SPORT

Aurélie Groizeleau : "L’évolution de la femme dans le rugby féminin est de plus en plus positive."

Publié le

25 octobre 2025

Porté par une explosion du nombre de licenciées, des records d'audience et des campagnes de communication audacieuses, le rugby féminin, longtemps marginalisé, s'impose désormais comme une force montante du paysage sportif national. Aurélie Groizeleau, arbitre internationale et figure incontournable et engagée de la discipline, nous explique les coulisses de cette transformation, les défis encore à relever, et les espoirs d'un sport en pleine affirmation.

Soyons Bleues / Manae Feleu, Marine Ménager et Pauline Bourdon-Sansus ©FFR

Une croissance spectaculaire

Le rugby féminin connaît une progression fulgurante : +85 % de licenciées en seulement quatre saisons. En 2024-2025, la Fédération Française de Rugby (FFR) recense 52 755 licenciées, contre à peine 28 500 en 2020. À la rentrée 2025, l'augmentation atteint +38 %, confirmant une dynamique sans précédent[1]. Cette évolution s'inscrit dans un contexte de popularisation du sport féminin en France. Selon une étude Kantar Media[2] publiée avant la Coupe du monde 2025, 40 % des personnes intéressées par le rugby suivent désormais le XV de France féminin. Ce chiffre témoigne d'un changement profond dans les habitudes de consommation sportive, et d'un intérêt croissant pour les performances des Bleues.

Une Coupe du monde historique

La Coupe du monde féminine de rugby 2025, organisée en Angleterre du 22 août au 27 septembre dernier, a marqué un tournant. Le match France-Angleterre a rassemblé 3,8 millions de téléspectateurs sur TF1, avec un pic à 4,6 millions pour le quart de finale contre l'Irlande. Les stades ont affiché complet : plus de 440 000 billets vendus sur l'ensemble de la compétition[3]. Ces chiffres dépassent largement les précédents records et placent le rugby féminin au cœur du paysage médiatique français. En parallèle, les affluences lors du Tournoi des Six Nations 2025 ont également battu des records, avec 16 000 spectateurs à La Rochelle et 12 738 à Brive[4].

"L’évolution de la femme dans le rugby féminin est de plus en plus positive. Les campagnes comme ‘Soyons Bleues’ y participent activement. "

"Soyons Bleues" : une campagne identitaire

À quelques jours du coup d'envoi, la FFR a lancé une campagne de communication ambitieuse : Soyons Bleues, qui mêle les codes du lifestyle, de la mode et du vintage pour offrir une image moderne et accessible du rugby féminin. Trois figures emblématiques du XV de France féminin - Manae Feleu, Marine Ménager et Pauline Bourdon-Sansus - incarnent cette évolution, entourées de supporters de tous âges issus de clubs amateurs. Aurélie Groizeleau, arbitre internationale et figure du rugby féminin, salue cette initiative : "L’évolution de la femme dans le rugby féminin est de plus en plus positive aujourd’hui. Les campagnes comme ‘Soyons Bleues’ y participent activement. On valorise enfin le fait qu’elle soit une femme à part entière, et non simplement perçue comme un ‘garçon manqué’ avec un ballon de rugby. C’est toute l’image du rugby féminin qui s’enrichit et se transforme, dans sa globalité, vers quelque chose de plus juste et plus valorisant".

Soyons Bleues / Marine Ménager ©FFR

Le slogan "Soyons Bleues" invite à écrire au féminin pluriel une phrase longtemps prononcée au masculin, et à fédérer une union nationale autour des joueuses. Grégory Alldritt, capitaine du XV masculin, participe également à cette mobilisation, soulignant l'unité du rugby français. Pour Florian Grill, président de la FFR, "cette Coupe du monde est une fête, un défi, une célébration. Celle du rugby, celle des femmes, celle du collectif [5]".

Partenariat et nouveau champ des possibles

Autre levier majeur de développement : le partenariat avec AXA France. L'entreprise devient le seul acteur engagé sur l'ensemble du rugby féminin, du championnat national amateur (Elite 1) aux compétitions internationales professionnelles. Le championnat de France féminin est désormais baptisé AXA Élite 1, et la marque soutient également le XV de France féminin. Ce double engagement vise à renforcer la professionnalisation des joueuses : une trentaine d'entre elles ont été salariées à 75 % ou 100 % pendant la Coupe du monde, mais les clubs doivent désormais trouver des moyens pérennes pour suivre cette voie. Aurélie Groizeleau souligne les écarts entre pays : "L'Angleterre est un bel exemple avec une première division professionnelle et des joueuses à 100 %. En France, on commence à prendre ce chemin, mais on reste en avance sur beaucoup de pays de niveau 2."

