INTERVIEW
Publié le
1er juin 2025
Le rendez-vous est fixé à 10H, dans un hôtel niché sur la butte Montmartre. Nous y rencontrons Laura Smet, Axel Basquiat et Vincent Trémel. Ces derniers forment le duo The Penelopes, au style électro-pop et basé à Londres. Sa particularité ? Faire chanter des icônes du cinéma français, et cette fois-ci, c’est l’actrice et réalisatrice au regard bleu intense qui s’est prêtée au jeu avec le titre "Over Sensitivity", sorti il y a peu. Un projet artistique salvateur pour l’artiste, entourée par deux musiciens qu’elle considère comme sa famille. Retour sur une collaboration singulière.
The Penelopes, vous revenez à peine du Festival de Cannes, comment s’est déroulée l’expérience ? Quel est votre rapport au cinéma pour chacun ?
Axel Basquiat : Le festival était vraiment super, on a passé un bon moment. On en est arrivés à faire de la musique pour le cinéma parce que deux réalisatrices nous ont demandé de participer à leur projet, et faire ça a totalement changé notre façon de travailler. On est anglais, pour nous le Festival de Cannes, c’est quelque chose de très exotique, on a eu l’impression d’arriver à Miami, sous les palmiers, habillés en trench coat. On a essayé d’être super relax, de pas trop se prendre la tête.
Laura Smet : À titre personnel, je suis plus devant la caméra et je suis en train de passer derrière. Ce que j’aime beaucoup avec The Penelopes, c’est que je trouve que l’univers du cinéma est très présent dans ce qu’ils proposent, même si ce sont des chansons. Depuis que je les suis, je sens qu’ils sont fascinés par le cinéma et que c’est ça qui les amène à créer leurs morceaux. La manière dont ils m’ont mis en confiance derrière un micro, c’est exactement comme quand un réalisateur essaie de mettre en confiance ses acteurs derrière une caméra.
Votre titre "Over Sensitivity" vient à peine de sortir, comment vous sentez-vous ?
Laura Smet : Je suis super excitée, c’est la première fois qu’on me demande de pousser ma voix et c’est la première fois que je le fais et où je suis en confiance.
Axel Basquiat : Je suis très content, on fait quelque chose de vraiment différent mais on aime ça. C’est un track qui sonne très anglo-saxon. Ici, on va trouver ça spécial alors qu’en Angleterre, c’est plutôt normal.
Laura Smet : "Je suis en train de créer mon premier long-métrage et je voudrais qu’ils fassent mes musiques."
Comment s’est déroulé l’enregistrement ?
Axel Basquiat : Notre idée sur ce projet avec Laura, ce n’était pas de "chantouiller" ou de parler.
Vincent Trémel : On ne voulait pas tomber non plus dans la facilité et faire un parler-chanter, pour le coup le refrain envoie.
Laura Smet : Quand j’ai entendu la démo pour la première fois, je me suis dit que je n’allais jamais y arriver, mais j’étais en confiance et je savais très bien que si le résultat n’était pas bon, ça n’allait pas sortir. On a tenté et c’est passé. Il n’y a pas eu de forcing mais plutôt un respect de la corde vocale et c’est ça qui m’a plu. Quand ils m’ont fait écouter ma voix pour la première fois, je me suis étonnée moi-même. Au départ, on devait faire qu’une chanson, actuellement on en a trois, on va bientôt faire un album si ça continue… ! [Rires]
Vincent Trémel : Le but, c’était vraiment de s’amuser.
Vous avez enregistré à Londres, dans un studio emblématique…
Axel Basquiat : On a surtout fait la finalisation à Abbey Road, avec Miles Showell qui a fait beaucoup de mastering pour Lana Del Rey, Amy Winehouse,…
Laura Smet : En arrivant dans le studio, j’étais comme une gamine. Tu sentais un truc très rock, j’avais l’impression d'être arrivée dans un monde extraordinaire, comme si on m’avait déportée en plein dans les années 1970, à Londres. Dans ce lieu, il y a une certaine vibration, j’ai rarement senti un truc pareil. J’aime vraiment le rock anglais de ces années-là, je suis aussi une grande fan de Lana Del Rey, c’est quelque chose que j’écoute tous les jours.
