CINÉMA

Pourquoi on adore Jonathan Cohen ?

Publié le

27 août 2023

Homme passionné de théâtre, de cinéma, de l’absurde, de l’imaginaire, homme de l’autre, de soi, de nous, homme d’insouciance, d’hésitation, d’exploration, d’improvisation, homme de rencontres, et de cœur… JoCo est ce personnage que l’on reconnaît comme le parfait sosie du gars dans les séries Bref ou Bloqué. Ou encore le candidat stupidement attachant qui a participé à La Flamme et Le Flambeau. Cette fois, Charles, Serge et Marc laissent place à François Sentinelle, un flic-chanteur de variété, ex-star à La Réunion, qui tente de renouer avec le succès depuis quinze ans. Cet été, il a affiché sa meilleure coupe mulet, dans un costume blanc aux accents ensoleillés, bien qu’écorché vif, avec ce tube déjà culte : "Est-ce que tu regrettes ?". Un single sensible et charmeur, qu’il interprétera dans le film Sentinelle — aux côtés d’Emmanuelle Bercot et Raphaël Quenard —, dont la sortie est prévue le 8 septembre prochain sur Prime Video. Vous l’aurez compris, Jonathan Cohen est l’homme de la situation, le génie de l’humour du moment et le pote décalé qu’on aimerait tous avoir dans son répertoire. Présent sur le plateau des Rencontres du Papotin samedi prochain, le comédien aura une fois de plus l’occasion de montrer tous ses talents dans l’art du rire et du partage.

Être ou ne pas être ?

Jonathan Cohen trouve ses premiers amours du divertissement dans l’improvisation théâtrale. Il accompagne un ami à un cours et découvre un univers qui lui plaît… Mais surtout qui lui parle ! Perdu dans son identité depuis tout jeune, il trouve, là, un support pour explorer les possibilités de ce qu’il veut être ou ne pas être. "Puisque vous vous reconnaissez incapable de bien vous voir sans réflecteur, je serai, moi, votre miroir, et je vous révélerai discrètement à vous-même", Jules César, Shakespeare. Voilà très exactement ce que l’acteur de Family Business trouve dans le théâtre : la possibilité de se voir dans le miroir pour la première fois. Il passe alors le concours pour entrer au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique, et y rencontre Hamlet. Il trouve dans ce personnage et ses mots une philosophie autant qu’une histoire dans laquelle il se sent de naviguer pour explorer le monde. Mais plus que ça, lui qui se sent si mal dans sa peau, semble prendre conscience que le corps n’est qu’une location. Aussi, que faire de l’âme et l’esprit ? Contrairement à ce que nous anticipons, à juste titre ; il n’entre pas dans l’urgence de laisser une trace pour l’autre, mais celle de devenir pour lui.

"Voilà ce que nous comprenons, et la raison qui nous attache avant tout à l’humoriste. Ses personnages sont faillibles, perfectibles, rêveurs, saisissables. Ils s’inscrivent en nous comme des aiguillages, sans jamais pour autant nous orienter."

Pour le comédien, la question primordiale semble être la suivante : est-ce que nous voulons, ou non, affronter les situations que l’on rencontre ? Il ne s’agit que de cela : notre capacité à s’engager dans un chemin. Mais au-delà du choix à faire, nous entendons l’écho vertigineux que cela implique. Car partir en quête de soi engendre une souffrance inéluctable au travail de son identité. Qui devenons-nous ? La somme de ce que nous sommes : l’accumulation d’échecs et de réussites. Par son existence, Jonathan Cohen a fabriqué son essence. Conscient de son insouciance assumée, il partage sa naïveté, avec nous, à travers des projets à taille humaine. Il manifeste une attitude d’être pour autrui sans jamais s’oublier soi. Il est un modèle d’équilibre shakespearien.

Voilà ce que nous comprenons, et la raison qui nous attache avant tout à l’humoriste. Ses personnages sont faillibles, perfectibles, rêveurs, saisissables. Ils s’inscrivent en nous comme des aiguillages, sans jamais pour autant nous orienter. Ce qu’il cherche lorsque nous doutons, ou que nous sommes affectés par des émotions et des sentiments débordants, en recherche de soi et de sens… est bien plus profond ! Sans caricatures, sans limites et sans moqueries, nous dialoguons avec des identités qui ont du cœur, des rêves, des espoirs, des larmes, des injustices, de l’esprit, beaucoup de courage face à la fortune. Mais il se détache de celui qui l’a guidé sur cette voie avec sa voix ; car on s’amarre volontiers à ses personnages parce qu’ils nous font rire aux éclats des plus sincères.

