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Après une première exposition à la Triennale de Milan en 2018, Rick Owens se dévoile pour la seconde fois, cette fois-ci, à Paris avec une rétrospective aussi mystérieuse que grandiose. Le designer unique en son genre verra son travail, qui fascine tout autant qu’il dérange, minutieusement décrypté au Palais Galliera à partir du 28 juin prochain.
"Rick Owens : Temple of Love". Voici un nom bien énigmatique pour cette rétrospective dédiée à l’une des plus grandes figures de la mode. Directeur artistique de l’exposition, celui que beaucoup considèrent à la fois comme designer, architecte ou même philosophe présentera le travail d’une vie. De ses débuts à Los Angeles, à sa relation passionnée avec sa muse de toujours Michèle Lamy, en passant par ses inspirations, jusqu’à ses collections les plus récentes, le Palais Galliera présentera toute une traversée de l’œuvre du créateur Rick Owens. Riche de plus de cent silhouettes juxtaposées à des œuvres de Gustave Moreau ou encore de Joseph Beuys, d’archives personnelles et d’installations inédites, l’exposition étend son parcours à l’intérieur et même à l’extérieur du musée. Les statues de la façade seront enveloppées d’un tissu brodé de paillettes, et trente sculptures de ciment aux formes brutalistes seront installées dans le jardin, rappelant les collections de mobilier imaginées par le designer. Avec son ampleur et son format inédit, l’exposition "Rick Owens : Temple of Love" se veut comme un véritable temple de la création, où chaque élément permet une réflexion sur l’amour et la beauté.
L’exposition est d’autant plus symbolique puisqu’elle arrive près de trente ans après le lancement du label éponyme de Rick Owens. Né en Californie à Porterville en 1961, le jeune homme intègre Otis, une école d’art de Los Angeles avant de la quitter pour une école de stylisme deux ans plus tard. A ses débuts, le couturier est patronnier pour des marques de fast fashion. Fasciné depuis toujours par le sacré, la culture underground des années 1930, l’architecture, le cinéma hollywoodien ou encore les arts modernes et contemporains, Rick Owens est encore loin de pouvoir s’exprimer à travers son art. Alors qu’il évolue lentement dans son milieu, Michèle Lamy, une ancienne avocate pénaliste française fraîchement débarquée en Californie, se fait rapidement un nom. Après avoir ouvert deux restaurants, le Café des Artistes et Les Deux Cafés, elle devient styliste et lance sa marque nommée Lamy. Un beau jour, Rick Owens postule, se fait embaucher par la marque et rencontre sa patronne. C’est le coup de foudre. Michèle devient alors la muse de Rick, et l’inspire si bien qu’il lance enfin sa propre marque en 1994.
Ce n’est qu’à partir de 2002 que le travail de Rick Owens est reconnu par ses pairs lorsqu’il intègre le calendrier de fashion week de New York. Ses tenues, à la fois underground et élégantes, se démarquent par leurs structures complexes. Le créateur se distingue également par une esthétique sombre assumée, mêlant des coloris allant d’un noir profond à un certain gris poussière appelé “dust”, qui deviendra l’une de ses signatures. Un an plus tard, le couple quitte Los Angeles pour Paris, et c’est véritablement à ce moment précis que tout commence. Très vite, Rick Owens impose une forme de radicalité. A travers ses créations, il crée un univers parallèle, où la frontière entre les genres s’efface et où l’humain revête une apparence mystique. Parfois gothique, post-apocalyptique, punk ou rétro-futuriste… Rick Owens ne cherche pas à plaire, mais plutôt à retranscrire tout ce qui l’inspire à travers son art. Ce qui est sûr, c’est qu’il réussit, seulement comme une poignée de couturiers, à imposer un langage visuel unique en son genre.
Bien qu’elle soit aux antipodes du conformisme et de la bienséance, la mode de Rick Owens plaît. Celui qui présente ses collections depuis plus de vingt ans à la fashion week de Paris est l’un des rares à attirer, chaque saison, des foules de fans devant chacun de ses défilés. Toujours présentés au Palais de Tokyo, ses défilés font partie de ceux qu’on ne peut oublier. Si les collections et les scénographies varient, le spectacle est toujours aussi grandiose et mémorable. Depuis toutes ces années, Rick Owens n’a jamais compromis sa vision. Une cohérence d’ailleurs récompensée en 2019 lorsqu’il remporte le titre de Menswear Designer of the Year aux CFDA Awards. Mais ce qui le distingue de ses semblables, c’est sa manière de détourner les vêtements de leur rôle initial en les redéfinissant comme outil politique et militant. A travers ses créations, il dénonce notamment le patriarcat, en créant des silhouettes féminines surpuissantes ou en exposant le sexe de ses modèles masculins. A l’heure où les défilés sont d’une triste sobriété, Rick Owens dérange (peut-être), mais surtout parle et émeut à chaque nouvelle saison.
L’exposition "Rick Owens : Temple of Love" au Palais Galliera à partir du 28 juin 2025 et jusqu’au 4 janvier 2026.