PHOTOGRAPHIE

Les frontières de la folie dans l’œil de Raymond Depardon

Publié le

17 février 2022

Triennale Milano et la Fondation Cartier pour l’art contemporain présentent La vita moderna, une exposition personnelle du photographe et cinéaste français Raymond Depardon. Réunissant trois cent photographies et deux films, cette exposition, à découvrir à Milan jusqu’au 10 avril prochain, démontre à quel point l’artiste a profondément renouvelé le monde de l’image contemporaine, notamment avec sa série "San Clemente" qui suit les errances des malades mentaux, explorant les frontières de la folie, entre ambiguïté et complexité.

Raymond Depardon Collegno, Turin, 1979 Raymond Depardon /Magnum Photos

Elle constitue la plus grande exposition jamais réalisée du photographe et cinéaste français Raymond Depardon depuis les années 1970 : La vita moderna révèle à quel point l’Italie habite le travail de l’artiste à travers plusieurs de ses séries les plus emblématiques. A découvrir à Milan jusqu’au 10 avril prochain, l’exposition, empruntant son titre au film qui, en 2008, clôt la trilogie des "Profils paysans", et conçue par Raymond Depardon spécialement pour Triennale Milano, rend compte de la richesse de son œuvre, de la diversité de ses sujets et de la cohérence de sa démarche à travers huit séries photographiques, deux films ainsi que l’intégralité de ses livres publiés. Avec discrétion et humilité, il démontre, une fois de plus, à quel point il est capable de construire patiemment une relation avec les êtres et les lieux. "J’ai une grande confiance dans le réel, je pense qu’il m’a apporté beaucoup dans mes films, dans mes photos", explique-t-il.

Raymond Depardon Collegno, Turin, 1979 Raymond Depardon /Magnum Photos

L’exposition entraîne le visiteur dans une succession de questionnements : quels sont les sujets qui appellent la couleur ou ceux pour lesquels le noir et blanc s’impose ? Où est la place du photographe, quelle est la bonne distance ? Comment se détacher de l’événement pour révéler les marges et les lisières ? Quoiqu’il en soit, l'exposition révèle une attention au monde, une curiosité en mouvement, un regard pluriel à la rencontre de la diversité de notre époque. La célèbre série de l’artiste : "San Clemente" se compose de 54 photographies en noir et blanc. "Et là, je ne me sens pas du tout protégé par l’appareil photo, qui est beaucoup plus près d’un révolver que d’une caméra", explique Raymond Depardon pour évoquer son immersion dans les hôpitaux psychiatriques de Trieste, de Naples, d’Arezzo et de l’île San Clemente à la fin des années 1970. Il y fait d’ailleurs la connaissance de Franco Basaglia, pionnier et figure emblématique de la psychiatrie moderne, qui a joué un rôle clé dans le processus de démantèlement des institutions psychiatriques dès les années 1960. Il noue avec lui un rapport de collaboration et de confiance.

Raymond Depardon San Servolo, Venise, 1979 Raymond Depardon /Magnum Photos

Basaglia encourage Depardon à élaborer ce qui compte aujourd’hui parmi les témoignages les plus émouvants sur la vie dans les asiles à la veille de l’adoption, en 1978, de la Loi 180 (Loi Basaglia), appelée à révolutionner le système hospitalier psychiatrique en Italie. Témoignage photographique unique et d’une profonde humanité, la série "San Clemente" fut pour Raymond Depardon l’occasion de se confronter à la nécessité de photographier sans importuner, de trouver une juste place, mais aussi de "se déplacer devant une telle douleur", de "documenter leur souffrance" afin d’éviter que celle-ci ne tombe dans l’oubli. En 1980, Raymond Depardon retourne sur l’île de San Clemente accompagné de Sophie Ristelhueber. Pendant dix jours, à la veille de la fermeture de l’hôpital psychiatrique, ils filment et suivent les errances des malades mentaux, leur détresse ainsi que le désarroi de leurs proches, explorant les frontières de la folie, son ambiguïté et sa complexité.

Se présentant comme "un passager de (son) époque", Raymond Depardon, l’un des plus anciens membres de l’agence Magnum, expérimente différentes manières d’approcher le monde – la photographie d’abord, puis le cinéma direct –, mettant l’image, fixe ou animée, au service d’une écriture simple, unique, souvent frontale et pleine de sens.

L’exposition La vita moderna est à découvrir à Triennale Milano à Milan jusqu’au 10 avril prochain.

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