Vincent Trémel : Pendant la journée de boulot, on avait des ingénieurs et des membres du personnel qui nous racontaient des anecdotes sur nos albums préférés. C’est un mix de musée, de studio, on était comme des gamins nous aussi la première fois.
Comment s’est organisée votre rencontre ? Qui a initié la collaboration ?
Laura Smet : Ils ont débarqué à mon "anniversaire surprise" sans savoir que c’était un "anniversaire surprise" ! [Rires] C’était un déjeuner entre amis, j’ai vu arriver deux mecs hyper stylés, ils venaient faire une interview dans le même lieu et voir ma mère, avec qui ils avaient enregistré un mois auparavant. J’étais un peu jalouse que ma mère fasse des trucs avec eux ! [Rires] Puis, on s’est contactés et ça s’est fait aussi naturellement que ça. Je suis en train de créer mon premier long-métrage et je voudrais qu’ils fassent mes musiques. Je me sens un peu perdue en ce moment dans mon métier et quand je suis avec eux, ça me rassure. Je me dis qu'il y a encore quelque chose de singulier dans ce métier et ça fait du bien. Tout est tellement basé sur la thune, sur combien d'entrées on va faire alors qu’eux en ont rien à faire et ça donne un côté très artistique qui a tendance à se perdre. Je trouve que c'est un cadeau, il n’y a pas de "fake".
The Penelopes : "On voulait faire de l’image avec Laura parce qu’on trouve que c’est une super réalisatrice, puis on s’est dit qu’on allait faire des chansons ensemble avant !"
Axel Basquiat : À la base, on voulait faire de l’image avec Laura parce qu’on trouve que c’est une super réalisatrice, puis on s’est dit qu’on allait faire des chansons ensemble avant !
"Over Sensitivity" raconte des maux actuels…
Axel Basquiat : Je trouve qu'on est dans un monde vraiment hardcore. Parfois, tu endures toute la journée et un tout petit truc va te faire craquer. Souvent, on a des des réponses un peu illogiques, on peut craquer pour quelque chose d’insignifiant alors qu’on vit des choses beaucoup plus graves. C'est marrant car on chante tout ça sur un tempo assez rapide. C’est typiquement anglais de raconter quelque chose de grave, mais en appuyant sur play, tu n’as pas l'impression d’écouter un morceau désespéré.
Laura, ce n’est pas la première fois que vous chantez, quel est votre rapport à la musique ?
Laura Smet : Je ne peux pas me passer de musique. Je peux me passer de regarder la télévision pendant des mois et des mois mais j’ai besoin d’entendre de la musique pour gérer mes émotions. Je travaille souvent en musique. Il y a des séquences où je sais exactement quels morceaux je vais écouter pour avoir un type d'émotion, c’est assez constructif. J’ai grandi dans la musique, dans le bruit. Je pense que même dans le ventre de ma mère, je vivais dans le bruit. Je peux être beaucoup plus à l'aise dans le bruit que dans le silence. Des fois, je trouve que le bruit est très silencieux, et qu’un silence peut faire beaucoup de bruit. J'ai un rapport quasi familial avec la musique et en même temps je suis hyper intimidée par elle. Dans une interview, Charlotte Gainsbourg expliquait qu'elle avait enregistré une chanson en anglais qui parlait de son père. Elle disait : “Je n’aurais pas pu chanter ça en français parce que c'est trop intime”. Comme c'est notre langue maternelle, il y a un côté moins intime à parler en anglais, il y a quelque chose de plus libérateur, comme dans un rôle.
C’est la première fois que vous chantez en anglais, comment s’est passée cette expérience ?
