INTERVIEW

Les Flammes : "Les Flammes sont pour les artistes, l’industrie, le public, l’avenir culturel et humain."

Publié le

23 avril 2024

Les Flammes sont nées d’une passion brûlante, d’une volonté ardente de justesse, d’une intelligence incandescente des médias Booska-P et Yard. La première édition, en 2023, fut l’étincelle dans le fagot de bois, construit avec corps et esprit. Un show en direct unique durant lequel se produisent Aya Nakamura, Franglish, Alonzo. Diffusé en prime sur W9, Youtube et Twitch le 25 avril prochain, cette initiative veut être celle de tous les temps et toutes les personnes. Plus qu’une série de récompenses dans la culture populaire ; ce projet veut être le point central d’un rassemblement générationnel. Il veut alimenter le feu de la Culture avec grand "C". S-quive a échangé avec Les Flammes, à propos de ce projet ambitieux, amoureux, humain, rêveur et flamboyant.

Comment avez-vous construit ce projet ?

C’est parti de beaucoup de discussions. C’est venu avec le temps. On sentait notre envie et notre besoin de faire quelque chose. On avait le sentiment que notre culture n’était pas représentée à sa juste valeur. Un peu avant le Covid, nous nous étions décidés à entamer le projet. Les confinements nous ont vraiment aidé à travailler la vision, les process et les intentions. L’année précédant la première cérémonie, nous avons annoncé que Les Flammes allaient naître sous l’impulsion de Booska-P et Yard. Ce qui nous a permis d’avoir des partenaires financiers pour aboutir à ce que nous avions mis sur papier. On s’est ensuite lancés dans l’aventure à fond, pour sortir la première édition l’année dernière.

Dans votre démarche, il y a une vraie intention d’unifier les générations passées, présentes et futures. Qu’est-ce qui alimente ce feu au fil des générations selon vous ?

Pour nous, cette volonté d’une importance cruciale. Nous faisons ça, bien sûr, pour les nouvelles générations, pour leur donner une place, leur ouvrir des portes et les représenter. C’est également fondamental d’éduquer, de faire découvrir ceux qui ont tracé les chemins de ce qu’on nomme la "sous-culture", et qui aujourd’hui sont la Culture avec un grand "C" (dans la société francophone, et mondiale). Les voies de cette culture ont été pavées par de grands noms, à qui il faut rendre hommage et reconnaissance comme ils le méritent. En parallèle, des nouveaux noms, qui font le présent et construisent l’avenir, doivent être mis à l’honneur. Ça permet de vivre ce moment de célébration tous ensemble, d’appliquer des valeurs qui font parties des cultures dans lesquelles on gravite et d’unifier chacun dans un mouvement commun.

Cette année, le taux de participation aux votes double par rapport à l’année précédente. Comment expliquez-vous cette évolution ?

Il y a beaucoup de raisons. La première, c’est que l’année dernière, nous partions de zéro. Les Flammes c’était trop neuf. Il y avait, à la fois, une incertitude et un scepticisme de ce que ça allait être. Avec Yard et Booska-P, on a pu informer et intéresser le public. Ce qui a permis d’avoir 135 000 votants, ce qui était déjà très bien ! Cette année, nous avons plus que doubler, parce que le public a maintenant connaissance de ce nous proposons. Nous sommes aussi allés à la rencontre des votants à Paris, Marseille, Lyon, Nancy, en créant des bureaux de vote en physique. Ce qui donne le sentiment fort de faire partie et d’être acteur des Flammes. L’événement a aussi bénéficié d’une plus grande couverture médiatique. On espère, dans le futur, que ce projet devienne celui de tous. Qu’il grandisse avec le nombre de votants, de personnes qui vont suivre et regarder les cérémonies. Que ça soit un moment populaire.

Comment avez-vous composé le jury cette année ?

De la même façon que l’année passée. Nous avons décidé que les personnes qui sont jurés une année, ne peuvent l’être la suivante. Nous composons avec de nombreux experts et acteurs qui ont un rôle, au quotidien, dans la culture et dans l’industrie musicale (producteurs de spectacles, labels indépendants, majors, médias, institutions).

