CINÉMA

Qui est Caleb Landry Jones, la belle promesse du cinéma américain ?

Publié le

11 avril 2022

Rôle après rôle, Caleb Landry Jones s’affirme comme l’un des acteurs à suivre dans le cinéma indépendant anglo-saxon. Il est à l’affiche de Nitram (sortie prévue le 11 mai prochain en France), long-métrage qui revient sur la tuerie de Port-Arthur en 1996.

Cannes, 17 juillet 2021. Tahar Rahim dévoile le prix d’interprétation masculine récompensé par le jury de la 74e édition du festival : résonne alors dans le Palais des Congrès le nom de Caleb Landry Jones, l’interprète de Nitram dans le film homonyme du réalisateur australien Justin Kurzel. Tout de noir vêtu, le lauréat ne semble pas réaliser, sur le coup, l’honneur qui lui est rendu. C’est avec l’air hébété et les yeux groggys sous le coup de la surprise qu’il parvient finalement sur scène. Une fois arrivé au pupitre, il ne trouve les ressources que pour remercier à la hâte Kurzel et les membres du jury, présidé cette année-là par Spike Lee, avant de couper court à toute autre forme d’épanchement.

Une carrière précoce

Aussi invraisemblable soit-il pour le principal intéressé, ce prix obtenu à Cannes vient en tout cas saluer l’ascension remarquable du jeune homme de 32 ans, natif de Garland, dans la banlieue de Dallas. Le monde du cinéma lui ouvre rapidement ses portes et, à seulement 13 ans, il apparaît quelques secondes dans le chef-d'œuvre des frères Coen, No Country for Old Men (2007) ; il y joue l’un des deux enfants à vélo qui s’enquiert de l’état de santé d’un Javier Bardem bien mal en point après un terrible accident de voiture. Cette première expérience de tournage, aussi courte soit-elle, confirme Caleb Landry Jones dans sa volonté de devenir acteur professionnel.

Après avoir incarné le personnage du Hurleur dans le blockbuster hollywoodien X-Men : Le Commencement (2011), qui rapporte plus de 350 millions de dollars au box-office mondial, Jones fait la part belle au cinéma indépendant américain. Il tourne ainsi pour des cinéastes en devenir : Brandon Cronenberg (Antiviral, 2012), les frères Safdie (Mad Love in New York, 2014) ou encore Jordan Peele dans Get Out, succès public et critique de 2017. Des metteurs en scène plus reconnus lui font également confiance : David Lynch lui offre un rôle dans la troisième saison de la série culte Twin Peaks (2017), Jim Jarmusch le fait jouer dans sa comédie horrifique The Dead Don’t Die (2019).

Caleb Landry Jones
Caleb Landry Jones © Ben Saunders

Tous ces cinéastes ont en commun d’avoir voulu saisir l’extrême volubilité des traits jouvance aux de Landry Jones. Marqué par un teint blafard et des yeux d’un bleu profond, son visage lui confère un aspect tantôt attendrissant, tantôt franchement inquiétant. Ses rôles, souvent de second plan, témoignent en tout cas de cette ambivalence de caractère : on le retrouve aussi bien en junkie bellâtre autodestructeur, en fils pervers et incontrôlable, qu’en garagiste nerd. A chaque interprétation, Landry Jones diffuse son excentricité et son inquiétante étrangeté, qui le rendent unique dans le paysage cinématographique mondial.

Requiem pour un massacre

Dans Nitram, il campe un personnage, central désormais, autrement plus complexe : Martin Bryant, responsable de la tuerie qui coûta la mort de 35 personnes (et en blessa 23 autres) à Port-Arthur, sur l’île de Tasmanie, le 28 avril 1996. Pour jouer ce tueur en puissance, Caleb Landry Jones reprend l’allure de surfeur de Bryant, son embonpoint certain. Mais plus que l’apparence physique, Landry Jones parvient à figurer l'ambiguïté psychologique du personnage, en quête d’émancipation de la cellule familiale mais fondamentalement incapable de prendre sa vie en main.

Le ton de Nitram épouse ce basculement lent et irréversible dans l’horreur d’un être - littéralement - ingérable. Tout le talent de Caleb Landry Jones est de parvenir à susciter avec autant d’aisance une profonde sympathie face à cet adulescent retors et espiègle, découvrant de premiers émois prometteurs au contact d’Helen (Essie Davis), héritière de près de 30 ans son aînée, qu’une incompréhension désarmante lorsque le massacre final se dessine. Véritable traumatisme en Australie, les événements de Port-Arthur voient le pays durcir sa réglementation en matière d’armes à feu suite au drame. Si le scénariste Shaun Grant parle explicitement de Nitram comme un “film anti-armes à feu”, le long-métrage s’attache surtout à retranscrire les causes de la folie chez un personnage voué à la solitude et à la frustration.

Habitant lui aussi l’île de Tasmanie, Justin Kurzel explique sa volonté d’esquisser la personnalité complexe de Bryant : “Le dévoilement méthodique du personnage dans les semaines qui ont précédé le drame était si vivant, mais également si insondable qu’il allait bien au-delà de sa monstruosité et me confrontait à quelqu’un que j’avais le sentiment de connaître, d’avoir croisé, d’avoir ignoré, quelqu’un que j’aurais vu puis oublié” . En faisant de Martin Bryant un être sensible et subtil, Caleb Landry Jones confirme les espoirs placés par le magazine Variety, qui voyait en lui, dès 2014, l’un des « 10 acteurs à suivre » dans le cinéma mondial.

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