Damien Quintard : "SoundX, c’est un accès aux émotions de la musique."

Damien, si vous deviez vous présenter en quelques mots…

Je suis producteur de musique, mais aussi ingénieur et designer. Ma spécialité, c’est le son sous différents prismes : enregistrements, production, exécution… et l’idée de partager la musique avec le plus de monde possible, y compris les personnes qui ne peuvent pas entendre, d’où le projet SoundX.

Vous êtes à l’initiative de l’IA, baptisée SoundX, qui permet aux personnes sourdes et malentendantes de ressentir les vibrations de la musique. Comment avez-vous été sensibilisé et porteur de ce projet ?

J’ai toujours eu la chance d’écouter de la musique et j’en ai fait mon métier. Lors d’un enregistrement où la musique était particulièrement forte, j’ai aussi pris conscience qu’on pouvait la ressentir dans tout le corps, sous forme de vibrations. J’ai eu un déclic et c’est à partir de là que je me suis dit qu’il fallait vraiment faire une recherche sérieuse et une innovation dans le ressenti des vibrations de A à Z, dans tout ce spectre et pas juste avec les basses. Avec SoundX, on peut ressentir le picotement d’une harpe ou les nuances d’un violon. C’est fantastique de pouvoir apporter cette précision en plus aux personnes qui ne peuvent pas entendre toutes ces subtilités.

Justement, y a-t-il des sons ou des instruments plus difficiles à traduire et à transmettre que d’autres ?

Oui tous les sons qui sont plutôt hauts. A un concert, on entendra les vibrations de la grosse caisse mais plus difficilement celles d’un violon ou d’une mélodie haute de synthé, par exemple. Toute la complexité, c’était de faire un projet qui permet d’avoir accès à l’ensemble des vibrations.

Ça représente combien d’années d’expérimentation pour améliorer cette IA ?

En tout, je pense que ça fait bien 10 ans de recherche pure afin que ce projet soit possible, sachant que les projets axés sur l’innovation sont difficiles à mettre en place en France. Il y a eu cette première idée, puis la phase de développement, la compréhension de la façon d'innover dans ce secteur, de savoir ce qui se passait dans les instituts, quels outils étaient utilisés…

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"On est très heureux et honorés que Coldplay adore notre technologie et qu’il veuille l’implanter pendant ses shows. Ça montre qu’un projet français et inclusif peut se développer à l’étranger."

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Quel est le dispositif de fonctionnement de cette IA ?

Ça fonctionne avec un téléphone, on a développé une application dont nous donnons accès aux instituts ou à nos partenaires. Ça permet de ne pas avoir recours à une installation coûteuse mais juste à une application et à un pack sur-mesure qui se connecte au téléphone pour que les personnes puissent ressentir en temps réel tout ce qui se passe autour d’elles.

Vous êtes de plus en plus présents dans les salles de musique, à la Philharmonie de Paris, par exemple, ou sur les festivals de musique, à Rock en Seine en ce moment-même. De quelle façon les festivaliers/spectateurs sont équipés ?

Quand on arrive dans un lieu équipé SoundX, on peut aller au stand d’accessibilité et demander d’être équipé(e) avec cette technologie. On reçoit un sac à dos vibrant et l’accès à l’application. Il y a juste à les brancher et on peut aller n’importe où. Vous pourrez ressentir les personnes qui parlent autour de vous, le concert qui commence de l’autre côté du festival.

Quels sont les retours que les personnes sourdes et malentendantes vous font le plus souvent ?

Il y a différentes façons de répondre à cette question dans le sens où, déjà, rien que le fait qu’elles puissent nous faire un retour, c’est génial parce que ça veut dire qu’elles sont là. Ça veut aussi dire que certaines personnes de la communauté, qui n’ont pas l’habitude de voir un opéra ou un spectacle, prennent cette opportunité. Il y a quelques semaines, un père de famille m’a remercié parce que sa fille n’avait pas l’habitude d’aller avec eux en concert, et c’est un nouveau moyen en plus de passer des bons moments ensemble et d’avoir une expérience familiale et amicale, etc. Ce pont d’accessibilité est au cœur de notre métier. C’est aussi une nouvelle découverte basée sur une habitude, dans le sens où beaucoup de personnes de la communauté sourde ont l’habitude de travailler avec des vibrations parce que c’est un sens peut-être plus aiguisé. On booste ce sens avec encore plus d’informations et de puissance.

Pour bien comprendre, ces vibrations procurent des émotions…

Exactement, il faut vraiment voir cette IA comme une accessibilité aux émotions. Parmi les retours que j’ai eus, il y a l’ambiance lors des matchs de foot ou lors des JO Paris 2024, l’été dernier, que nous avions équipé. C’est d’ailleurs la première fois de son histoire que les JO ouvraient l’accessibilité à leurs évènements aux personnes sourdes avec des activités spécifiques pour elles. Deux personnes sourdes qui vont dans un stade de foot ne vont pas ressentir le public qui crie de plus en plus fort quand le ballon va s’approcher d’un but ou pendant un moment spécifique. Avoir accès à cette émotion autour de nous, quand on est dans un stade, c’est un énorme bonus, pour comprendre un clapping ou le coup de sifflet, par exemple.

Vous avez pensé un projet immersif avec le groupe Coldplay. Pouvez-vous nous en parler ?

C’est ce week-end que notre collaboration commence donc je ne peux pas en dire beaucoup plus pour l’instant. On est très heureux et honorés que Coldplay adore notre technologie et qu’il veuille l’implanter pendant ses shows. Ça montre qu’un projet français et inclusif peut se développer à l’étranger. C’est absolument génial.

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"On espère ouvrir le plus de lieux possibles à la communauté sourde pour inclure, tout de même, 5% à 10% de la population mondiale en plus."

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Avec Brad Pitt, vous êtes aussi le co-fondateur de Miraval Studios, et à l’origine du projet #RabanneRemix tourné vers la nouvelle génération. Cette envie de transmettre est toujours un point clé de vos projets ?

Absolument, quand on fait des projets de grande ampleur comme Miraval, je pense que tous les jours, j’essaie de me rendre compte de la chance que j’aie de pouvoir vivre de ma passion et de travailler avec des personnes aussi talentueuses. Pour moi, ce projet est une bonne occasion de transmettre l’envie de trouver des sublimes artistes qui avancent tous les jours mais qui ne sont pas toujours entendus. C’est un projet qui permettra de trouver une superbe pépite.

Que faut-il esquiver dans la musique selon vous ?

Je pense qu’il faut esquiver l'idée de suivre les choses que tout le monde a fait depuis toujours. C’est super de s’inspirer de l’héritage culturel de la musique : la façon d’enregistrer, de produire le son, de composer… Mais idéalement, faire son propre monde, pas trop teinté de la vision de beaucoup de personnes externes, c’est toujours mieux. Un artiste, compositeur ou ingénieur du son qui font par eux-mêmes, quitte à faire des erreurs, c’est ça qui est unique.

Quelles sont les ambitions de SoundX ?

Je l’ai créé pour essayer d’apporter le plus d’inclusivité possible. On a fini notre grande phase de développement en début d’année. Maintenant, on est sur une phase de déploiement à grande échelle pour ouvrir le plus de lieux possibles à la communauté sourde. C’est vraiment notre objectif, ça peut apporter un bout de chemin pour inclure, tout de même, 5% à 10% de la population mondiale en plus.