Un maestro du football joue à la Philharmonie de Paris

Ce n’est pas un hasard si Douglas Gordon et Phillipe Parreno ont décidé de braquer leurs caméras sur Zidane en ce 23 Avril 2005 à l’occasion de ce choc de la 33^ème journée de Liga espagnole, pour réaliser : Zidane, un portrait du XXIème siècle. La légende française d’origine algérienne arrive alors bientôt à la fin de sa carrière de joueur — qui s’arrêtera en 2006 après son carton rouge en finale de la coupe du monde face à l’Italie —. Vainqueur notamment de la coupe du monde 1998, à domicile avec l’équipe de France, "Zizou", lauréat du ballon d’or la même année, est depuis entré au panthéon du football. Il demeure aujourd’hui un emblème français qui a largement dépassé les frontières du sport. Pour lancer sa saison olympique en hommage au sport français, la Philharmonie de Paris redonne une seconde vie au film, sorti en 2006, avec une mise en scène novatrice. Reportage au cœur de cette expérience immersive autour du plus célèbre des footballeurs français.

Une immersion multidimensionnelle

"Je me suis cru sur le terrain, au marquage de Zizou !", explique Kamel 37 ans, passionné de football, qui, pour la première fois, a poussé les portes de la Philharmonie pour venir voir cette œuvre sur celui qu’il qualifie de "héros". Plongé dans un vaste espace obscur, où la seule source de lumière provient de la multitude d’écrans répartis aux quatre coins de la pièce, tous avec une orientation différente. Voilà comment sont diffusées en simultané sur chaque écran, les images capturées par une seule des 17 caméras, braquées ce jour-là sur Zidane, offrant ainsi de très nombreux points de vue au spectateur, qui n’a qu’à se mouvoir dans l’espace pour laisser libre cours à son imagination et se projeter dans le match. En se déplaçant, avec la variation des différents angles de vue sur le joueur madrilène, le visiteur incarne, tour à tour, tous les rôles possibles : partenaire, adversaire, arbitre, entraîneur, ramasseur de balle, supporter, cameraman et même celui du réalisateur qui a toutes les images à sa disposition en même temps. Le spectateur, bénéficiant d’une perspective de vision à 360°, est libre de ses mouvements à la différence d’une séance de cinéma classique. Une véritable immersion captivante durant un peu plus de 90 minutes, auprès du charismatique footballeur en action sur le terrain.

Zidane, le chef d’orchestre

"C’est une nouvelle manière de voir le football, c’est plus poétique, plus théâtrale", confie Adèle, habituée des expositions éphémères de la Philharmonie qui ne regarde du football "que quand la France fait un bon parcours à la coupe du monde". Pour ajouter une dimension plus épique, les images sont accompagnées d’une bande-son qui rend l’expérience encore plus immersive. Avec un timing millimétré s’entremêlent : clameur du public, sons relatifs au jeu (bruit de ballon, contacts, coups de sifflets), commentaires hispaniques, dialogues entre les joueurs et surtout les morceaux du groupe de rock progressif Mogwai. Une multitude d’éléments sonores semblant être commandés par les actions du meneur de jeu, qui se mue en chef d’orchestre, aussi bien sur le terrain qu’en dehors.

Zidane qui a évolué toute sa carrière au poste de meneur de jeu, plus communément appelé "Numéro 10", un rôle attribué à des joueurs très talentueux techniquement ayant pour but de bien faire jouer leurs partenaires, nous livre ici un récital comme lui seul en possède le secret. Mais soudain dans les derniers instants, c’est le coup de sang. À la manière d’un rockeur qui aurait décidé de démolir sa guitare, suite à une montée d’adrénaline, un accrochage musclé avec un adversaire sanctionné par un carton rouge, vient brutalement interrompre la partition d’un maestro définitivement différent des autres. C’est avec l’idée de créer une véritable réunion entre l’art et le sport autour d’un des plus grands sportifs français que la Philharmonie de Paris tentera d’attirer de nombreux visiteurs, afin de lancer sa saison olympique à moins d’un an des JO de Paris 2024.

"Zidane, un portrait du XXIème siècle", à la Philharmonie de Paris, jusqu’au 7 janvier 2024.