"Le rap, dès ses origines, est social. Pour beaucoup, c’est un moyen de véhiculer des idées, de transmettre des messages, de défendre des valeurs."

Une Flamme attire l’œil. A mes yeux, c’est celle de "l’engagement social". La musique est un art social ou l’artiste use de son art pour en faire un acte social ?

La Flamme de l’engagement social était importante pour nous pour deux raisons. La première, c’est que le rap, dès ses origines, est social. Pour beaucoup, c’est un moyen de véhiculer des idées, de transmettre des messages, de défendre des valeurs. Cette musique vient souvent de ce qui se passe dans la société. Mais également, parce qu’on vit à une époque dans laquelle les nouveaux noms veulent reprendre une place dans le débat social. Même si ça n’est pas à travers leurs paroles, c’est dans des actes qu’ils manifestent cette volonté de se faire entendre avec des collaborations, avec des associations ou des prises d’initiatives. C’est pourquoi je pense que ce sont les artistes qui rendent la musique "sociale".

Dans la flamme de la "Cover de l’année", on retrouve celle d’Isha et Limsa d’Aulnay. En quoi cette cover est-elle marquante ?

Elle est marquante parce qu’elle est très différente de ce qui se fait habituellement. Il y a un lien avec le titre de l’album bien sûr. Mais, je dirais que, c’est le décalage avec ce qu’on imagine et stigmatise du rap qui fait mouche. Ce contre-pied la rend marquante et hyper intéressante !

Pour reprendre les termes, Les flammes ont été créées pour "la culture populaire". Comment définissez-vous cette culture ?

D’une part, nous avons utilisé ce terme, pour ne pas utiliser "urbain" ! Ce mot désigne uniquement "la ville". Personne ne se définit par ce terme, parce qu’il renvoie à trop de péjoration. Nous lui préférons donc très largement celui de "populaire". Ce qui était considéré comme des cultures alternatives, underground ou en-dessous des autres ; force est de constater, aujourd’hui, que ce sont celles du peuple, dans tous les domaines : sport, mode, cinéma, photographie, etc… La culture hip-hop est la plus populaire à présent ; c’est elle qui fait la pop-culture depuis presque une décennie. En vérité, c’est complètement logique. Ce courant musical est protéiforme ; il touche à tous les pans culturels. Il vit dans son époque depuis toujours et dans tous les domaines. Rien d’étonnant donc à ce qu’il soit le courant populaire maintenant. De plus, nous voulions s’attacher à revenir aux sources du rap, à savoir les quartiers "populaires" ; mais également s’inscrire dans l’air du temps.

On reproche parfois à la culture « urbaine » de vivre en vase clos. Pourtant, quiconque s’intéresse, ne serait-ce qu’au hip-hop, comprend que c’est beaucoup plus nuancé. Pourquoi ce sentiment d’après vous ?

Comme souvent, c’est aussi une question de génération d’une part ; de curiosité et d’effort, d’autre part. Les habitudes sont un point d’ancrage solide, les repères et leurs références se placent dans d’autres paradigmes. Qui plus est, les médias les maintiennent parfois dans ce cadre-là. Mais lorsqu’on s’y intéresse, on comprend très vite que c’est une culture qui puise absolument partout et qui ne se limite à rien.

"On cherche à ce qu’on oublie d’où vient le projet, pour qu’il existe par lui-même."

Yard et Booska-P font parties des médias les plus influents sur la culture, et la musique notamment. Comment fait-on pour porter cette responsabilité à bien ?

