INTERVIEW

Félix Lefebvre : "N’importe quel registre, n’importe quel sujet peut me plaire, il n’y a pas de règles pour moi."

Publié le

28 décembre 2022

On le connaît déjà pour ses rôles dans “Été 85” de François Ozon (2021), ou “Suprêmes” (2021) d’Audrey Estrougo. Félix Lefèbvre enfile désormais le costume d'apprenti marin-pêcheur dans “La Passagère”, dernier long-métrage d’Héloïse Pelloquet en salles aujourd'hui. Sur la jolie péniche Rosa Bonheur, amarrée sous le pont Alexandre III, le jeune acteur nous livre ses plus beaux souvenirs de tournage et sa préparation au rôle de Maxence, au côté de Cécile de France. Rencontre avec un comédien passionné et “irrésistible”, dont le talent n’a pas finit d’éclabousser le grand écran.

Cécile de France et Félix Lefebvre
© BAC films

Qu’est-ce qui vous a touché en recevant le scénario ?

Tourner dans le film fut une évidence pour plusieurs raisons. Premièrement, j’ai tout de suite été frappé par la sensibilité et la finesse de l’écriture. Ensuite, ça ne se refuse pas d’être en face de Cécile de France… surtout dans un film ! De plus, j’avais regardé les courts-métrages d’Héloïse Pelloquet, que je trouve incroyables. Elle filme ses acteurs avec douceur et justesse. J’étais très attiré à l’idée d’être filmé par son regard, tellement sensible et singulier.

Ces gros plans sur vos regards sont magnifiques...

Oui, elle a un regard unique, tout acteur a envie d’être filmé comme ça je pense. En plus, c’est un rôle que je n’avais jamais fait au cinéma. En France, j’ai l’impression que les acteur sont mis dans des cases en permanence. J’ai envie de faire des choix de personnages qui correspondent à des choses nouvelles, c’est ça qui m’intéresse. Je n’ai pas envie de jouer la même chose.

"N’importe quel registre, n’importe quel sujet peut me plaire, il n’y a pas de règles pour moi."

Les personnages d’Alexis dans Été 85 et de Maxence dans La passagère sont certes très différents, pourtant les deux vivent une histoire d’amour hors du commun, aux accents d’interdit. Quelle a été votre approche de ces deux personnages ?  

J’ai laissé, en me mettant dans la peau de Maxence, une forme de naïveté que j’avais en jouant Alexis. Été 85 était une première expérience pour moi. Cela m’a permis d’avoir l’aplomb, l’expérience et l’audace nécessaires pour être plus serein et confiant dans la peau de Maxence. Certes, lui est dans la position du plus jeune et de l’apprenti-pêcheur, mais il n’a pas l’air d’être intimidé par cette histoire et cette femme en face de lui. Même dans leurs traitements, les deux histoires sont plutôt différentes. Il y a quelque chose de plus mature chez Maxence, qui est dans le rôle du charmeur. Alexis, lui, tenait plus du “charmé” par David (joué par Benjamin Voisin, ndlr). J’ai donc approché les personnages très différemment. Dans les deux histoires, le point similaire n’est pas tant ce côté interdit, mais plutôt le fait que ce sont justement deux histoires d’amour que l’on n’a pas l’habitude de voir au cinéma. Des histoires d’Amour avec un grand A, et rien de plus. Les personnages ne s’interrogent pas sur la légitimité de la relation, ils vivent leur amour pleinement.

Été 85 et La Passagère sont deux histoires d’amour intenses qui flirtent avec le mélancolique, ce sont deux histoires très poétiques. Est-ce ce genre de film qui vous touche particulièrement au cinéma ?

Les films qui me touchent sont ceux qui ont une vision singulière, racontées avec les tripes et pour les bonnes raisons. N’importe quel registre, n’importe quel sujet peut me plaire, il n’y a pas de règles pour moi. En l’occurrence, ces deux films ont ces points communs, mais entre les deux, j’ai tourné dans Suprêmes, sur le groupe de rap français NTM (d’Audrey Estrougo, 2021), qui n’a par exemple strictement rien à voir ! Ce qui me guide dans mes choix c’est la singularité du projet, et la sincérité de ce que cherche à raconter le réalisateur.

