"Virgil Abloh: The Codes" : l’art de réinventer les codes du luxe

Un héritage vivant. Disparu en 2021 à l'âge de 41 ans, Virgil Abloh laisse derrière lui une œuvre monumentale. A partir du 30 septembre 2025, le Grand Palais lui consacre une rétrospective exceptionnelle : "Virgil Abloh: The Codes". Plus de 20 000 pièces y seront présentées, retraçant près de vingt ans de création pluridisciplinaire. L'exposition, pensée par les Archives Virgil Abloh et Nike, célèbre un homme qui a fait de la mode un espace de lutte et de liberté. "Ouvrir au public sa collection personnelle et ses projets inachevés est une manière puissante de prolonger sa vision", explique Shannon Abloh, sa veuve. Une vision où chaque vêtement est un manifeste, chaque collaboration une alliance, chaque défilé une marche vers l'émancipation. "Virgil Abloh avait une vision unique. Il parvenait à nous toucher avec des visuels simples, mais toujours porteurs de différents niveaux de lecture", souligne le photographe Meyabe.

De la mode à l’acte politique

Né en 1980 dans l'Illinois, fils d'immigrés ghanéens, Virgil Abloh grandit dans une Amérique où les rêves des enfants noirs sont souvent confinés à des rôles stéréotypés. Lui, choisit l'architecture, puis le design, puis la mode — non pas comme des disciplines cloisonnées, mais comme des terrains d'expression. Très tôt, il comprend que la création peut être un levier de pouvoir. Et que ce pouvoir, il faut le redistribuer.

Une esthétique de la contestation

Avec Off-White, sa marque fondée en 2013, Abloh ne propose pas seulement des vêtements. Il propose une lecture critique du système. Les guillemets qu'il appose sur ses créations - "SHOES", "SCULPTURE", "FOR WALKING" — sont autant de clins d'œil à l'absurdité des conventions. Il joue avec les codes du luxe, les détourne, les expose. Et surtout, il les ouvre à ceux qui en ont été historiquement exclus. Son approche est radicale : faire du streetwear une forme légitime de haute couture. Mais derrière cette démarche esthétique, il y a une volonté politique. Le streetwear, né dans les communautés noires et latines, a longtemps été marginalisé par les grandes maisons. En le propulsant sur les podiums de Paris, Abloh rétablit une vérité : la créativité ne connaît pas de hiérarchie raciale.

Une ascension historique

En 2018, l'arrivée de Virgil Abloh à la direction artistique des lignes masculines de Louis Vuitton marque un tournant historique : pour la première fois, un homme noir prend les rênes créatives d'une maison emblématique du luxe français. Issu du streetwear, Abloh ne voit pas cette nomination comme une consécration individuelle, mais comme une victoire collective, une brèche ouverte dans un système longtemps verrouillé. Son premier défilé est une véritable déclaration : mannequins noirs, enfants des quartiers populaires invités au premier rang, et un podium arc-en-ciel en guise de manifeste. Plus qu'un show, c'est une performance politique, un geste fort qui redéfinit les contours du luxe. À travers ses créations, Abloh insuffle une vision radicale : celle d'un luxe inclusif, en dialogue avec les marges, porteur de diversité, de lutte et de résilience. Comme il le disait lui-même : "Je suis ici pour montrer que tout est possible." Un champ des possibles qui a inspiré des talents créatifs avec des vibrations artistiques. "En tant que photographe durant les fashion week parisiennes, j’ai eu la chance de l’observer à l’œuvre, d’assister à ses défilés, ou encore de le croiser à la sortie de certains shows. Mon plus beau souvenir reste un échange que j’ai eu avec lui en 2019, à la sortie du défilé Berluti, place de l’Opéra. J’aime imaginer des séries de photos autour d’objets du quotidien, et ce jour-là, je voulais réaliser des portraits avec une bouteille en plastique comme accessoire. Je lui ai demandé son accord, en lui proposant de me regarder à travers cette bouteille : j’ai pu immortaliser ce moment (Genie in the bottle, 2019)", explique Meyabe.

Une voix dans la tempête

Mais Virgil Abloh ne se contente pas de créer. Il parle, il agit, il finance. En juin 2020, alors que les États-Unis sont secoués par les manifestations après la mort de George Floyd, Abloh est critiqué pour un commentaire jugé trop modéré sur les pillages de boutiques. Il réagit rapidement, reconnaît son erreur, et annonce la création du Virgil Abloh "Post-Modern" Scholarship Fund, un fonds de bourses destiné aux étudiants noirs souhaitant embrasser une carrière créative. Il lève un million de dollars, avec le soutien de partenaires comme Louis Vuitton, Farfetch ou Evian. Ce geste n'est pas isolé. Tout au long de sa carrière, Abloh a milité pour une meilleure représentation des personnes noires dans les industries créatives. Il a collaboré avec des artistes afro-américains, soutenu des initiatives éducatives, et utilisé sa plateforme pour amplifier des voix marginalisées. "Mon travail est politique par nature", disait-il. "Parce que mon existence dans ce système est déjà une forme de résistance."

Une vision post-raciale ?

Certains lui reprocheront une approche trop conceptuelle, trop "cool", pas assez radicale. Mais Abloh ne cherche pas à être un militant au sens classique. Il est stratège, tacticien, bâtisseur. Il infiltre les systèmes pour mieux les transformer de l'intérieur. Il crée des ponts entre les cultures, les disciplines, les générations. Et surtout, il refuse de se laisser enfermer dans une identité figée. Son œuvre est traversée par une idée : celle d'un monde post-racial, où la couleur de peau ne serait plus un obstacle à la créativité. Mais il sait que ce monde n'existe pas encore. Alors il le dessine, pièce après pièce, collection après collection, exposition après exposition.

Plus qu’un créateur

Il a redéfini les contours de la mode, bousculé les institutions du luxe, et ouvert des portes longtemps restées closes. Mais Virgil Abloh n'était pas seulement un créateur de vêtements : il était un créateur de possibles. Derrière les silhouettes Off-White et les défilés Louis Vuitton, se cachait un homme en lutte - contre les stéréotypes, contre l'exclusion, contre l'invisibilisation des voix noires dans les sphères créatives. "Pour l’exposition ‘VIRGIL ABLOH : THE CODES’, j’ai eu l’honneur de lui rendre hommage à ma manière. 0fr. Paris m’a donné carte blanche pour créer un récit à travers vingt images, réunies dans un livre au format carte postale. Le titre ‘STILL HERE’ est né de cette conviction : son héritage perdure, son génie n’a jamais disparu", conclut le photographe Meyabe.

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"Virgil Abloh: The Codes", du 30 septembre au 9 octobre prochain, au Grand Palais, à Paris.

Deux tirages, en 30 exemplaires, numérotés et signés, et le livre-carte postale "STILL HERE" par Meyabe seront disponibles en édition limitée au Grand Palais, chez Colette.

A partir du 1er octobre prochain, les tirages et le livre-carte postale "STILL HERE" seront disponibles au Grand Palais, à la galerie 0fr. Paris, et sur son site meyabe.com