INTERVIEW

Declan McKenna : "L’album sera coloré, irrégulier et avec beaucoup de personnalité."

Publié le

14 décembre 2023

Alors que la sortie de son prochain album What Happened to the Beach? approche à grands pas, Declan Mckenna s’est produit sur la scène de La Mezzanine (Paris XVIIIe), le 29 novembre dernier, lors d’un showcase. Dans un cadre intimiste, saupoudré de lumière par une boule à facettes, l’artiste a joué plusieurs morceaux de ses précédents albums et a interprété trois titres inédits, et ce, au plus grand plaisir des fans présents. A quelques semaines de son retour à Paris dans le cadre de l'Hyper Weekend Festival (28 janvier 2024), et à l'occasion de la sortie, demain, d'un cover de ABBA baptisé : "Slipping Through My Fingers", S-quive a échangé avec le Britannique quant à la création de son prochain album, ainsi que sur ses futurs projets.

Declan McKenna

Le 29 novembre dernier vous avez donné un showcase à Paris pour promouvoir votre prochain album, What Happened to the Beach? Est-ce que c’était la première fois que vous jouiez sur cette scène ?

Oui, c’est la première fois que je jouais à la Mezzanine. C’était génial, notamment l’atmosphère du lieu.

Quelles ont été vos impressions du showcase ?

C’était cool, je me suis beaucoup amusé. On voulait essayer de nouvelles choses avec mon équipe, comme changer d’instrument durant le showcase et utiliser le piano qui était sur place. Durant le showcase, j’ai voulu m’assurer qu’il y avait toujours de l’énergie parce que les personnes présentes étaient un peu calmes. Mais finalement, cela s’est super bien passé, encore mieux que je n’aurais pu l’imaginer.

Pourquoi aimez-vous jouer en France ?

La dernière tournée en France m’a particulièrement marqué car elle changeait de tout ce qu’on avait pu faire ici auparavant. Je me rappelle m’être beaucoup amusé. On avait obtenu nos costumes de scène dans un magasin de déguisement. Ma batteuse, Gaby, avait trouvé ce suit moulant, c’était super cool.

Au cours de ce showcase, vous avez dévoilé trois nouveaux titres de votre prochain album, qui ont pour nom "Elevator Hum", "Wobble" and "Mulholland’s dinner and wine". Est-ce que ces chansons font parties de vos préférées de l’album ? Pourquoi les avoir choisies pour le showcase ?

J’imagine que Mulholland’s dinner and wine est un commerce de vins imaginaire. J’ai eu plusieurs inspirations pour ce titre. On a écrit la chanson à Los Angeles et Mulholland Drive est une rue mythique là-bas. Il y avait aussi une petite boutique de vins à Brighton, là où je vis, qui s’appelait Mulholland.

"Une grande partie des paroles de ‘Mulholland’ est à propos de cette fausse image de soi que l’on construit afin d’impressionner les autres."

Est-ce que ces chansons font parties de vos préférées de l’album ? Pourquoi les avoir choisies pour le showcase ?

Il est certain que j’aime beaucoup ces chansons, "Wobble" est une de mes préférées. C’est sûrement l’une de celles qui capte le plus l’atmosphère de l’album. J’aime beaucoup les guitares qui la composent, j’en suis assez fier. Néanmoins, j’aime toutes mes musiques pour des raisons différentes. On a fait en sorte qu’elles sonnent bien avec les instruments qu’on avait à disposition. J’imagine "Mulholland’s dinner and wine" comme un commerce de vins imaginaire. J’ai eu plusieurs inspirations pour ce titre. Comme je le disais, on a écrit la chanson à Los Angeles et Mulholland Drive est une rue mythique là-bas. Il y avait aussi une petite boutique de vins à Brighton, où je vis, qui s’appelait Mulholland’s. Cette chanson a une bonne vibe, elle a quelque chose d’apaisant, comme une chanson de fin de soirée. Je pense que je teste quelque chose de nouveau. Je l’aime beaucoup et j’ai hâte qu’elle sorte.

A propos de "Mulholland’s dinner and drive", qu’essayez-vous réellement de partager à travers cette musique ?

L’inspiration pour cette chanson provient de mon passage à Los Angeles. Elle contraste avec d’autres chansons que j’ai écrites dans cette ville, comme "Elevator Hum" ou "Sympathy", qui possèdent une sorte d’atmosphère ensoleillée. "Mulholland" capture les aspects plus sombres de Los Angeles. On était littéralement en train de conduire à travers la ville et on remarquait certaines choses. A partir de là, on a construit les paroles. Une des principales idées est que Los Angeles possède une facette où les choses ne sont pas ce qu’elles semblent être. Les paroles partent d’un sentiment de duplicité – un cliché sur L.A. qui n’est pas totalement faux. Je pense aux personnes qui se disent amis de tout le monde, qui essayent d’impressionner les autres. Une grande partie des paroles de "Mulholland" est à propos de cette fausse image de soi que l’on construit afin d’impressionner les autres. Je pense aux histoires de braquage comme "Bonnie and Clyde" : deux personnes qui roulent à travers L.A. et peignent dans leur esprit une image pas totalement réelle de la ville.

