INTERVIEW

Benjamin Biolay : "C’est un album composé à l’étranger qui doit dire des choses plus intimes."

Publié le

16 octobre 2025

Considéré comme l’un des poètes contemporains de la chanson française, l’auteur-compositeur-interprète Benjamin Biolay dévoilera demain son 11e album Le Disque Bleu. S’il reflète aussi bien le bleu du ciel que les bleus de l’âme, ce double album, composé entre Buenos Aires, Rio de Janeiro, Sète, Paris et Bruxelles, fait écho à des références chères à l’artiste : d’Aragon, à Pablo Neruda, en passant par le fameux "Blue Album" des Beatles (1967). Une véritable invitation au voyage qui, loin de s’apparenter à un livre ouvert, distille une intimité moins censurée qu’il fera découvrir à son public lors d’une tournée en deux temps : acoustique et électrique. Rencontre.

Benjamin Biolay ©Marie Rouge

Benjamin, si vous deviez vous présenter en quelques mots…

Ce serait très simple : auteur et compositeur de chansons.

Vous sortez votre 11e album Le Disque bleu, qui est en fait un double album. Que dit-il de vous ?

C’est un album composé et écrit beaucoup à l’étranger donc il doit dire des choses plus intimes. Je n’aime pas rentrer dans les détails de ma vie ou de mes sentiments mais j’ai remarqué qu’en écrivant des textes là-bas, je m’autocensurais moins.

La couleur bleue est souvent associée à la stabilité, à la sagesse…

Ah bon… ?!

Oui, c’est ce qu’on en dit, il me semble ! Est-ce qu’il s’agit de votre album le plus authentique ou salvateur qui dit finalement : "Aujourd’hui, je veux une vie tranquille, sans représentation, loin du bruit de la ville", ancré entre terre — Paris, Sète et l’Amérique du sud où vous l’avez composé — et mer, — l’océan Atlantique — ?

Oui, c’est salvateur. L’adjectif "tranquille" est tout à fait approprié, ce sont vraiment des chansons écrites en pleine nature ou en pleine ville, dans une ville immense qu’est Buenos Aires. Je suis contemplatif dans les deux cas : je peux regarder la mer et les arbres très longtemps mais aussi un paysage urbain de nuit de la même manière.

Dans le titre "Ranch", vous dites que vous souhaitez être "loin des frasques", des "pop-up éphémères" … On sent que vous voulez être loin de tout ça…

[Rires] Oui, c’est vrai… Après dans la chanson "Adieu Paris", je ne dis pas Adieu à la capitale de la France, qui est magnifique...

Effectivement, je vais vous en parler après…

Mince, je suis en train de n***** toute votre interview ! [Rires]

"Paris pourrait m’attrister mais pas m’ennuyer."

Sur Instagram, vous pensez en bleu… Comment avez-vous pensé la DA ?

Avec les M/M qui sont des graphistes avec qui je travaille depuis toujours. C’est même un des deux, Mathias, qui m’a dit : "Pourquoi tu ne l’appelles pas ‘Le Disque Bleu’" ? Je lui expliquais que j’aimerais bien que les gens disent plus tard : "C’est le disque bleu", comme lorsqu’on parle de celui des Beatles, ce qui peut sembler complètement puéril de ma part ! J’adorais le logo de la cigarette de cette pochette quand j’étais petit… Et puis, ma maison à Sète est bleue, j’adore le bleu…

Dans le titre "Adieu Paris", vous ne faites pas une grande déclaration à la capitale : "La pluie de l’automne, Me fend le cœur en Plusieurs morceaux ; Paris les bains, Paris chagrin". Paris vous ennuie aujourd’hui ?

Paris pourrait m’attrister mais pas m’ennuyer. Il y a beaucoup de choses que je n’aime pas : les bancs avec les accoudoirs pour empêcher les SDF de s’allonger, tous ces gens à la rue et un état pas foutu de s’en occuper… Quand on vient d’Argentine, Paris paraît être une ville très riche, tout semble privilège par rapport à la dureté de la vie ailleurs. Il y a ce Tout-Paris qui décide un peu de tout, qui s’auto-congratule, se pistonne, beaucoup de choses que je fuis en vérité.