Laura Smet : J’ai une espèce de complexe de la chanson par rapport à mon ADN qui fait que j’ai souvent l’impression d’avoir la tour Eiffel sur les épaules, en plus en français. Le fait d’être en anglais me libère beaucoup parce que, c’est comme quand on te donne un accessoire quand tu tournes. Dans ma dernière série, j’ai une prothèse de cicatrice sur tout le visage. Le fait de travailler en anglais avec des gens qui sont à l’inverse de ce que j’ai pu connaître en France, c’est comme si on m’apportait des pièces qui me transportent et me font sentir légitime. En France, je ne me sens pas légitime, alors que là, c’était hyper fluide. J’ai l’impression d’être avec mes frères, c’est un peu la team de Stranger Things qui aurait grandi. J’ai l’impression de les avoir connus dans une autre vie. [Rires]
Laura Smet : "Cette expérience m’a redonné confiance dans beaucoup de domaines de ma vie."
The Penelopes, à chaque fois vous travaillez avec des femmes iconiques, pourquoi cela ?
Vincent Trémel : On aime travailler avec des actrices parce que ce sont des interprètes. Elles savent exprimer le côté véridique et cru des sentiments, parfois un peu mieux qu’une chanteuse de studio qui serait un peu plus dans la technique. On aime tous ces petits craquements, si la voix peut craquer dans une prise, on la garde. Axel a une voix très grave donc on a toujours fait chanter des femmes pour contrebalancer ça. On aime les voix singulières.
Axel Basquiat : Je repère les voix singulières. Quand j’ai eu Laura au téléphone, j’ai senti quelque chose. Je savais à peu près où ça allait nous mener. On admire le travail, la personnalité, le courage d’une personne, c'est très important pour nous.
Que représente Laura Smet pour vous ? Et à l’inverse, que représente the Penelopes pour vous, Laura ?
Laura Smet : Ils représentent un nouvel air. Cette expérience m’a redonné confiance dans beaucoup de domaines de ma vie, et ça a créé un tournant dans mon métier, pas de là à devenir chanteuse mais ça m’a apporté du bien-être, une certaine liberté d’enfant. Cette proposition m’est tombée dessus, elle m’a fait beaucoup grandir et m’a réconforté dans mon choix de métier. Des fois je n’arrive plus à retrouver la "note de musique" que j’ai envie de créer en tant qu’actrice ou interprète, là on me l’a redonnée. C’est comme quand on vole un ballon à une petite fille et qu’on lui redonne. Il y a quelque chose de très enfantin et de très vrai qui me rassure profondément et qui me donne envie de me dépasser.
Axel Basquiat : On a connu sa maman avant elle, et je ne suis vraiment pas étonné que sa fille soit comme ça. La candeur, c’est ce qui nous rejoint. On essaie de garder un côté pur dans un monde un peu dingue. J’ai aimé la façon fluide qu’on a eu de travailler ensemble, je crois en elle, je trouve qu’elle n’est pas assez exploitée.
Vincent Trémel : Laura respire la liberté, c’était assez fou de s’entendre aussi bien en studio. On s’est vus cinq minutes et ça a marché. On a besoin de collaborations qui vont vraiment de soi.
Laura, qu’est-ce que vous avez préféré dans la collaboration avec The Penelopes ?
Laura Smet : Quand on était dans le studio, je me rappelle de quelque chose qui m’a touchée. Je ne suis pas bilingue, il faut vraiment que je travaille mon anglais mais je pense que j’ai une espèce de trac. J’ai peur de me planter en anglais mais je n'ai pas senti le moindre jugement dans mon accent ou dans ma façon d’essayer d'interpréter la chanson. Tu oublies que tu n’as pas forcément la voix d’Amy Winehouse parce que tu es focus sur une syllabe et tu te lâches par moment.
The Penelopes : "Nous, on esquive les relous !" [Rires]
Des scènes ensemble à venir prochainement ?
Laura Smet : S’ils veulent, ils réussiront à me faire monter sur scène. Je l’ai fait une fois avec mon frère et j’ai beaucoup aimé. D’un seul coup, tout est possible. J’ai moins le trac que quand je suis au théâtre, encore une fois, le silence m’impressionne plus que le bruit.
Qu’est-ce que vous esquivez au quotidien ou dans les mondes dans lesquels vous travaillez ?
Laura Smet : J’essaie d’esquiver la routine au maximum.
Vincent Trémel : Nous, on esquive les relous ! [Rires]
Laura Smet : Si on arrive à esquiver la routine et les relous, on est bons !
"Over Sensitivity", The Penelopes x Laura Smet, disponible partout.