Il semble que les paroles de "Mulholland" transmettent à la fois un sentiment de pouvoir et une peur de soi, une sorte de conflit intérieur…

J’imagine qu’il y a toujours quelque chose de personnel. Il y a toujours plusieurs couches aux chansons que j’écris, plus particulièrement avec cette chanson. On essayait de prendre l’inspiration, comme elle venait lors de leur écriture, et de ne pas trop y penser. Beaucoup de choses ont inspiré ces chansons, et même s’il y a quelque chose de personnel, on n’était pas dans l’état d’esprit : "On va écrire une chanson sur ce sujet". On essayait d’écrire sur le moment avec les idées de chacun.

Le 15 décembre prochain, vous allez sortir la cover de la chanson "Slipping through your fingers" du groupe ABBA. Pouvez-vous me raconter l’histoire de cette cover ?

[Rires] C’est une sorte de cadeau de Noël pour les fans. Ce projet était en suspens depuis un certain temps. Tout a commencé avec des morceaux de cette cover que je chantais lors de live Instagram, et quelques années après quelqu’un a republié ce petit clip et il est devenu viral. On me demandait constamment si je comptais réaliser la version complète, et je n’en étais pas totalement sûr. J’ai construit un petit studio dans le jardin de mes parents en rentrant de ma tournée, et j’ai essayé d’enregistrer cette chanson pour tester cette nouvelle installation. J’ai commencé par une guitare et les voix, puis j’ai ajouté d’autres choses. Et parce que le résultat me plaisait, on a décidé de la sortir. J’espère qu’elle ne va pas devenir un plus gros succès que les chansons de What Happened to the Beach ! Mais je ne sais pas ce qu’elle va devenir, les gens désirent vraiment cette cover.

Declan McKenna

Est-ce que "Slipping through your fingers" d’ABBA représente quelque chose de spécial pour vous ?

Je suis un grand fan d’ABBA ! Ce n’est pas nécessairement ma chanson préférée du groupe. J’aime le fait de l’avoir jouée en acoustique, à la guitare. C’est une chanson très émouvante à laquelle on peut s’identifier. Cette chanson est sur le fait d’aller de l’avant, de laisser partir un aspect de notre vie qui ne sera plus jamais le même. Cette chanson résume ce sentiment de perte de contrôle sur des choses de votre vie, et ce d’une façon incroyable. C’est un morceau très puissant, et étrangement elle n’est pas la plus connue. Elle se détache des morceaux comme "Dancing Queen" par le fait qu’elle émeut énormément les gens.

"What happened to the beach?" Pourquoi ce titre pour cet album ?

Ce titre provient de la chanson "Wobble". J’imagine que j’aime les questions pour les titres d’album parce qu’elles ne définissent pas trop ce que contient l’album. Le titre What happened to the beach? parle du changement, tout en ajoutant de la douceur. J’avais plusieurs titres qui fonctionnaient durant le processus de création mais j’avais l’impression d’y avoir trop réfléchi. Et lorsque je cherchais un potentiel titre à travers les paroles de mes chansons, je me suis dit que "What happened to the beach?" fonctionnait très bien. Cela faisait sens. Ces paroles renferment un mystère et sont liées à l’album en lui-même. Aussi, la plage était un élément important dans le processus de création. Je vis près de la mer, ici en Angleterre, et j’allais sur les plages de Los Angeles durant l’écriture de l’album. Thématiquement parlant, la plage complète le tout. J’aime ce titre, il fait de plus en plus sens pour moi.

"Ce sera un album coloré, que je voulais irrégulier et avec beaucoup de personnalité."

Si vous pouviez décrire votre album en trois mots, lesquels seraient-ils ?

Je dirais irrégulier, intime et amusant. J’ai pris du plaisir à le faire même si l’album n’est pas nécessairement joyeux. Je pense que c’est un album coloré, que je voulais irrégulier et avec beaucoup de personnalité. Il y a une absence de filtre. Je voulais que tout soit mis à plat et voir ce qui allait se passer. On écoutait ce qu’on avait fait puis on prenait des décisions, en allant toujours de l’avant. On a enregistré beaucoup de choses. On était capables de prendre des décisions sur ce qu’on avait réalisé seulement, et cela a mené à des compositions uniques.

Ce processus de création change beaucoup de celui de votre précédent album, Zeros ?

Oui ! Il y a des similarités entre les deux albums dans la façon dont j’ai écrit les chansons. Cependant, pour Zeros, je me suis rendu, avec mon groupe, à Nashville et on a enregistré entre 2 et 3 semaines, tandis que pour What Happened to the Beach ?, le processus de création s’est étalé sur une plus longue période durant laquelle j’ai écrit graduellement les chansons. Sur l’album Zeros, seulement une ou deux idées de départ sont présentes sur le rendu final, tandis que dans l’album What Happened to the Beach ?, il n’y a pas réellement eu de démo : la démo est devenue l’album. On n’arrêtait pas de construire autour des idées que l’on avait, au point que les idées de départ sont devenues parties intégrantes de la version finale. C’est sûrement ce qui lui donne son aspect tranchant.

