RIVE GAUCHE

"Admirable" : un conte à fleur de peau signé Sophie Fontanel

Publié le

15 octobre 2023

Alors que la fashion week battait son plein, la journaliste de mode et écrivaine Sophie Fontanel a fait sa rentrée littéraire tout en douceur et en philosophie. Dans son nouveau roman Admirable, paru aux éditions Seghers, le 28 septembre dernier, elle nous emmène loin du feu des projecteurs, au fin fond du Péloponnèse. Nous y rencontrons Admira, "la (toute) dernière femme ridée sur terre". Un conte lumineux et tendre.

Sophie Fontanel / Instagram @sophiefontanel

"Admira a des frangines". C’est ce qu’a écrit Sophie Fontanel, début octobre, sur son compte Instagram. Son post : une photo de Pamela Anderson à la fashion week, radieuse, sans maquillage. Pour l’écrivaine, qui vient juste de publier un livre sur la disparition des rides, cette apparition remarquée de l’icône américaine est le signe d’un ras-le-bol chez les femmes, et d’une possible révolution esthétique à venir.

Le conte des mille et une rides

Admirable n’est ni un pamphlet, ni une dystopie : c’est avant tout une histoire, celle d’Admira, qui découvre peu à peu qu’elle est la seule personne à encore avoir des rides. Nous sommes plongés en Grèce, dans un paysage escarpé tout en kaolin, cette pierre blanche avec laquelle on fabrique la porcelaine. C’est là que vit la narratrice, une femme de 70 ans, lumineuse, drôle, et sereine. Pour elle, les rides, ce sont des plis, des marques laissées par le temps qui passe, et elle les porte avec fierté comme la cartographie de sa vie passée. Un jour pourtant, elle rencontre un homme lors d’une promenade en montagne. Bouche bée devant elle, il lui révèle le titre qu’elle a acquis à son insu, celui de "dernière femme ridée sur terre". Dans son livre, Sophie Fontanel métamorphose la représentation des marques de vieillesse. Elle nous rappelle qu’un visage ridé porte la mémoire d’un monde qui n’existe plus. Les rides sont comme les plis du kaolin que les touristes viennent photographier dans les criques en Grèce. Elles témoignent de l’érosion des visages sous l’effet du temps qui passe. Dès lors, Admira devient mythique : elle est l’unique témoin du passé, la dernière à faire survivre la mémoire des hommes.

Admirable, Éditions Seghers

Donner à la vieillesse un nouveau visage

L’idée géniale que l’on retient du livre, c’est l’invention de ce médicament mystérieux, le Mondoror, capable de lisser la peau, aussi ridée soit-elle. Comme l’anneau inventé par Tolkien, personne ne peut lui résister : tout le monde prend sa dose sans penser aux conséquences, et très vite, toutes les rides disparaissent de la surface des visages, puis de la Terre, comme par magie. On pourrait donc croire, à juste titre, que ce livre critique le botox et la chirurgie esthétique. Or, Sophie Fontanel s’en défend mordicus : "C’est pas une croisade contre la chirurgie esthétique, c’est une croisade contre ses excès et son hégémonie", poste-t-elle sur son compte Instagram. "La peur de vieillir, on n’a pas le droit de juger comment quelqu’un se débat avec", dit-elle encore sur le plateau de France Inter. L’écrivaine confie d’ailleurs avoir eu l’idée de cette histoire lorsqu’elle a reçu sa carte senior à 60 ans : ça y est, l’administration française lui conférait le statut de "vieille". Ce qu’elle veut, c’est bousculer la norme, et proposer une incarnation nouvelle de la vieillesse. Admira en est le nouveau visage : elle a 70 ans, mais elle est en pleine santé, se promène dans la montagne, se baigne. Elle est indépendante, forte, vive d’esprit, pleine d’humour. Un peu comme Sophie Fontanel… Si Admira n’a pas de nom de famille, c’est parce qu’elle est un symbole, une allégorie : une Sophie Fontanel, une Pamela Anderson, bref un nouveau visage, frais parce qu’assumé, de la femme âgée en 2023.

 

"Admirable" de Sophie Fontanel, Éditions Seghers.

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