On réfléchit énormément ! [Rires] Mais surtout, on s’entoure de gens extérieurs ! Par exemple, bien sûr, pour démarrer Les Flammes nous avons mis en avant que ça venait de Yard et Booska-P. C’était intéressant pour attirer les regards. Cela donnait également de la crédibilité, de la légitimité et de l’authenticité. On savait que c’était créé par des gens qui font parties de ce monde-là, qui y sont investis, impliqués et qui le comprennent. Pour autant, on cherche à ce qu’on oublie d’où vient le projet, pour qu’il existe par lui-même. Nous construisons des équipes dédiées au projet, nous faisons intervenir des comités extérieurs. On essaye de rendre nos médias, autant que nos projets, le plus collectif possible. Ce n’est pas encore parfait, mais on travaille chaque jour pour ça. On met en pratique ce qu’on dit. On veut rendre ce projet populaire. Il appartient au public, c’est lui qui le fait et le fera. J’espère en tout cas.

Depuis quelques années, la culture urbaine s’inspire, plus que jamais, de la pop culture et la culture geek. Booska-P a d’ailleurs une catégorie à ce sujet. Yard l’évoque également. Pourquoi selon vous ? Qu’est-ce qu’on y trouve par rapport à d’autres pans culturels ?

Pour prendre les mangas, la relation que ce support a avec le hip-hop est vraiment énorme et historique. Les premiers noms du rap, ont grandi avec les premiers grands succès mangas en France. Il y a également cette idée d’arriver au maximum de ces capacités et le meilleur de ce qu’on peut devenir. Je pense que par rapport à ça, la culture rap se retrouve liée intimement.

Est-ce que vous vous inspirez de cet état d’esprit geek/pop-culture d’aujourd’hui ?

Que ça soit Yard, Booska-P et toutes les équipes qui interviennent, elles s’inspirent clairement de l’état d’esprit de mangas. On essaye d’être toujours le plus pertinent possible et juste avec la culture au sens large. D’être toujours au meilleur de ce qu’on peut proposer et être. Comme dans ces œuvres culte (Dragon Ball, Saint Seiya), c’est un combat au quotidien qu’on mène, nous aussi. C’est également, parce qu’on s’intéresse à notre temps qu’on diffuse la cérémonie sur Youtube et Twitch. Nous voulons prendre l’entièreté de ce qu’il se passe et l’infuser de la meilleure façon possible ; pour la traduire ensuite dans des choix et des actions équilibrés et bons.

On parle des flammes comme une cérémonie sur la musique urbaine (notamment). Mais on récompense surtout l’art qu’est la musique sous toutes ses formes (images, productions, textes, compositions…). C’est quoi la musique pour vous ?

Pour moi, comme pour beaucoup de monde, c’est des moments. Souvent, tu aimes des artistes, des morceaux, des clips ou des périodes ; parce que tu t’imagines plus jeune, dans une fête, dans des instants majeurs de ta vie, avec des personnes importantes pour toi. C’est en ça qu’on entend souvent l’expression : "C’était mieux avant" ; parce que tu te remémores ces souvenirs par le biais de la musique, c’est la bande son de ta vie. Enfin, je pense que la musique est au centre de la culture. C’est, peut-être avec le sport, ce qui rassemble le plus les gens. On s’unifie dans un concert, autour d’un artiste, d’une musique. Notre volonté avec Les Flammes est la même.

Pourquoi ne faut-il pas esquiver les flammes cette année ?

Ça dépend, évidemment, du point de vue, mais je dirais qu’il n’y a pas de raison de l’esquiver. C’est l’occasion de voir des gens te représenter dans des conditions exceptionnelles. Celle de se rassembler, comme on le disait juste avant. Pour continuer dans l’idée, c’est aussi un moment culturel en direct unique et beau à vivre, peu importe où on est et de quelle génération on est (télé, Youtube, Twitch, sur place…). Mais, surtout, si on a envie de soutenir toutes les cultures dans lesquelles on gravite, (et la Culture) ; plus on est, plus on pourra rendre pérenne ce genre de projet et d’initiative. Pourquoi pas donner envie aux prochaines générations de créer aussi des actions similaires. J’espère sincèrement que les gens le comprennent et le ressentent. Les Flammes ne sont pas que pour nous. Elles sont pour les artistes, l’industrie, le public, l’avenir culturel et humain.

Toute l’actualité des Flammes à retrouver ici.

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