L’album renferme 24 titres et est divisé en deux parties : Disque 1 : Résidents et Disque 2 : Visiteurs. Quel est le statut qui vous correspond le mieux ?

Les deux. Je suis un nomade, ça ne m’empêche pas de me sentir chez moi partout. Même à Paris, je suis visiteur, je ne suis pas né ici. A Sète, je me sens plus résident parce que c’est l’endroit où je vais depuis que je suis petit, j’ai une grande partie de ma famille. La Méditerranée, c’est une mer qui me fait me sentir chez moi-même quand je suis ailleurs qu’en France.

Sortir un double album, que vous aviez déjà fait pour La Superbe (2009), ce n’est pas si fréquent, à une époque où les propositions musicales sortent en masse chaque jour. Est-ce qu’il y avait aussi cette envie d’aller à contre-courant ?

Il n’y a pas de volonté de pied de nez par rapport à quoi que ce soit. Écrire des chansons et des albums est une activité trop pure et trop sacrée pour moi. Et j’adore faire des albums. Quand on me demande une chanson, je ne sais pas trop quoi faire ! J’ai besoin d’inventer un petit film, de fabriquer quelque chose.

"En feuilletant ce recueil d’Aragon, j’ai vu ce titre ‘Oh la guitare’, ode à Pablo Neruda, que j’adore. Et en le lisant, j’y ai vu un refrain, j’ai pris ma guitare et c’est sorti."

Vous êtes considéré comme l’un des poètes contemporains de la chanson française. Dans l’album, vous mettez en musique le texte "Oh la guitare" de Louis Aragon. Pourquoi avoir choisi celui-ci ?

En feuilletant ce recueil d’Aragon, j’ai vu ce titre "Oh la guitare", ode à Pablo Neruda, que j’adore. Et en le lisant, j’y ai vu un refrain, j’ai pris ma guitare et c’est sorti. Normalement, je ne fais pas les chansons dans ce sens-là. Je fais de la musique d’abord et là, j’étais en Argentine avec une guitare brésilienne dans les mains, sur un petit nuage.

Et ça vous a inspiré…

J’espère, ce n’est pas à moi de le dire… ! [Rires]

J’ai lu dans une interview, concernant la relation avec vos filles, vous ne vous considérez pas comme un pote mais comme "un compagnon de voyage". Est-ce qu’être père, c’est un voyage ou un vrai périple avec beaucoup d’étapes ?

Alors dans la notion de voyage, il peut y avoir la notion de périple et de croisière de plaisance. Chaque jour est une vie avec les enfants, il peut se passer des choses qui semblent anodines pour l’extérieur mais qui ne le sont pas du tout.

Quelles sont les valeurs que vous tenez absolument à leur transmettre ?

La politesse, le respect, la générosité…. Des choses simples. De ne pas rester dans un monde en circuit fermé, de s’intéresser aux gens, à différentes activités, aux valeurs universelles que mes enfants ont déjà intégrées, bien sûr.

Vous avez écrit pour de nombreux artistes. Y a-t-il un(e)artiste nouvelle génération avec qui vous souhaiteriez faire un bout de chemin en musique ?

Je n’ai jamais pu vraiment répondre parce que, souvent, ce sont des gens qui écrivent déjà très bien. Donc ce serait gênant de leur proposer mais il y en a beaucoup.

Prochainement, vous ferez une "Tournée Visiteurs" en acoustique, et une "Tournée Résidents" plus électrique. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus sur ce que vous réservez à votre public ?

Je vais faire une tournée en deux temps : la première acoustique dans des théâtres pour une ambiance plus cosy en lien avec la saison et la seconde très électrique, voire plus électronique, donc ça dansera plus.

Que peut-on vous souhaiter ?

Longue vie, ainsi qu’à mes proches, et à vous, et à tout le monde ! [Rires]

"Le Disque Bleu", de Benjamin Biolay, disponible partout dès demain.

Benjamin Biolay débutera une tournée des théâtres, d’abord en acoustique, intitulée "Tournée Visiteurs" à partir de fin novembre prochain, notamment au Théâtre Marigny les 30 novembre et les 1er et 2 décembre prochains (concerts complets) ainsi qu’au Grand Rex le 9 mars 2026.

No items found.
No items found.
No items found.

Plus d'articles