INTERVIEW

Séguéla pub à papa ? Leçons d'un gourou du slogan

Publié le

26 juillet 2021

Que peut bien encore raconter Jacques Séguéla, ce "fils de pub" de 87 ans, qui officie toujours dans son bureau de l’agence Havas, au sommet d’une haute tour de verre à Puteaux ? Généreux dans ses anecdotes, ce père de la "Génération Mitterrand" qui a fixé sa retraite à 100 ans, a fait de la publicité sa maîtresse. Alignant les punchlines comme les trophées dans la salle vitrée à l’imprenable vue sur la capitale, ce showman habitué aux premières loges a vu le monde changé. Il y a carrément contribué, accélérant les embardées de la société de consommation. De Karachi à sa nouvelle passion pour l’écologie en passant par l’influence et la Rolex de Nicolas Sarkozy… Jacques Séguéla refait le monde et envisage celui de demain. Entretien avec un Hibernatus visionnaire.

Jacques Séguéla @Bastien Reveco

C’est dans une salle baignée de lumière que le père de la publicité nous reçoit. A bientôt 90 ans, Jacques Séguéla n’a rien perdu de sa vivacité et de sa coquetterie. Une fois sa veste de costume enfilée, préalablement préparée, le publicitaire aguerri s'assied à son bureau, face à son César de la pub et à sa petite maquette de 2 CV. Celui qui ne prendra sa retraite qu’à 100 ans — après avoir publié un livre qui célèbre son centenaire — est enfin prêt à nous dresser son panorama du XXe siècle, sans esquiver aucune question.

Que pensez-vous du nom de notre média ?

J’adore parce qu’il y a un "S" comme "Séguéla" ! Sérieusement, je trouve cela intéressant car la communication moderne, c’est justement l’art de l’esquive. C’est de la boxe et les très grands champions n’ont pas pris de coup. Ils ont mis 10, 20 ou 30 boxeurs K.O donc c’est une façon neuve d’aborder le plus vieux métier du monde, après celui de péripatéticienne, celui d’interviewrice de célébrité. Même si moi je n’en suis pas une… [Rires]

Avez-vous un slogan à nous proposer ?

"Esquive pour frapper plus fort" … "Esquive pour le mettre K.O" … "Esquive pour ne pas vous défausser"… Ou plutôt : "S-quive, à n’esquiver sous aucun prétexte".

"Là, je sors d’un call avec l’ambassadeur de Chine car mon rêve est de faire une grande campagne pacifique, d’union et de coexistence avec la Chine."

Nous sommes dans votre bureau chez Havas, qu’est-ce que vous y faites concrètement ?

De la publicité ! Ça fait 60 ans que je fais de la publicité. Mon premier rôle, c’est la création. Nous sommes dans 100 pays du monde avec 600 agences. Ce n’est pas une petite chose Havas, c’est 22 000 personnes dans le monde. Il n’y a pas de patron de créatif. Les créatifs n’ont pas de patron ou alors leur seul patron, c’est la créativité. Mon rôle, c’est d’entretenir l’esprit créatif dans l’agence à tous les niveaux : depuis la réception en bas jusqu’à Yannick [ndlr : Yannick Bolloré, PDG du groupe Havas,] qui vient de partir mais son bureau est là-bas au fond, et surtout de façon internationale. Le Covid fait que depuis neuf mois, je suis emprisonné mais je repars en septembre faire mon tour du monde pèlerin d’Havas. C’est mon premier job.

Mon deuxième job, c’est de suivre les très gros clients comme Citroën, ça fait 60 ans, de suivre Lacoste qui est chez BETC, de suivre surtout nos gros budgets comme les marques d’amélioration de la vie de la ménagère. J’ai tout réorienté vers l’écologie. Maintenant, ce n’est plus "je lave plus blanc la vaisselle" mais "je sauve l’eau de la vaisselle". Cela, je l’ai découvert grâce à des clients. Par exemple, les créatifs ont découvert que 80% des ménagères turques rincent leur vaisselle avant de la mettre dans la machine à laver la vaisselle. Ils ont fait des tests pour voir si le deuxième lavage servait à quelque chose. Résultat : à rien du tout sauf à priver les turcs de 25 litres d’eau par vaisselle, donc deux vaisselles par jour : 50 litres multipliés par 48 millions de ménagères, multipliés par 365 jours. C’est un lac moyen du pays qui s’assèche. Or, dans dix ans, la Turquie va commencer à manquer d’eau. J’avais écrit un livre dessus : Ne dites pas à mes filles que je suis devenu écolo, elles me croient publicitaire (2020). Il faut avoir toujours les 2/3 ans d’avance sur les modes pour préparer les créatifs, les agences et les annonceurs à être prêts quand il faudra frapper le premier.

