CINÉMA

Le cinéma de Chloé Zhao : le revers du rêve

Publié le

16 juin 2021

Sorti dans les salles il y a tout juste une semaine, le dernier film de Chloé Zhao, Nomadland, dépeint avec sincérité et émotion la vie vagabonde d’une population marginalisée de l’Amérique post-récession. Sujet de prédilection de la cinéaste : montrer avec authenticité les visages cachés du rêve américain.

Du Dakota du Sud au Nebraska, Nomadland nous embarque dans un road-trip adagio magnifique, cerné par la solitude de paysages grandioses et désertiques. Le troisième long-métrage de la cinéaste sino-américaine, sorti en salle le 9 juin dernier, a été couronné de deux Golden Globes et de trois Oscars dont celui de la meilleure actrice pour Frances McDormand, comédienne fétiche des frères Coen.

Adapté du livre Nomadland : survivre aux Etats-Unis au XXIème siècle écrit par la journaliste Jessica Bruder, le film de Chloé Zhao retrace fidèlement le voyage à travers l’Ouest américain de Fern, sexagénaire en deuil contrainte de tout quitter après l’effondrement économique de la cité ouvrière où elle vivait. Nomade des temps modernes, Fern roule de petits boulots en petits boulots à bord de son van sur l’asphalte sans fin, en rupture avec les standards de la société actuelle.

Le revers de la médaille

Loin de vouloir délivrer un commentaire critique sur l’état de la société américaine, Chloé Zhao partage avant tout le quotidien de ceux qu’elle filme et réalise une nouvelle fois une plongée réaliste parmi les populations marginalisées de l’Amérique profonde. La cinéaste n’hésite jamais à faire appel à des acteurs non professionnels afin d’étayer ses films d’une authenticité unique. Zhao montre le revers de la médaille du rêve américain à travers des images et des émotions vraies et fortes. Raconter la vie de ceux qu’on ne voit pas, c’est l’objectif qui a toujours accompagné Chloé Zhao et ce depuis son premier long-métrage, Les Chansons que mes frères m’ont apprises (2015), représentation sincère et évocatrice de la vie amérindienne post-coloniale. Sur cette immense étendue de la réserve indienne de Pine Ridge, les grands espaces ne sont pas synonymes de liberté pour ses habitants ravagés par l’alcool et la pauvreté mais plutôt d’enfermement et dont l’avenir des jeunes générations reste brumeux.

Deux ans plus tard, fort de ce succès, Zhao met en scène l’histoire d’un jeune cowboy, ex étoile montante du rodéo, forcé de trouver une nouvelle raison de vivre après un terrible accident et qui tente de définir ce qu’implique être un homme au cœur des Etats-Unis. The Rider (2017) explore la recherche d’une nouvelle identité et dresse un portrait fidèle des problématiques sociétales de l’Amérique contemporaine.

Frances McDormand

L’ascension de Chloé Zhao

Née à Pékin en 1982, Chloé Zhao quitte la Chine alors qu’elle n’est encore qu’adolescente pour poursuivre ses études en Angleterre puis aux Etats-Unis où elle a notamment eu le réalisateur américain Spike Lee pour professeur. Récompensée à maintes reprises pour ses longs-métrages, elle devient l’une des premières femmes et personnes d’origine asiatique à remporter un Golden Globe et les Oscars de meilleure réalisatrice et meilleur film pour Nomadland. Si Chloé Zhao possède un réel talent pour raconter la vie des autres, la cinéaste sino-américaine éprouve encore de grandes réserves à l’idée de mettre en scène sa propre enfance en Chine. Interrogée sur le sujet en avril dernier lors d’une table ronde virtuelle avec d’autres réalisateurs sélectionnés aux Oscars, Chloé Zhao a déclaré que “fouiller dans son passé est la chose la plus difficile [...] Cela va me prendre encore quelques années. Je pense que j’ai besoin de gagner encore en maturité, de ne pas avoir peur de me regarder en face”.

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