"Dans le rugby, j’esquive les joueur(se)s ! En tant qu'arbitre, mon rôle c'est aussi de bien me placer pour esquiver les collisions. C'est un peu ma survie sur le terrain !"

Une médiatisation renforcée

Pour structurer et valoriser l'Élite 1 féminine, la FFR, la LNR et Canal+ ont signé un accord inédit en 2024. Il prévoit la diffusion de plusieurs matchs événementiels, en "double header" avec des affiches de TOP 14, dans les mêmes stades et le même jour. Le premier rendez-vous a eu lieu le 12 octobre dernier, pour la reprise du championnat. Ce dispositif vise à créer une filière performante, à attirer le public et à inscrire le rugby féminin dans les grands rendez-vous sportifs nationaux. "La médiatisation a clairement joué un rôle important, notamment grâce à une diffusion sur des chaînes en accès libre, ce qui a rendu le rugby féminin beaucoup plus accessible au grand public. On observe une couverture médiatique bien plus large qu'auparavant, avec la création de magazines et de formats dédiés qui n'existaient pas encore il y a quelques années", souligne Aurélie Groizeleau.

Soyons Bleues / Pauline Bourdon Sansus ©FFR

Des actions concrètes sur le terrain

Le développement du rugby féminin passe aussi par l'amélioration des conditions de pratique. Le Plan Marshall lancé par la FFR prévoit 60 millions d'euros pour moderniser les infrastructures des clubs amateurs, avec un critère incontournable : la féminisation des vestiaires[6]. Par ailleurs, le Challenge M15 "Rugby pour Elles" permet aux jeunes filles de découvrir le rugby dans un cadre bienveillant et adapté. Adidas soutient cette initiative en offrant une dotation complète (maillots, shorts, chaussettes) à toutes les équipes engagées. Aurélie Groizeleau insiste sur l'importance de briser les clichés dès le plus jeune âge : "Le rugby est souvent perçu comme violent. Mais il faut dépasser cette image. J'ai joué 15 ans sans jamais me blesser sérieusement. Aujourd'hui, les filles peuvent pratiquer dès 14 ans dans des équipes 100 % féminines, ce qui garantit plus de sécurité."

Vers un avenir durable

Avec un objectif de 100 000 licenciées d'ici 2033, le rugby féminin français se donne les moyens de ses ambitions[7]. La Coupe du monde 2025 a servi de catalyseur, mais la structuration de la filière, la médiatisation, les partenariats et les actions de terrain sont les piliers d'un développement durable. Pour S-quive, Aurélie Groizeleau, partage son regard sur cette évolution et conclut avec humour : "Dans le rugby, j’esquive les joueur(se)s ! En tant qu'arbitre, mon rôle c'est aussi de bien me placer pour esquiver les collisions. C'est un peu ma survie sur le terrain !" Un clin d'œil qui résume bien l'esprit du rugby féminin : engagé, exigeant, mais toujours porté par la passion et la solidarité. Le rugby féminin n'est plus une promesse : c'est une réalité en pleine expansion, portée par des joueuses déterminées, des institutions mobilisées et un public de plus en plus fidèle. "Soyons Bleues", aujourd'hui et pour longtemps.

Soyons Bleues / Manae Feleu ©FFR

[1] Fédération Française de Rugby – "Rugby au féminin : La balle à elles", 26 juin 2025

[2] Étude Kantar Media – "Perceptions du rugby féminin en France", juillet 2025

[3] Le Figaro – "Coupe du monde féminine : des audiences record pour les Bleues", 21 août 2025

[4] Andiiss – "Un engouement populaire grandissant pour le XV de France féminin", 7 mai 2025

[5] FFR - Communiqué de presse "Soyons Bleues", août 2025

[6] Fédération Française de Rugby (FFR), "Territoire : un plan d’équipement pour améliorer l’accueil", publié sur le site officiel de la FFR, https://www.ffr.fr/actualites/federation/territoire-un-plan-dequipement-pour-ameliorer-laccueil

[7] Le Bien Public - Interview de Florian Grill, 9 septembre 2025

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