Là, je sors d’un call avec l’ambassadeur de Chine car mon rêve est de faire une grande campagne pacifique, d’union et de coexistence avec la Chine. Je ne sais pas si j’y arriverai mais c’est mon grand combat du moment. Cela fait deux ans que je me bats pour ça, c’est "Les Routes de la soie" qui est le dernier grand chantier du monde et je voudrais que la France y soit associée. Je suis aussi présent pour les prospections. Et Yannick me questionne souvent et moi aussi. Et puis, il faut aussi compter le temps perdu avec les médias donc bravo ! [Rires] Enfin, le temps à écrire des livres, le prochain est ici, il commence.

Peut-on avoir un scoop… ?

Oui, je ne sais pas où j’ai mis le scoop… (Cherchant dans son tiroir de bureau) Le voici…

Jacques Séguéla et son prochain livre "100 ans" @Bastien Reveco

Alors, justement, vous allez vraiment prendre votre retraite à 100 ans ?

Oui bien sûr. D’ailleurs, voilà, c’est ici. J’ai déjà écrit la moitié de mon autobiographie, le livre s’appelait : Autobiographie non autorisée (2009). L’idée du livre, c’est de reprendre cette moitié-là mais de la condenser et de rajouter la deuxième partie de ma vie, car il s’arrêtait dans les années 1990 je crois, et d’aller plus loin. Je suis près de mes 90 ans mais je vais écrire ce que j’espère de mes dix dernières années. Ce sera le dernier chapitre. C’est pour ça qu’il s’appelle 100 ans et en sous-titre : La vie belle parce que déjà quand elle est longue, elle est plus belle.

"Je n’ai jamais planifié ma vie, c’est la vie qui me mène par le bout du nez."

Après un doctorat de pharmacie, vous êtes devenu reporter chez Paris Match et France Soir, puis vous êtes passé à la publicité avec votre agence RSCG. Qu’est-ce qui vous a retenu dans ce métier ?