La comédie des erreurs

Nous pensons tous déjà savoir qui est Jonathan Cohen. Comme toujours, il est confortable de projeter une image par paresse et commodité sur quelqu’un et passer son chemin ; plutôt que de s’arrêter et d’aller à sa rencontre. Nous croyons déjà connaître l’odeur de ce parfum, à l’image d’une sensation de déjà-vu. Nous nous persuadons alors de l’inintérêt de s’intéresser à un simili de ce que nous connaissons ; préférant alors allez vers le neuf, clinquant, qui excitera beaucoup plus nos sens. Voilà bien notre erreur ! Trop aveuglé par une ère que l’on qualifie d’égocentrée, nous oublions de plus en plus d’ouvrir les yeux pour voir les nuances violettes de ce qui règle notre société. L’acteur révélé sur YouTube, avec la série Bloqué de Kyan Khojandi, est aussi complexe et insaisissable que Serge le Mytho ; et aussi attachant et incompris que Charles. Bref ! Il est évident qu’il y a de la profondeur humaine dans ces divertissements.

"JoCo nous plaît car il rappelle que dans un océan, dont nous sommes tous les bouffons, nous pouvons sentir ce vent salé qui peut nous ramener à la maison si l’on parvient à lever l’ancre."

En dehors de son travail, ce sont également ses interventions qui dénotent. Aussi "atypique" que la rédaction du média Papotin, chez qui il apparaîtra sur le premier plateau de septembre, il dialogue volontiers autour du temps dont il a eu besoin pour se déconstruire et pour manger le fruit de sa réflexion. Loin d’une démagogie calculée, il évoquera la générosité d’être humain face à l’autre. En parallèle, il racontera sans détour ses multiples mutations identitaires depuis son enfance. Avec son essai, L’irréversible de la nostalgie, Vladimir Jankélévitch affirme que "le but de l'itinéraire odysséen, c'est le rendez-vous avec soi-même". Jonathan Cohen est un exemple concret du voyage homérien. Il incarne pour nous, spectateurs, ce trajet vers soi qu’on aimerait reprendre.

Aujourd’hui, nous travaillons notre image, face aux challenges, au trending et aux pouces en l’air. Nous avançons toujours face au regard de l’autre, car là est le propre de la vie en meute ; mais si nous sommes Homme par nature, il n’en reste pas moins que nous devons garder un cœur de loup face à la raison sur le chemin. A l’image du Papotin, soi se retrouve dans la liberté que nous préservons à être. JoCo nous plaît car il rappelle que dans un océan, dont nous sommes tous les bouffons, nous pouvons sentir ce vent salé qui peut nous ramener à la maison si l’on parvient à lever l’ancre.  Mais, la question est : est-ce que nous sommes prêts à hisser les voiles ?

Beaucoup de bruit pour rien ? Non !

Jonathan Cohen montre toute l’ampleur de ce que veut dire "être". Il n’y a pas de frontières et d’évidences. De son personnage Fucking Fred à celui de François Sentinelle, il prouve que tout peut exister au sein d’une unique identité. Nous aimons l’Homme car nous cherchons à monter dans son joyeux navire sur lequel il fait voguer ses personnages. Il n’y a pas de calcul et d’anticipation sous son chapeau en paille. Il veut rire à gorge déployée comme cet albatros posés sur la proue du bateau qui contemple avec un bonheur l’étendue nuancée des possibilités.

L’erreur serait d’affirmer que tout cela fait beaucoup de bruit pour rien. En effet, à mesure des projets, force est de constater que la réalité dépasse la fiction. Le producteur tend, de plus en plus, à soutenir l’idée que les choses ne sont pas ce qu’elles semblent être. Un flic maître chanteur au bouc douteux, mais à la séduction assurée est alors parfait pour ne pas être dans un énième cliché. Plus que ça, François Sentinelle veut être quelqu’un sur qui on peut compter, fidèle, honnête, juste et bon. Des intentions que l’acteur manifeste lui aussi en tournant sur le petit et le grand écran entouré des mêmes partenaires, comme Pierre Niney, Leïla Bekhti, Laura Felpin ou Ramzy Bedia. Une fidélité qu’il serait trop évident de qualifier de professionnelle, lorsqu’on comprend qu’elle est avant tout humaine.

Il s’agit alors du dernier point d’amarrage qui nous convainc de suivre Jonathan Cohen. Une sincérité honnête se dégage de lui. Avec le temps, on saisit les nuances qui composent le bouquet de ses personnages et de sa personne. Pour petit à petit trouver l’essence d’un parfum qu’on cherche à tout prix… Qu’on possède pourtant depuis toujours. J’ai pris un plaisir passionnant à vous parler de cet homme. Parce qu’à travers cela, j’ai pu rire encore et encore en naviguant vers une évolution de moi-même. Il ne reste plus qu’à vous d’oser aller vers ce soleil à l’horizon pour vous emparer de vous-même. Bon voyage et surtout… Amusez-vous !

"Sentinelle" sur Prime Video le 8 septembre prochain.

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