et la résistance se confondent. Ses portraits baignés de lumière et de fumée, à la croisée du documentaire et du spirituel, incarnent la force d’un engagement qui transcende la photographie. Chez Andujar, l’appareil n’est pas un instrument d’observation mais un outil de lien, un pont entre les mondes visibles et invisibles.
Ces cinq femmes incarnent la diversité des voies que la photographie féminine trace aujourd’hui. De la guerre à la transe, du manifeste au murmure, elles partagent une même volonté : inscrire la lumière comme langage de liberté. "Elles x Paris Photo 2025" ne se contente pas d’exposer des œuvres — il révèle une constellation de regards qui, chacun à leur manière, décentrent l’histoire et redessinent le monde.
Paris Photo, Grand Palais, du 13 au 16 novembre prochain