Mes parents étaient médecins. Mon père était le premier radiologue de Perpignan. Ma mère était docteure en médecine. Et moi, j’étais le pire cancre de tous les temps. J’ai mis huit fois à passer mon bac. Huit fois ! Donc crétin total. Mais mon père m’a dit « Ne fais pas de la médecine, tu vas tuer les gens ! Fais de la pharmacie car c’est un métier de contact, un peu commerçant mais aussi scientifique et tu resteras dans la grande famille médicale ». Je suis allé en pharmacie et j’ai adoré ça. J’ai été major la première année. Je suis passé de cancre à major en un an ! Mon père n’en croyait pas ses yeux donc pour me remercier, il m’a offert une 2 CV. C’est ma première deux 2 CV et c’est la 2 CV qui va changer ma vie. Une semaine après avoir reçu la voiture, je vais décider de partir. Et je calculais quel était le point le plus long où je pouvais aller en Asie et rentrer à temps pour ma deuxième année de pharmacie. Ça m’a amené à Karachi qui est la ville la plus nulle du monde, la plus sale du monde, la plus dangereuse du monde ! Mais ce qui a été formidable, c’est qu’avec Jean-Claude Baudot, mon frère d’arme, mon frère d’âme, mon frère d’aventure, on s’est dit : "Pourquoi pas le tour du monde ?" Ça n’a jamais été fait et c’est d’une simplicité absolue, il faut juste conduire la voiture et se laisser porter. Et ça a été l’aventure la plus formidable puisqu’elle a changé ma vie, parce que quand je suis revenu de mon tour du monde, Citroën m’a demandé d’écrire un livre. J’ai écrit mon premier livre donc merci la 2 CV de m’avoir permis d’écrire 34 livres en tout. A l’époque, ce tour du monde était un exploit pourtant ce n’était pas le cas mais nous étions fous mais le monde ne l’était pas encore. Mais il nous a accepté, il nous a porté de pays en pays. Le livre a été un des prix littéraires du moment et il est tombé sur le bureau du créateur et du propriétaire de Paris Match, Jean Prouvost. Il a aimé cette aventure de deux globe-trotteurs qui ont fait le tour du monde en couchant 350 nuits à la belle étoile car lui c’est grands reporters faisaient le tour du monde dans des hôtels 5 étoiles. Il a voulu nous rencontrer. Jean-Claude ne pouvait pas venir car il avait son service militaire et moi j’y suis allé et j’ai passé deux ans là-bas. Au départ, je n’étais pas trop partant car ma vie était faite, mon père m’avait acheté la part d’une pharmacie à Perpignan et j’étais quasiment fiancé à la fille du marchand de chaussures de la ville, qui n’était autre que Dani la chanteuse et comédienne. On m’a dit de partir sur trois mois car c’était une lubie du patron et qu’après je partirai. Dès le premier soir, j’étais vacciné ! J’étais seul dans les locaux du journal comme j’étais le dernier petit, c’est moi qui étais de nuit. Mon seul boulot, c’était en cas d’information importante, de réveiller Roger Thérond, le rédacteur en chef. Il m’avait dit : " Si tu me réveilles et que ce n’est pour rien, tu seras viré ! Si tu me réveilles pour un scoop, tu seras augmenté". J’ai eu la chance de le réveiller pour un scoop : c’était la première fois qu’il y avait eu un détournement de navire. J’ai fait mes deux ans là-bas et je suis parti faire mon service militaire.

Pour résumer, Roger Thérond m’a appris le choc des photos et j’ai eu la chance ensuite de travailler avec le plus grand journaliste français de tous les temps, Pierre Lazareff, qui m’a appris le poids des mots. Quand j’ai eu 30 ans, il m’a demandé ce que je voulais faire dans le journalisme. Je lui ai dit que je voulais créer mon groupe et racheter France Soir. Il m’a conseillé d’aller dans un métier neuf, d’aller dans la publicité. Je n’y connaissais rien et j’ai écouté mon dieu vivant qui était Pierre Lazareff. Donc je dois ma vie à la 2 CV. Je suis arrivé en n’ayant jamais pu imaginer un jour être publicitaire. Je n’ai jamais planifié ma vie, c’est la vie qui me mène par le bout du nez.

Jacques Séguéla @Bastien Reveco

Vous ne vous sentez pas carriériste ?

Pas du tout. Je n’ai jamais pensé faire carrière. La preuve, de pharmacien, je suis devenu journaliste, de journaliste, je me suis retrouvé publicitaire. Mais je laisse la vie me faire des appels et je réponds à tous ses appels. Et parfois, cela crée ma vie.

"La publicité doit avoir un à trois ans d’avance sur la mode. Elle ne crée pas la mode, elle l’accélère."

Il y a six ans, sur Radio Télévision Suisse (RTS), vous avez dit que votre maîtresse était la pub. Vous avez vraiment les mêmes "coïts" avec la pub qu’avec votre femme ?

[Rires] Écoute, la véritable histoire n’est pas celle-là ! Je suis marié depuis 45 ans avec la même femme. Je suis le seul publicitaire de Paris à avoir fait cinq enfants à la même femme. Tous les matins, en me réveillant, et encore ce matin, ma femme me dit : "Bonjour mon amour, je t’aime, tu es beau". Je vois ma sale gueule d’octogénaire décati dans mon miroir et je me dis, ma femme est amoureuse car l’amour rend aveugle. Et c’est là que je pars retrouver ma maîtresse, et ma maîtresse, c’est la pub.

Vous produisez des slogans à la pelle. Que pensez-vous de votre fameuse "Punchline Rolex" ?

