INTERVIEW

Hendrix Harris : "La musique a toujours été une thérapie, et elle continue de me sauver…"

Publié le

15 mai 2023

Avec son style dandy assumé, Hendrix Harris, chanteur franco-anglo-jamaïcain de 27 ans, est de retour avec son nouvel EP : Blue, dont la sortie est prévue le 19 mai prochain. Son éducation et son environnement : un mix de plusieurs cultures qui ont façonné sa musique. Aussi à l’aise sur des lignes de rap banger aux rythmes effrénés que sur des love songs beaucoup plus lyriques, ce compositeur autodidacte se raconte, s’écoute et se vit dans ses morceaux. Rencontre.

Hendrix Harris ©Meyabe

Vous avez sorti deux singles. "Erase my Mind" (en feat. TS Graye) en mars, et récemment, "It’s not You". Le 19 mai prochain vous sortez votre 3ème EP avec le label parisien Jazztronicz. Vous devez être impatient ?

C’est cool et je suis excité.  Ça va faire un an et demi que je n’ai pas sorti de projet. Donc ça fait plaisir de dévoiler ça. Et puis cette année c’est mon retour avec un nouveau label, un nouveau setup et j’ai d’autres choses qui sortent en fin d’année.

On travaille combien de temps pour arriver à un EP ? Vous pouvez nous parler de votre processus créatif ?

Ce sont cinq chansons qui vont sortir mais tout est fait en même temps. J’ai trois EP prêts et un album quasiment fini. Certaines chansons datent d’il y a trois ans, faites pendant le confinement, mais tout l’EP aurait pu se faire en trois semaines aussi. Sur une des chansons de Blue, le processus était un peu différent parce que j’ai composé la musique de A à Z avec Lou Berry. Mais sinon je suis chez moi, en général je trippe sur un synthé, je trouve une mélodie, je commence à chanter, je compose et j’enregistre.

J’ai vu que vous jouiez du piano. Vous avez eu une formation musicale ? Comment en êtes-vous arrivé au chant ?

Depuis que j’ai 12 ans, je compose des chansons, et depuis toujours, je chante ! Je n’ai jamais pris de cours. Je viens du rap à la base et je rappais juste sur des instrus. Et puis quand j’étais chez mon père à Paris, il y a 6-7 ans, il y avait un piano. Un jour, je m’ennuyais et j’ai commencé à y jouer. J’ai appris les bases tout seul, juste pour pouvoir jouer des accords. C’est à partir de ce moment-là que j’ai démarré à produire tout seul. Mais sinon je ne jouais aucun instrument, je composais toujours avec des producteurs, je n’étais pas complètement libre.

"Je suis libre, je ne me mets aucune contrainte pour faire plaisir à telle ou telle maison de disque."

Avec un père français, une mère americano-jamaïcaine, ça fait un bon mix de cultures linguistiques. Vous vous sentez plus proche d’une langue ou d’un pays en particulier ?

Je suis né à Paris et j’ai rapidement déménagé à Cuba. Je suis rentré à 6 ans à Paris, j’y suis resté quinze ans et ensuite j’étais entre Paris et Londres. Ça fait un bon mix effectivement [Rires]. Mais je me sens plus proche de la culture anglo-saxonne. Je ne me suis jamais identifié à la France culturellement et musicalement.

Vous chantez très rarement en espagnol. Seulement sur les titres "Should I" et" Caliente En El Frio" sur lesquels vous faites des "backing vocals" dans cette langue. Mais sinon vous chantez toujours en anglais alors que vous avez quand même grandi majoritairement en France. A quand des chansons françaises ?

Pour moi, l’anglais est ma langue maternelle. Ma mère me parle anglais depuis que je suis tout petit. Je pense que je parle mieux français mais j’écris mieux en anglais. Je n’ai aucun intérêt à chanter en français et ça n’arrivera pas. En fait, je n’ai jamais écouté de musique en français sauf, peut-être, Barbara, Serge Gainsbourg et Jacques Brel, qui est belge mais francophone. On fait des choses par rapport à ce qu’on a entendu. Ma mère déteste la musique française. Elle est anglo-jamaïcaine et en France ça groove pas assez ! [Rires]. Je ne regarde pas de films français, je ne suis pas du tout attaché à la culture française. Même quand j’étais en France, autour de moi on écoutait The Libertines, Babyshambles et tout le monde portait des skinny jeans !

Hendrix Harris ©Meyabe

On a vraiment l’impression que vous rejetez ce côté français…

Oui, je me suis senti rejeté en France en étant métisse et en étant international… Quand j’étais à l’école, on ne m’a jamais fait sentir que j’étais français. Et même, quand on parle d’autres langues, on te dit que tu es prétentieux, on a un peu de mal avec la diversité ici. Mais maintenant ça va mieux avec ça.

Votre titre "The Hill" figure sur la bande son de FIFA 2022, un des jeux les plus achetés en France et dans le monde. Comment vous ont-ils contacté ?

"The Hill" est le premier titre que j’ai produit tout seul. J’ai dû le faire en 4h. A l’époque, j’étais avec un label anglais qui avait un contact chez un éditeur musical. Il a écouté mon EP de l’époque Horus, sur lequel il y avait la chanson "The Hill". En fait, c’est un mec qui travaille chez Metropolis, et qui propose chaque année des sons pour FIFA, qui a retenu mon titre. Ce qui est fou, c’est que je jouais à FIFA quand j’étais plus jeune. Et puis surtout, c’était une vraie mise en avant, par rapport à là où j’étais, qui était considérable.