Et lorsque vous faites de la musique, la visualisez-vous à travers des images, des couleurs, voire des formes ?

Il y a certaines musiques qui semblent faire sens dès le début, "Mulholland’s dinner and wine" est l’une d’entre elle. On travaille sur un clip vidéo qui tourne autour d’un trajet en voiture car c’est un morceau qu’on a partiellement écrit dans une voiture. On veut retranscrire cet état d’esprit. Cependant, si je me compare à mes autres amis musiciens, je ne pense pas être bon dans la visualisation de ma musique. Je ne suis pas très bon en dessin, ou ne serait-ce qu’en terme de calligraphie… Même si j’ai d’autres passions, comme la photographie, ce sont des aspects artistiques où je ressens le besoin d’une collaboration, tandis que pour ma musique, je peux me concentrer tout seul. Les autres formes d’art ne me viennent pas si naturellement.

"Tout le monde devrait avoir accès à la thérapie, notamment dans le monde où l’on vit, où il y est vraiment difficile de naviguer."

Dans une précédente interview, j’ai lu que vous étiez allé en thérapie. De quelle façon cela vous a-t-il aidé ? Et pensez-vous que c’est un sujet qui n’est pas assez évoqué avec les jeunes ?

Je pense que cela s’améliore. Suivre une thérapie apparaît comme une chose de plus en plus normale. Cela devient évident que les gens devraient en apprendre plus sur leurs émotions, être capable de les exprimer. Cela a été mon problème, comprendre et exprimer mes émotions lorsque j’étais plus jeune. Je travaille toujours dessus, la thérapie me permet de comprendre et de vivre un peu mieux. De mon point de vue, je vois plein de garçons et d’hommes incapables de réellement comprendre ou d’exprimer ce qu’ils ressentent. Je pense que c’est une chose qui va encore mettre du temps à se dénouer parce qu’il y a cette pensée que les gens doivent mettre de côté leur ressentis et broyer leurs sentiments, et je pense que cela permet aux émotions de contrôler notre quotidien. En ce qui me concerne, cela m’aide, tout simplement, et cela dans tous les aspects de ma vie. Plus particulièrement lorsque les choses apparaissent hors de contrôle, ou lorsque je me sens un peu anxieux. Avant cette thérapie, je n’étais pas capable d’exprimer clairement ce que je ressentais lorsque j’en avais besoin. Pour moi, la thérapie m’a aidé pour des choses qui peuvent paraître communes, et c’est pourquoi elle m’a été d’une si grande aide. J’arrivais en début de séance avec des choses à l’esprit qui m’apparaissaient comme les plus importantes au monde, et ma thérapeute m’a conduit à les rattacher à des choses du quotidien. Par exemple, être dans un supermarché et déambuler à la recherche d’un produit alors qu’en réalité, on est anxieux à l’idée de demander à un employé un renseignement. Cela permet de se simplifier la vie, de reprendre le contrôle, et en fin de compte, cela aide sur un plan plus large. Tout le monde devrait avoir accès à la thérapie, notamment dans le monde où l’on vit, où il y est vraiment difficile de naviguer.

Declan McKenna

Ce que vous venez de dire à propos du supermarché me fait penser au vidéo clip d’ "Elevator Hum", qui se rapproche de l’exemple que vous venez de prendre. Pouvez-vous expliquer la présence du détecteur de métaux ?

C’est une idée qui est apparue en travaillant avec mon ami Henry Pierce, qui a pris les photos pour l’album, et Jake Passmore, qui a beaucoup travaillé sur la direction artistique. À un moment, l’un d’entre eux a proposé l’idée du détecteur de métaux pour représenter une sorte de métaphore sur la recherche sans but précis. Le détecteur de métaux a été l’idée qui a permis de structurer l’aspect créatif de cet album. On a pensé qu’on pourrait réaliser des projets artistiques intéressants. Si je rapproche cette métaphore du processus de création de WHTTB, il y a l’idée de créer de la musique sans savoir dans quelle direction on se dirige, cette idée de constamment chercher sans savoir ce que l’on cherche. Mais en fin de compte, on espère toujours viser juste, et j’imagine que c’est ce à quoi ressemble la création musicale, ou du moins c’est ce à quoi ressemblait le processus de création de l’album. Tout est dans l’idée de la recherche du son, sans savoir ce que l’on va trouver.

Sur votre compte Instagram, vous avez posté une story avec l’artiste française Adèle Castillon. Peut-on espérer une future collaboration ?

Peut-être ! On s’est rencontrés pour la première fois lors de mon dernier passage à Paris. On a commencé à travailler sur certaines choses ensemble. Je suis la musique d’Adèle depuis un moment maintenant. Je suis heureux d’avoir cette opportunité de travailler avec elle et j’espère que cela se fera.

Declan McKenna

Declan Mckenna dévoilera son 3e single,"Slipping Through My Fingers", demain. Il sera sur scène à La Cigale le 3 mai 2024 à l’occasion de sa tournée européenne.

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