[Rires] Ce n’est pas ma meilleure pub, c’est ma plus grande connerie ! C’était sorti du contexte, je n’ai jamais pensé que pour réussir sa vie, il fallait avoir une Rolex. D’ailleurs je n’en ai pas…

"Le problème c’est que l’époque est à la censure, partout, tout le temps. Ce qui est aberrant, c’est qu’on est le pays de la liberté et on n’a plus le droit de prononcer un mot sans frémir à l’idée d’être repris par les réseaux sociaux, son patron, sa femme, ses enfants… Finalement, la pub a une muselière. Il faut qu’elle sache l’enlever et mordiller sans mordre."

Vous n’en avez pas ou vous n’osez plus la mettre ?

Non je n’en ai jamais eu. Moi j’ai la montre qui a marché sur la lune et elle me fait plus rêver que Rolex. Mais j’étais dans une émission d’Antenne 2 du matin pour défendre Sarkozy, on était à quelques jours du vote. Il était accusé, à l’époque, d’avoir une Rolex et des Ray-ban. J’ai dit : "Vous, les journalistes qui l’accusez de ça, vous avez tous des Rolex et des Ray-ban". Quelqu’un a dit : "Oui mais c’est trop cher" et j’ai répondu : "Un homme politique, un homme d’état, si à 50 ans, il ne peut pas acheter une Rolex, c’est qu’il a raté sa vie". Bon, ce n’était pas la bonne formulation mais moi j’assume toutes mes conneries et ça montre la force du slogan : comment cette phrase stupide peut à ce point frapper les gens ?

Jacques Séguéla @Bastien Reveco

Vous avez plus de 1500 publicités à votre actif. Comment savoir quand on a LE bon slogan ou LA bonne formule ?

Mais moi je ne fais pas exprès ! A l’époque, quand j’allais voir un de mes clients pour prendre le brief, j’écrivais et lui pensait que j’écrivais ce qu’il me disait. Moi je faisais la campagne.  Quand je sortais, j’avais une idée de slogan et une idée de campagne. Je revenais à l’agence et je discutais : "Voilà le brief, trouvez mieux et on se retrouve". Ensuite, on faisait les bouclages ou on confrontait les idées, on prenait la meilleure.

"Le retour du son va se venger de l’image. Demain, tout marchera à la voix."

Que pensez-vous de la dernière pub avec plus d’inclusivité, de greenwashing... Est-ce que c’est efficace ? C’est la publicité qui doit s’adapter à la société ou l’inverse ?

La publicité doit avoir un à trois ans d’avance sur la mode. Elle ne crée pas la mode, elle l’accélère. On a des flux intérieurs, des flux sociologiques qui sont enfouis et qui vont émerger. Et comment ils émergent à un moment donné d’un peuple, d’une population mondiale parfois ? C’est ce qui créer une mode qui va s’éteindre. La publicité va surfer pour être la première à monter sur la vague et arriver sur le rivage qui est le grand public et les consommateurs mais surtout les consommatrices puisque 80% des consommateurs sont des femmes qui vous tendent les bras. Le problème c’est que l’époque est à la censure, partout, tout le temps. Ce qui est aberrant, c’est qu’on est le pays de la liberté et on n’a plus le droit de prononcer un mot sans frémir à l’idée d’être repris par les réseaux sociaux, son patron, sa femme, ses enfants… Finalement, la publicité a une muselière. Il faut qu’elle sache l’enlever et mordiller sans mordre. Il faut avoir du mordant, exister et être différent. La pub, c’est avoir une idée mais les idées c’est comme les spermatozoïdes : il y en a des millions, il y en a qu’un qui franchit les difficultés de la vie et qui crée un bébé idée. Quand il est trouvé, le créatif va voir l’homme de marketing et lui présente l’idée, de même avec l’annonceur. Il faut avoir du courage et ne pas aller trop loin, il faut détonner mais pas déconner.

Est-ce que la publicité est une forme de "tapinage intellectuel" ?