"Mon style vestimentaire, c’est un peu gangster… mais des années 1970 !" [Rires]

Ça a dû faire décoller votre carrière ?

Oui et non, parce que c’est un titre qui n’est pas forcément en corrélation avec tout ce que je fais. Stylistiquement, comme c’est plus un style rap banger, ça m’a surtout attiré des ados de 15 ans qui jouaient à FIFA ! Mais c’est vrai qu’en même temps, ça m’a ramené du stream. C’est le "FIFA Effect". [Rires]

Votre premier EP, Falcon, avait des sonorités plus axées sur un style rap, R’n’B avec des lyrics rapides comme sur "Aftermath" ou "Rise up". Sur Blue, on a plutôt l’impression que les chansons sont plus posées, plus chill, avec des envolées vocales, comme suspendues par le temps. Vous prenez plus votre temps en ce moment ?

Oui c’est vrai, il y a quelque chose comme ça. En fait, je crois que je suis revenu plus à mon essence. J’ai expérimenté plein de choses pendant longtemps. Falcon et même Horus, l’EP d’après, sont des projets dans lesquels je parle plusieurs langues. J’avais envie de tout faire. Un mix de genres sur la même track parfois. J’étais dans une phase de ma vie où j’étais plus torturé. J’étais enragé et dégoûté de pas mal de choses. A cause de ma mauvaise expérience en France j’étais moins bien ici, c’est pour ça que je rappais. J’avais plus de colère dans mes titres, parce qu’au fond de moi j’avais envie de partir. Je ne me suis jamais senti chez moi ici. Mais maintenant ça y est : j’ai ma maison, je suis à Londres, j’ai mon style de musique, je chante, je produis moi-même toute ma musique avec Lou Berry, qui est mon mentor. Je suis dans une période où je suis en phase avec moi-même, donc je suis content.

Hendrix Harris ©Meyabe

D’ailleurs, difficile de cerner votre style avec ces mélanges d’influences. On retrouve du rap, du hip-hop, du jazz, de la soul… Est-ce que vous sauriez définir votre style ?

Maintenant oui. Le style de celui-là et du prochain, c’est du Alternative R’n’B parce que c’est large, ça permet d’expérimenter pas mal de choses mais toujours relié au rhythm and blues. Je chante toujours. La voix est le lead instrument, c’est par ça que je raconte mon histoire. Mais je suis libre, je ne me mets aucune contrainte pour faire plaisir à telle ou telle maison de disque. J’ai eu de la chance de rencontrer le label Jazztronicz qui me laisse libre et comme mon seul but c’est de sortir de la musique, ça me va.

"La musique a toujours été une thérapie et elle continue de me sauver…"

D’où vient ce style ?

C’est le chemin de ma vie. C’est ma mère, mon père, ma vie à Cuba, tomber amoureux à Cuba, tomber amoureux d’une américaine à Paris…

Vous êtes tombé amoureux dans tous les pays finalement ?

J’aime l’amour clairement. C’est un sujet important pour moi. D’ailleurs l’EP Blue c’est un heart break project, un EP post rupture, c’est pour ça que ça sonne un peu planant. C’est du pur R’n’b qui parle d’amour, de différentes phases d’amour, de rédemption. Le titre "Blue" vient de "Feeling Blue" qui veut dire être "Mélancolique".

On va parler mode un peu. On a l’impression que vous vous servez du "Thrift Shop" de Macklemore pour vous saper !

Les fringues, c’est depuis que je suis tout petit ! Je ne suis rien du tout, j’ai toujours kiffé les second hand shop. J’achète tous mes habits en Angleterre, c’est moins cher et ils ont des meilleures sapes. En France, le second hand coûte beaucoup trop cher. J’allais voir ma grand-mère qui vient de Nottingham. Dans la ville, il n’y a rien à faire, mais par contre…Meilleures fripes du monde !  Tout ce que je porte là, c’est du second hand shop. J’achète rarement des habits, mais quand j’en achète… J’en achète énormément. Mon style vestimentaire, c’est un peu gangster… mais des années 1970 ! [Rires]

Hendrix Harris ©Meyabe

Dans une interview, vous avez dit : “Music is a conveyer of emotions to me. So my first goal is to transmit, create or amplify feelings for human beings. Without music, I honestly don’t know if I’d still be alive, or if I’d even want to be.” C’est très fort comme déclaration ! Est-ce que c’est toujours le cas aujourd’hui ? Est-ce vous pensez avoir trouvé un apaisement dans la musique et qu’elle a un pouvoir cathartique ?

La musique a toujours été une thérapie. En faire et en écouter m’a beaucoup servi dans les moments difficiles de ma vie. Dans des moments de rejets, d’incompréhension. Et ça continue de me sauver…

Maintenant quels sont les projets ? Vous avez déjà (bientôt) sorti trois EP. Est-ce qu’un album est prévu ? Des concerts éventuels ?

J’ai un bon stock de 80 chansons. Mon EP Blue sort en mai, mais j’ai aussi un autre projet qui sort en fin d’année, et un album en 2024. Il va y avoir deux concerts pour des release parties, et une tournée l’année prochaine aussi. Mais je reste mystérieux sur les dates donc Stay in touch !

Le nouvel EP "Blue" de Hendrix Harris à découvrir le 19 mai prochain.

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