INTERVIEW

Claude : "Le texte et la chanson aident à dédramatiser des angoisses."

Publié le

17 juin 2025

Inspiré par l’imaginaire et l’écriture des auteur(e)s Fernando Pessoa ou Virginie Despentes, Claude s’inscrit dans la verve des artistes aux textes porteurs et ancrés dans l’époque. Dans son premier album IN EXTREMIS, pensé avec Alexis Delong, il y raconte des situations non résolues, mêlées d’intime, d’angoisses ou de questionnements, et plongées dans une rythmique dansante et percutante. Après sa prestation sur la scène de We Love Green, l’artiste s’est confié sur ce moment intense, la construction 2.0 de sa culture musicale et les projets artistiques qui l’inspirent.

Claude ©Léa Costa

Comment avez-vous ressenti le public sur la scène de We Love Green ?

C’était cool ! [Rires] C’est le début de la saison des dates de l’été et je n’ai pas trop l’habitude des shows où les gens peuvent aller voir cinq concerts, donc avant qu’on monte sur scène, il y a une cinquantaine de personnes et quand on arrive, il y a, d’un coup, des gens à perte de vue ! Il faut vite se mettre dedans, c’est beaucoup de stress sur les premières minutes, puis comme les gens sont adorables et dynamiques, ça devient un plaisir.

Qu’est-ce que représente ce festival pour vous ?

J’étais choqué d’être programmé à We Love Green cette année, parce que, pour moi, c’est le max absolu du festival parisien. J’étais stressé mais très heureux d’être ici ! Leur programmation est formidable, rien qu’aujourd’hui, il y a FKA Twigs, Beach House, The Dare… J’ai trop hâte d’aller écouter tout le monde !

Vous performez avec votre premier album IN EXTREMIS. Avec ce titre, il y a cette idée du "tout dernier moment", et vous en parlez sur un post Instagram, qu’est-ce que ça évoque pour vous ?

"IN EXTREMIS" est un des titres de l’album éponyme et c’est vraiment le dernier moment avant la mort. Je trouvais intéressant de traduire l’image juste avant ce grand mystère. Tous les morceaux parlent de situations non résolues. Ils parlent de problèmes pendant trois minutes sans résolutions donc il y a une montée en tension. Je trouvais ça intéressant que chaque morceau traduise cet appel d’air de ce qui va arriver.

Vous avez travaillé avec Alexis Delong, avec qui vous avez eu le même langage depuis le début. Comment s’est déroulé le processus créatif ?

On parle français et on se comprend très bien ! [Rires] On s’est rencontrés, on ne se connaissait absolument pas et on s’est plus ou moins dit, du jour au lendemain, : "Si on faisait un album ensemble !". Je suis tombé amicalement amoureux de la personne, c’est devenu un de mes amis les plus proches. Musicalement, on souhaitait faire des choses assez similaires. Il sort de sa zone de confort quand il fait de la pop parce qu’il est très musique électronique et expérimentale. Il s’essaie à la pop de temps en temps avec Zaho de Sagazan, Yoa, Disiz, moi et plein d’artistes et il a tout de suite compris l’univers, les références, les sujets avec une vitesse extrême et surtout, en studio, on fonctionnait hyper bien ensemble. On était en phase sur la communication et nos manières de travailler.

Claude ©Léa Costa

Est-ce que depuis la sortie de l’album, cette manière de se livrer vous a permis d’apaiser certains maux ou ressentis (hypocondrie, la colère, peur de l’engagement…) ?

Non, je ne pense pas ! Je ne pense pas que la musique ait un don thérapeutique à long terme. Momentanément, c’est sûr, ça fait du bien d’écouter un morceau quand ça ne va pas ou quand ça va bien, c’est très ponctuel, mais ça ne suffit pas d’écrire un texte pour soigner quelque chose. Le texte et la chanson aident à dédramatiser des angoisses.

J’ai vu que vous aviez eu une enfance relativement calme et que votre ouverture musicale s’est vraiment faite avec YouTube. Est-ce que vous vous souvenez des artistes que vous avez découvert et suivi en premier ?