Il faut arrêter de taper sur la publicité en permanence. Mon premier livre était : Ne dites pas à ma mère que je travaille dans la publicité… Elle me croit pianiste dans un bordel (1979). Quand j’allais à Perpignan, ma mère me présentait comme un docteur en pharmacie à ses amies car les français détestaient la pub dans les années 1950. La publicité est indispensable à l’économie. L’ensemble des patrons du monde, s’ils pouvaient éviter les milliards qu’ils consacrent à la publicité, ils n’hésiteraient pas une seconde. Le drame, c’est que si on réduit le budget publicitaire, on se fait doubler et on perd des parts de marché. La publicité, quand elle est bien faite, elle nous fait rêver et c’est d’autant plus important au moment où c’est le numérique qui est en train de l’emporter parce qu’on rentre dans la Xieme phase de la publicité médiatique : des petites annonces, à la télé en passant par les affiches, la radio, le net puis maintenant le numérique …et il y en a une prochaine qui va arriver assez vite…

Livre de Jacques Séguéla paru en 1979.

Laquelle ?

La voix. Le retour du son va se venger de l’image. Demain, tout marchera à la voix. Moi qui suis un manchot de l’ordinateur, une fois sur deux, je suis obligé d’appeler mon assistante, je n’arrive même pas à le brancher etc. Je lui dirai maintenant : "Ferme ta gueule, appelle-moi ma femme, ferme ta gueule appelle-moi le patron de Citroën, il ne sait pas le faire" et ça va tout changer. Le problème de la technologie, c’est que Tech sans affect n’est que ruine de la communication. Une data c’est une donnée mais ce n’est qu’un média… Non c’est un media de plus, le prochain c’est la voix. Une data sans cartouche, c’est une data sans idée. Ce qui compte, c’est la cartouche, c’est l’idée.

Vous avez travaillé aux côtés des politiques comme Jacques Chirac ou François Mitterrand…. Votre idée c’était de "fabriquer un président" ?

Ça ne se fabrique pas un président, ça s’élit. Les électeurs ne sont pas une fabrique à faire des présidents. Ce sont des humains qui essaient d’avoir plus de bonheur dans leur vie, un meilleur avenir pour leurs enfants et plus de débouchés pour eux-mêmes. Ce n’est pas une lessive. Une campagne, c’est d’abord une rencontre entre un homme ou une femme, qui porte un projet et si on veut se mettre à son service, il faut épouser ses idées. Je ne suis d’aucun parti, je suis que du parti des idées. Mais je peux faire une campagne pour la droite ou pour la gauche. D’ailleurs, C’est ce que j’ai déjà fait. Ce qui m’intéresse, c’est la valeur de l’homme qui va faire avancer la France. Je n’étais pas socialiste quand j’ai rencontré François Mitterrand et je lui ai dit. Ce à quoi il a répondu : "Ça m’est égal, moi je veux que vous soyez publicitaire, pas que vous fassiez de la politique". Mais j’ai compris quand je l’ai vu que ce serait un président d’exception. Tout le monde le rejetait et puis il a fait 14 ans où la France était la plus heureuse. Un jour, j’ai vu arriver Nicolas Sarkozy et je me suis dit, ce mec est fait pour être président donc je me suis engagé. Je me suis engagé au Chili pour le seul homme qui pouvait faire revenir la démocratie dans ce pays et détruire la dictature de Pinochet. On a chassé à 1% Pinochet du pouvoir.

Jacques Séguéla @Bastien Reveco

"Il ne faut pas dire les slogans, il faut les lire, c’est ça le secret", c’est ce que vous avez déclaré sur France Culture. Si vous deviez donner un autre conseil à un candidat pour l’élection présidentielle de 2022, lequel serait-ce ?

Oui car quand tu dis, tu ne réfléchis pas. C’est la limite de la parole, elle s’envole. Quand tu lis, tu réfléchis, tu penses et les pensées restent. C’est ce que j’ai voulu dire. Je leur dis plus que jamais ce n’est plus une question de slogan parce que la France a commis un crime de lèse démocratie impardonnable et c’est Mitterrand qui l’a commis. Je l’aime et je l’aimerai toujours mais comment il a pu faire une telle ineptie ? Nous avons inventé la démocratie et nous avons inventé la publicité. Ici, vous êtes dans la plus ancienne agence du monde fondée par Charles Havas il y a presque 200 ans et qui s’appellent toujours Havas. Si j’ai pu apporter mon nom, c’est parce qu’on ne peut pas laisser passer cette merveille que les français ont inventé : les métiers de la communication. On a inventé l’agence de presse, l’AFP, la première agence média, la première agence de pub et la première boîte d’édition.

