INTERVIEW

Romain Garcia : “Je voulais prouver que j'étais capable de faire de la musique.”

Publié le

24 novembre 2025

Depuis "Cappadocia", titre en collaboration avec Ben Böhmer, Romain Garcia est un visage de la techno mélodique française. Rencontre à l'occasion de la sortie de EURÊKA !, son premier album.

Romain Garcia ©Augustin JSM

Romain Garcia a une ligne directrice : ne pas être un “moine copiste”. L’expression, il la tient de ses années d’études en design, où il observait certains reproduire des schémas plutôt que d’en inventer. Force est de constater qu’il est fidèle à sa ligne. Animateur de camping, enseignant, puis DJ au style techno mélodique, il collabore avec Disiz, se produit en première partie de The Blaze et se propulse jusqu’au Madison Square Garden de New York. Les planètes s’alignent jusqu'à EURÊKA !, son premier album, sorti récemment. Il embraye aussitôt avec une tournée internationale de plus de 40 dates et le 19 mars 2026 il sera au Trabendo, à Paris. Rencontre avec ce DJ qui remplit de plus en plus de salles, pour qu’il nous raconte ce que ça lui fait, et comment il en est arrivé là.

Un premier album, ce n’est jamais anodin. Diriez-vous que ça a été le pas le plus difficile à franchir jusqu’ici pour vous ?

Quand tu fais de la musique, tu imagines toujours que tu vas faire un album, mais tu ne sais jamais quand. Je fais de la musique depuis longtemps, sauf que je ne signais pas et rentrant chez Anjunadeep, (label) ça a été assez vite. C'était le bon moment pour l'accepter, parce que j'avais plein de musiques qui étaient complètement différentes, donc le format me permettait de présenter plusieurs facettes de mon projet.

Vous aviez plein de musiques, et vous disiez que le plus dur, c’était de choisir parmi tous vos morceaux. Comment, in fine, avez-vous fait ces choix ?

Je cherchais une cohérence. J’aurais pu choisir que des bangers, des sons qui envoient… Mais créer un album, c’est raconter une histoire. On est passé de 150 à 20 tracks, il en faut 11. Le label a aussi son mot à dire, il y a une phase de négociation, par exemple, je voulais absolument avoir un track avec Pépite.

Vous aimeriez collaborer avec plus de voix françaises ?

Oui clairement ! J'adore. Mais c’est plus dur de convaincre les labels. D'ailleurs, tellement dur, qu'ils m'ont demandé de leur envoyer une version sans la voix du son avec Pépite. En radio aux États-Unis, ils la voulaient sans voix… Mais là, il se passe quelque chose avec Zaho De Sagazan qui explose la scène. Charlotte Cardin est écoutée partout dans le monde.

“J’ai eu une révélation quand j’ai vu les gens danser sur mes sons, au bord de l’eau : c’était ça que je voulais faire.”

L’album est décrit comme "un souvenir, une façon de graver dans le marbre un été qui a marqué un tournant". Pouvez-vous nous raconter cet été-là ?

J’ai passé 7-8 étés comme animateur de camping pendant que j’étais aux Beaux-Arts. Je composais déjà, un peu dans mon coin, et j’avais joué au Watergate grâce à Ben Böhmer avant que le Covid ne coupe tout. Quand les campings ont rouvert, je suis revenu bosser. Une amie a entendu mes sons, en a parlé à quelqu'un qui organisait une soirée sur la plage. Il m’a proposé de jouer uniquement mes morceaux. Ce soir-là, face à l’océan, j’ai eu une révélation quand j’ai vu les gens danser sur mes sons, au bord de l’eau : c’était ça que je voulais faire. Le lendemain, Ben m’a appelé pour signer notre track chez Cercle Records. Le morceau a explosé, Ben Böhmer est une star, et moi j’ai commencé à me faire connaître. J’aime que ma carrière avance petit à petit, même si je me suis fait avoir parfois.

"Je me suis fait avoir ", vous entendez quoi par là ?