"Dans la vie, ça ne se passe pas comme ça : les premières fois sont souvent ratées, maladroites."

Dans leur première scène d’amour, Chiara et Maxence ressemblent à deux adolescents qui se découvrent avec une précipitation… maladroite. Dans les scènes plus intimes avec Cécile de France, avez-vous retrouvé cette même maladresse des premières fois ?

Non, puisque le courant est tout de suite bien passé entre Cécile et moi. Elle est très humble et travailleuse, elle ne cherche pas à intimider. On a travaillé comme des collègues, d’égal à égal. On était vraiment deux acteurs au travail, en train de discuter de nos rôles, de faire les scènes, de s’écouter… et de chercher. Pour revenir sur cette scène, elle est ce qu’on pourrait appeler une première fois ratée (rires). Tout est dû au talent d’écriture d’Héloïse et de Rémi Brachet. Ils ont cette finesse de reconnaitre que les scènes d’amour, contrairement à ce que l’on voit au cinéma, ne sont pas toujours parfaites. Souvent, l’idéal est que tout se passe bien, tout est beau…tout le monde prend du plaisir. Dans la vie, ça ne se passe pas comme ça : les premières fois sont souvent ratées, maladroites. Le scénario reflète cette réalité, et c’est aussi ce qui m’a touché.

Était-ce la première fois de Maxence ?

Non non non (rires), je pense qu’il a déjà eu des expériences avant – ce qui explique aussi son assurance, et le fait qu’il ne se laisse pas intimider. Il reste sensuel face à elle.

"Il n’a pas peur de transformer cette peur de l’inconnu vers une excitation qui l’attire."

Comment se sont passées les prises avec les acteurs non professionnels du tournage, habitants de Noirmoutier dans la vie ?

Ce qui est fou c’est que ces acteurs sont, bien que non professionnels, très à l ’aise avec les caméras. C’est d’ailleurs pour ça qu’ils ont été choisis ! On aurait dit qu’ils avaient préparé le rôle toute leur vie, ils étaient parfaits. C’était à nous de se greffer dans leur univers, et d’être aussi crédibles qu’eux. On le voit dans le film, ils sont étonnants, d’une pureté et d’une sincérité extraordinaires. Parfois, ils improvisaient et pouvaient donc sortir des rails. Cela demandait d’être d’autant plus présent avec eux et attentifs à leur univers. Héloïse a eu le don de guider ces acteurs vers des moments de grâce.

Vous avez d’ailleurs suivi des stages pour vous immiscer au plus près de l’univers de la pêche, mais qu’en est-il de la préparation mentale ? Quels sont les œuvres littéraires qui vous ont accompagné dans la connaissance de votre personnage ?

Je me suis dit que Maxence était un mec aventurier, donc naturellement attiré par les grands récits d’aventures. Héloïse m’avait conseillé de lire Into the Wild, de Jon Krakauer, dont j’avais vu l’adaptation au cinéma. Dans le livre, le personnage Christopher McCandless sort de sa zone de confort pour aller vers l’inconnu. Je m’en suis fortement inspiré pour Maxence, qui prend la décision de quitter son milieu bourgeois pour découvrir le monde de la pêche. J’ai aussi vu le film Lost City of Z (de James Gray, ndlr), où il s’agit aussi de cela. Ces œuvres m’ont aidées à définir l’état d’esprit de Maxence. Il n’a pas peur de transformer cette peur de l’inconnu vers une excitation qui l’attire. C’est aussi pour cela qu’il tombe rapidement sous le charme de cette femme, qui reste un mystère à ses yeux.

 

La Passagère de Héloïse Pelloquet avec Cécile de France, Félix Lefebvre, Grégoire Monsaingeon… 1h35.

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