DESIGN

Diébédo Francis Kéré : un prix Pritzker, les pieds sur Terre

Publié le

20 mars 2022

L'architecte burkinabé Diébédo Francis Kéré, pionnier dans la construction durable, reçoit le Prix Pritzker 2022, notamment pour son travail de la terre.

diébédo francis kéré
Diébédo Francis Kéré © Lars Borges

Je voulais apporter de la beauté aux plus démunis”, explique Diébédo Francis Kéré, nouveau lauréat du prix Pritzker. L'architecte burkinabé formé en Allemagne est un pionnier dans la construction durable, conjuguant modernité, tradition et respect de l’environnement.

Tout commence dans le petit village reculé de Gando, au Burkina Faso, où il est né il y a cinquante-six ans. Si son père l’envoie à l’école, c’est pour déchiffrer les documents administratifs. Après une formation de charpentier, il obtient une bourse et part étudier l'architecture à Berlin, où il décroche son diplôme en 2004. Au lieu d’envoyer de l’argent à sa famille à l’instar d’autres adolescents partis étudier à l’étranger, le jeune diplômé préfère l’éducation. Son premier projet est pour son village : une école primaire, toute en brique, en épaisse couche de terre pour l’isolation, et avec plusieurs ouvertures pensées pour faire circuler l’air dans les classes et ainsi se passer de climatisation. Des matières locales, des techniques ancestrales d’aération locales, mais aussi des bras locaux puisque ce sont les villageois qui ont travaillé sur ce chantier sous 40 degrés. Car la communauté, c’est la base de ses projets, son carburant. Le résultat lui vaut un premier Prix, celui de l’Aga Khan, fort duquel Diébédo Francis Kéré va ensuite multiplier les projets : aucun gratte-ciel, mais des écoles, hôpitaux, bibliothèque, centre associatif. Tous dans le même esprit, des bâtiments à échelle humaine, tenant compte des contraintes climatiques et matérielles locales. Des réalisations à travers lesquelles se lit en filigrane une critique du système économique dominant.

école primaire de Gando
Ecole primaire de Gando © Erik-Jan Owerkerk

Il veut améliorer sa case ronde”, ricanent alors les autres élèves à propos des ses motivations. Aujourd’hui, ce sont des alternatives de construction moins couteuses et un savoir-faire ancestrale que l’on vient chercher chez Diébédo Francis Kéré, qui va même jusqu’à réaliser des pavillons de luxe aux Etats-Unis, en Angleterre et dans les plus grandes capitales économiques du monde. “Construire avec la terre est synonyme de pauvreté pour l‘Occident”, déplore l’architecte. Doté d’une incroyable force de persuasion, il réussit à mobiliser bien au-delà de sa communauté pour faire accepter ce matériau et le moderniser. Tamiser, filtrer, creuser, porter... le travail de la terre est fastidieux. Mais la recherche constante de l'esthétique lui insuffle un espoir, celui de bâtir des structures confortables et, surtout, inspirantes, pour encourager les jeunes, de construire à leur tour, leur propre destin. Récompenser Diébédo Francis Kéré, c'est valoriser l'émancipation.

Sarbalé Ke © Iwan Baan
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