J’ai écouté simultanément des trucs nuls et fantastiques. On avait un ordinateur pour toute la famille et j’avais droit à quelques heures sur YouTube par week-end. Vers 2011-2012, il y avait une grande liberté sur la plateforme avec des collections de morceaux. Les gens avaient leurs vinyles et les partageaient des fichiers audio. Certains avaient des collections de 500 ou 600 morceaux de musique américaine, sud-américaine, éthiopienne… Je me faisais des tunnels d’1h d’un style musical, je téléchargeais tout en format MP3 illégal car c’était très simple à ce moment-là, je devais avoir 3000 ou 4000 fichiers audio ! Je me suis fait ma culture musicale comme ça. Pour les artistes, je commençais toujours par des gros trucs d’un genre et je finissais dans les artistes niches… Ça allait de Aphex Twin, The Cure à un artiste allemand qui n’avait rien sorti depuis 5 ans !

"Il faut esquiver les trends. Je pense que si un morceau s’inspire de celui d’autres artistes, t’es déjà un peu en retard…"

Quelle a été votre première émotion musicale ?

C’était avant YouTube avec The Eagles. Mon frère avait un double CD best of avec "Hotel California", entre autres. T’écoutais ça au retour de vacances, vers 19h, coucher de soleil avec des gros bouchons ! Ça a changé ma vie.

Claude ©Léa Costa

Il a beaucoup d’émotion et de fragilité dans ce que vous chantez. Vous êtes très inspiré par des auteurs comme Fernando Pessoa ou Virginie Despentes. Qu’est-ce qui vous touche particulièrement dans leur écriture ?

Virginie Despentes, c’est l’extrême brutalité de ses mots. Il n’y a pas de poésie et pourtant, c’est magnifique. Toutes ses phrases sont trop belles. Elle définit des choses crades, malsaines, tristes et violentes avec un vocabulaire qui n’édulcore pas ça. Je ne suis pas un gros lecteur mais j’adore ce qu’elle écrit, "Baisodrome" est un de mes morceaux que j’ai pris dans un de ses livres. Pour Fernando Pessoa, j’aime sa façon d’avoir 100 ans d’avance avec des choses très précises comme la dépersonnalisation, la déréalisation, l’angoisse… Il en parle avec beaucoup de pertinence, avec un aspect presque scientifique et rationnel pour expliquer des sentiments compliqués.

Côté style, vous avez souvent un sweat assez street et ces lunettes rondes hyper reconnaissables. Comment vous le définiriez ?

Je me définirais comme quelqu’un qui voit très mal donc mes grosses lunettes sont inévitables ! [Rires] Pour le reste, c’est juste confort. J’ai l’impression que les artistes auxquels je peux m’identifier sont ceux qui ont des styles immédiats, voire accidentels en quelque sorte. Je pense au chanteur du groupe de punk américain Turnstile, un petit gars en jogging avec des chaussures dégueulasses ! Je trouve ça marquant et charismatique ! Il y a aussi le chanteur des Fontaines D.C., Grian Chatten, qui s’habille n’importe comment ! Je pense que j’ai envie de tester des tenues plus postulat, j’ai beaucoup d’admiration pour les gens qui ont un style très assumé, je n’ai jamais encore eu le courage de le faire vraiment.

Claude ©Léa Costa

Qu’est-ce que vous esquivez dans la musique ?

Les trends ! Il y a des labels qui ont poussé des artistes à y aller et je pense que si un morceau s’inspire de celui d’autres artistes, t’es déjà un peu en retard… Tu n’inventes rien… Theodora en avait parlé et elle a bien raison.

Quelles seraient vos collaborations de rêve ?

Il y en a tellement ! Grian Chatten, c’est mon rêve absolu, Zaho de Sagazan, Yoa aussi ! Je pense que j’ai des maquettes qui seraient pertinentes en ce moment pour ça.

Que peut-on vous souhaiter ?

Des Olympias, des Zenith et la santé !

"IN EXTREMIS", disponible partout.

No items found.
No items found.
No items found.

Plus d'articles