Au début, tes contrats ne sont pas forcément hyper carrés. Je me suis fait avoir pour les droits d'auteur, des choses comme ça. Des choses que je ne connaissais pas. Maintenant, j’ai un avocat qui regarde tout, et en parlant avec les autres artistes, ils m’ont dit que c’était normal au début.

Tout a changé dans votre vie, est ce que l’album était un moyen de ralentir le temps et de laisser une trace ? Vous l’avez pensé comme ça ?

Oui, c’était une façon de marquer une étape, de pouvoir me dire plus tard : “J’en étais là”. Je voulais aussi me prouver que je pouvais composer plusieurs styles, tout en restant moi-même, avec mes mélodies et mon émotion. Et c’était aussi une manière de prévenir mon public : je vais sortir des choses différentes, c’est normal.

Vous avez commencé en tant que professeur avant de devenir DJ-producteur. Comment cela s’est-il passé concrètement ? Par l’art ou l’enseignement, vous êtes attaché à l’idée de transmettre ?

J’ai été prof dans l’école où j’avais fait mon bac pro design. Au collège, je n’étais pas très motivé, mais quand j’ai passé le concours pour cette école, j’ai tout donné. Le bac pro s’est très bien passé, j’ai ensuite fait les Beaux-Arts puis travaillé en agence. Mais je n’avais plus le temps de faire de la musique. Mon ancienne école m’a proposé un poste : 18 heures par semaine, du temps libre… J’ai accepté. Je me suis retrouvé avec des ados, comme quand j’étais animateur, sauf que là je leur donnais des cours. Il y a toujours l’idée de transmission. Beaucoup d’élèves arrivent sans envie ; mon rôle, c’était de leur montrer ce que j’aimais et de les amener à aimer le design à leur manière.

Vous vouliez prouver que vous étiez capable de sortir un album. Maintenant que c’est fait… Qu'aimeriez-vous vous prouver d’autre ?

Une grande étape est passée, alors qu’est-ce que j’aimerais prouver maintenant ? Depuis longtemps, je voulais prouver que j'étais capable de faire de la musique. J’entendais tout le temps qu'il y en a 1 sur 1 million qui y arrive. Maintenant, tout le monde peut sortir de la musique sur Spotify. Il y a une concurrence assez importante. Mon challenge pour la suite, c’est de continuer à proposer mon style de musique sans vouloir entrer dans une forme de mode.

"Ce que j’aime le moins dans mon métier, c’est répondre aux mails !"

Comment faites-vous pour vous démarquer ?

En école de design, je voyais beaucoup de “moines copistes”. Ils faisaient des choses super, mais qu’on avait déjà vu, sans exprimer leur personnalité. Moi, je voulais plus un travail d’auteur. Pour me démarquer, je cherche un équilibre entre faire de la musique pour les autres et pour moi.

Vous partez en 2026 sur une grosse tournée. Qu'est-ce que vous préférez ? Le live, les gens, les lieux ?

J’aime tout ! Ce que j’aime le moins dans mon métier, c’est répondre aux mails !  J’adore monter sur scène. C’est vraiment un des trucs que je préfère. J’aime aussi composer.

Romain Garcia

Vous avez un succès particulier en Inde. Comprenez-vous d’où vient cette notoriété ?

Le lien vient surtout du label, Anjunadeep, très connu en Inde grâce à Above & Beyond, qui sont eux-mêmes très connus là-haut. Donc, quand un artiste arrive avec le nom Anjunadeep associé à lui, la soirée se remplit toute seule. Quand j’ai sorti un morceau avec Ben Böhmer, qui est une star là-bas, j’ai eu un plus gros public aussi. En Inde, j’ai découvert une ferveur impressionnante, les clubs blindés, c’est une belle expérience.

Qu’est-ce qu'il va falloir esquiver en tournée ?

Pour être honnête, on va devoir esquiver l’alcool tous les soirs. On va devoir esquiver les after-party surprises. Et on va essayer d’esquiver aussi les fausses promesses.

"EURÊKA ! ", Romain Garcia, disponible partout.

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