CINÉMA

Apprentis, piment rouge et poésie à Séoul dans le nouveau Hong Sangsoo

Publié le

17 juillet 2023

Avec “De nos jours”, le prolifique cinéaste coréen s’intéresse au quotidien d’artistes confrontés aux questions de jeunes admirateurs. Entre scènes de ripailles et questionnements existentiels, ce double récit se déguste à la manière d’un haïku, dès le 19 juillet prochain.

L’une était actrice, l’autre poète alcoolique. A priori, ils ne se connaissent pas mais vivent tous les deux reclus à Séoul, loin du tumultueux showbiz. L’arrivée de fervents admirateurs génère une conversation simultanée, moteur du nouveau long-métrage de Hong Sangsoo, intitulé De nos jours. Le réalisateur coréen habitué à filmer ses personnages en état d’ébriété laisse ici place à l’épure et l’émotion pour une œuvre légère semblable à des petites leçons de vie.

Dualité légèrement enrobée 

Le travail de Hong Sangsoo se caractérise par l'attention accordée au texte prononcé par les protagonistes. Son nouveau film n’échappe pas à la règle. Ici, le spectateur assiste à deux conversations en alternance, deux récits d’apprentissage. D’un côté il y a Jisoo (Park Miso)qui rêve d’être actrice et va questionner celle qu’elle considère comme un modèle, Sangwon (Kim Minhee), une ancienne actrice reconvertie en architecte qui loge chez son amie Jungsoo (Song Seonmi). D’autre part, nous nous immergeons dans le quotidien monotone d’Uiju (Ki Joobong), célèbre poète qui doit mener une vie d’ascèse à la suite de problèmes de santé mais trouve néanmoins le succès auprès d’une génération qu’il fascine, à l’instar de Jaewon (Ha Seongguk), jeune homme timide et maladroit qui interroge Hong, sur le sens de la vie et le sentiment amoureux.  

Au fil des scènes intimistes, les maux apparaissent. Ces conversations filmées autour d’une table ou sur un balcon à coups de plans fixes rythment le récit. Anodines en apparence, ces conversations sont un moyen de mieux cerner les personnages dans toutes leurs contradictions. A travers le dialogue, ces derniers se confessent, à l’instar de Jisoo, qui fait part de ses craintes quant au métier d’actrice.

Park Miso, Song Seomni et Kim Minhee dans "De nos jours” © Capricci

Comme l’Homme, le long-métrage de Hong Sangsoo relève une dualité, où les deux conversations s'entremêlent. Si l’actrice et son amie Jungsoo ne rencontrent à aucun moment le poète, l’enchaînement des scènes se font écho, ce qui laisse penser que les personnages se connaissent. La réalisation minimaliste, avec peu de décors et d’effets sonores, met l’accent sur la psychologie des personnages, finalement surprenants, à l’instar de Sangwon, l’ancienne actrice d’apparence gentille et splendide se relève peu à peu froide et égoïste envers Jisoo, la jeune actrice.

Poésie du quotidien 

Ce film invite le spectateur à laisser derrière lui ses tracas du quotidien. La scène d’ouverture avec le plan serré sur le chat baptisé “Nous” montre bien cela. Le réalisateur laisse le spectateur s’attarder sur des éléments de la vie quotidienne, pour en tirer toute la poésie.

Cependant, certaines scènes sont extrêmement longues et l’on s’interroge sur leur intérêt dans leur récit. A contrario, d’autres nous arrachent un léger sourire, avec par exemple, la scène où le vieux poète Uju rajoute une grosse quantité de Gochujang (de la pâte de piment rouge) sous le regard éberlué de Kijoo, qui réalise un documentaire sur l’artiste.

Un lit défait, une armoire à chaussure, une table… les éléments du quotidien prennent une autre ampleur avec cette esthétique minimaliste. Le cinéaste coréen invite son public à voir au-delà des extravagances pour nous montrer que la magnificence peut se nicher n’importe où.

Sangwon et le chat "Nous" dans "De nos jours"
Kim Minhee dans le rôle de Sangwon et le chat "Nous" ©Capricci

Un goût final amer 

Malgré une certaine gaieté propre à la légèreté, le film comporte une part d’ombre. Dès le début, Jungsoo est assise près d’une bouteille d’alcool, ce que lui fera remarquer son amie Sangwon. L’alcoolisme semble ici lié à la solitude. Cette dépendance se retrouve également chez le poète Uju, contraint au sevrage. Cependant, celui-ci succombera à l’alcool dans la scène finale, seul sur une terrasse, l'air perdu.

En dépit de l’expérience des deux protagonistes, des héros aux yeux de leur admirateur respectif, ces artistes apparaissent finalement désœuvrés. La fin amène le spectateur à s’interroger sur la condition humaine, les désillusions et promesses non tenues. Cette dernière scène peut également se lire comme un clin d’œil à la vie du réalisateur Hong Sangsoo, forcé d’arrêter de boire à cause de ses problèmes oculaires. Les artistes partagent-ils tous cette profonde solitude ? C’est en tout cas l’impression laissée par ce film, un sentiment agréable mais amer comme de la pâte de piment rouge.

Ki Joobong, Kim Seungyun et Ha Seongguk © Capricci
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