Quand Michel Rocard a quitté Matignon, il a eu l’idée stupide de supprimer la publicité politique. Nous sommes le seul pays du monde qui l’interdit. Tous les pays autour de nous font de la communication politique. Aujourd’hui, on condamne les candidats à faire des meetings, ça coûte entre 50 000 et 300 000 euros et ils sont faits pour que sur le pupitre, le slogan ne dépasse pas trois mots. Il ne peut y avoir de films, ni de digital. C’est une imbécilité.

"Une marque, c’est un morceau d’éternité. Nous, les créatifs, les publicitaires et les annonceurs, ensemble, nous pouvons rendre les marques immortelles et créer l’éternité."

Qu’avez-vous pensé de l’intervention des Youtubeurs Mcfly et Carlito face à Emmanuel Macron à l’Elysée ?

Je suis pour car c’est rafraîchissant, c’est très malin. Tout le monde tape sur Macron alors que plus on lui tape dessus, plus il monte. Il a encore pris 3 points dans les sondages, ce n’est que le début. Aujourd’hui il est à 40% et au même moment de son quinquennat Sarkozy était à 25% et Hollande, le pauvre Hollande… le pire président qu’on n’ait jamais eu… était à 15 % ! Donc continuez à taper sur Macron. Mais pourquoi c’est bien ? Parce qu’il rentre dans la communication ciblée. Curieusement, ce sont les jeunes qui votent pour Macron et les vieux pour le FN : ça s’est inversé car à l’origine c’était l’inverse. Il sait que s’il veut intéresser les jeunes, il faut parler jeune, faut pas parler petit vieille comme Marine Le Pen. Il faut être créatif, il y a eu plus de 15 millions de vues. Il a raison. De même qu’aujourd’hui il a raison de déjeuner avec les footballeurs, il a raison de toucher les jeunes. La publicité a l’époque c’était la guerre, le seul media qui avait le droit d’en faire, c’était TF1 et tout se passait au spot de 20h. On balançait des spots sur les 10 millions de téléspectateurs mais en ne voulant toucher qu’un million. Mais trop de pub tue la pub. On est arrivé aujourd’hui à personnaliser la publicité, c’est une formidable évolution qui protège la publicité et accélère la communication. Elle doit être ciblée et personnalisée, c’est ce qu’il fait.

Jacques Séguéla @Bastien Reveco

Les budgets publicitaires ont été repensés. Il semble plus intéressant de rémunérer une influenceuse pour des "posts" sur les réseaux sociaux, qui expose sa vie quotidienne, que de faire une véritable campagne en 4x3 avec une star en tête d’affiche dans tout Paris. Pensez-vous que nous avons véritablement basculé dans le "Truman Show" ?

Non. Oui les influenceurs ont leurs influences mais qui ne va pas durer très longtemps car les gens vont s’apercevoir qu’ils sont manipulés. Ce ne sont pas des influenceurs, ce sont des manipulateurs car ils sont payés en douce pour cela. Je pense que cette mode passera mais tant qu’elle marche, la publicité est là pour optimiser toutes les possibilités et nous les premiers en les utilisant et en drivant dans la façon de communiquer. Mais une marque, ce n’est pas ça. Une marque, c’est très loin de ça. Une marque, c’est un morceau d’éternité. Nous avons fêté les 100 ans de Citroën, l’an dernier, la marque de ma vie. Mais Citroën a l’âge de sa pub, ça aura toujours son âge, comme Coca-Cola par exemple. Bien sûr, il y a une mission de vendre mais aussi la mission de faire perdurer la marque. 80% des marques qui ont existé au 20e siècle sont mortes avec le siècle. Et d’autres mourront. Notre mission est de bâtir l’éternité des marques. Nous, les créatifs, les publicitaires et les annonceurs, ensemble, nous pouvons rendre les marques immortelles et créer l’éternité.

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