CINÉMA
Une étoile s'est éteinte à La Madrague. Brigitte Bardot, légende du septième art et figure emblématique de l'émancipation féminine, est décédée ce dimanche 28 décembre à l'âge de 91 ans. Retour sur la carrière extraordinaire d'une femme qui a révolutionné le cinéma et la société de son époque.

Née le 28 septembre 1934 à Paris dans une famille bourgeoise aisée, Brigitte Anne-Marie Bardot grandit dans un milieu où la culture et les arts occupent une place centrale. Initialement destinée à une carrière de danseuse classique, c'est par le mannequinat qu'elle fait ses premiers pas dans le monde du spectacle. En 1949, à seulement 14 ans, elle rencontre Roger Vadim, assistant réalisateur, qui deviendra son premier mari et son Pygmalion. Cette rencontre changera le cours de sa vie. Son premier rôle au cinéma arrive en 1952 dans Le Trou normand aux côtés de Bourvil, mais c'est véritablement quatre ans plus tard qu'elle accède à la notoriété internationale.
En 1956, Roger Vadim réalise Et Dieu... créa la femme, un film qui va bouleverser les codes du cinéma et de la morale de l'époque. La scène de mambo sensuelle de Brigitte Bardot fait scandale et fascine simultanément. À 22 ans, elle incarne une nouvelle forme de féminité : libre, désinhibée, naturelle. Le film provoque un séisme culturel et propulse B.B. au rang de star mondiale et de sex-symbol planétaire. Son physique de rêve, sa chevelure blonde coiffée en chignon "choucroute", ses robes vichy et ses pantalons corsaires deviennent des références en matière de mode. Elle représente la modernité et la libération des mœurs dans une France d'après-guerre encore marquée par le conservatisme.
Au-delà de son image de sex-symbol, Brigitte Bardot se révèle être une actrice talentueuse qui collabore avec les plus grands cinéastes de son époque. Elle tourne avec Henri-Georges Clouzot dans La Vérité en 1960, film qui lui vaut d'être nominée aux BAFTA Awards et qui montre l'étendue de son talent dramatique. En 1963, elle tourne dans Le Mépris de Jean-Luc Godard aux côtés de Michel Piccoli. La scène d'ouverture, où elle demande à son partenaire s'il trouve ses différentes parties du corps jolies, est devenue culte et symbolise la fragilité derrière l'image de la femme fatale. Louis Malle réalise Vie privée en 1961, un film qui s'inspire directement de la vie de l'actrice, traquée sans relâche par les photographes et étouffée par sa propre célébrité. Cette œuvre prémonitoire témoigne déjà de son mal-être face à la notoriété. Au total, Brigitte Bardot tournera 45 films et enregistrera plus de 70 chansons en 21 ans de carrière. Elle devient une Marianne, incarnation de la République française, et demeure l'une des artistes françaises les plus célèbres dans le monde entier.

Le 6 juin 1973, sur le plateau de tournage de L'Histoire très bonne et très joyeuse de Colinot trousse-chemise dans le Périgord, Brigitte Bardot prend une décision radicale qui surprend le monde entier : à 38 ans, au sommet de sa gloire, elle annonce qu'elle abandonne définitivement le cinéma. Le déclic survient après avoir sauvé une petite chèvre destinée à être tuée sur le tournage. Face à son miroir de loge, en costume d'époque, elle réalise soudain l'absurdité de sa situation. Le cinéma, qui lui semblait dérisoire depuis longtemps, ne fait plus sens pour elle. Cette décision marque le début de sa seconde vie, entièrement consacrée à une cause qui lui tient profondément à cœur.
Dès les années 1960, Brigitte Bardot avait manifesté son engagement pour la protection des animaux. En 1962, elle participe à l'émission "Cinq colonnes à la une" pour dénoncer les conditions déplorables dans les abattoirs. Elle obtient une entrevue avec le ministre de l'Intérieur Roger Frey, à qui elle remet trois pistolets d'abattage indolore. Son action aboutit : ces pistolets sont généralisés en France en 1972. En 1976, elle rejoint une campagne internationale contre le massacre des bébés phoques au Canada, posant sur la banquise aux côtés des blanchons pour alerter l'opinion publique mondiale. Cette action médiatique contribue à faire évoluer les consciences sur cette pratique cruelle. En 1986, elle crée la Fondation Brigitte Bardot, dédiée à la protection animale. Pendant près de cinquante ans, elle ne cessera d'interpeller les dirigeants politiques sur les dangers de la chasse, de la corrida, du port de la fourrure et de la maltraitance animale sous toutes ses formes. Sa détermination et sa notoriété permettent de faire avancer de nombreuses causes.
Après son retrait du cinéma, Brigitte Bardot se retire dans sa propriété de La Madrague à Saint-Tropez, vivant une existence simple et retirée, loin des projecteurs qui l'avaient tant fait souffrir. Elle y mène une vie austère, entourée de ses animaux : moutons, chèvres, cochons, ânes, chevaux, chiens et chats. Refusant la modernité technologique, elle ne possède ni ordinateur ni smartphone, préférant une vie à l'ancienne, "comme une fermière" selon ses propres mots. Cette décroissance volontaire, bien avant que le concept ne soit théorisé, témoigne de sa cohérence et de son rejet de la société de consommation.

Les dernières années de Brigitte Bardot sont marquées par des problèmes de santé récurrents. Ne se déplaçant plus qu'avec des béquilles depuis 2018, elle est hospitalisée à plusieurs reprises en 2023 et 2025, notamment pour une insuffisance respiratoire et des interventions chirurgicales. En novembre 2025, face aux rumeurs persistantes sur son état de santé, elle fait publier un communiqué demandant que l'on respecte son intimité. Lucide sur sa condition, elle avait confié lors de ses 90 ans qu'elle n'avait pas l'intention de partir, mais reconnaissait que sa vie n'était plus facile. Jusqu'au bout, elle veille sur sa Fondation, s'assurant qu'elle lui survivra pour continuer le combat qu'elle a mené pendant plus d'un demi-siècle.

Avec la disparition de Brigitte Bardot, c'est toute une époque qui s'achève. Symbole de liberté et d'émancipation féminine, elle a profondément marqué le cinéma français et international. Son image iconique, sa sensualité naturelle et son anticonformisme ont inspiré des générations d'artistes et de femmes. Au-delà de ses 45 films, elle laisse l'image d'une femme qui a osé vivre selon ses convictions, quitte à choquer, quitte à déranger. De l'actrice rebelle des années 1950 à la militante acharnée de la cause animale, Brigitte Bardot aura traversé le siècle en restant fidèle à elle-même, dans toute sa complexité et ses contradictions. La France et le monde pleurent aujourd'hui la disparition d'une légende, d'un mythe vivant qui incarnait à la fois la beauté, l'insolence, la fragilité et la liberté. Les initiales B.B. resteront à jamais gravées dans l'histoire du cinéma et de la culture française.