ARTS

"The Relief" de Tarik Kiswanson ou l'art comme refuge

Publié le

28 octobre 2025

Jusqu'au 11 janvier 2026, l'Institut suédois accueille "The Relief", une exposition profondément humaine signée Tarik Kiswanson. Lauréat du Prix Marcel Duchamp en 2023, cet artiste suédois parmi les plus acclamés de sa génération pose une question essentielle : comment l'art peut-il nous aider à traverser les blessures de l'histoire et à penser la renaissance ?

Tarik Kiswanson ©DR

Un piano pour soulager les âmes

À l'Institut suédois, l'exposition "The Relief" transforme la mémoire collective en espace de guérison… Au centre de l'exposition trône un objet extraordinaire : le Steinway Victory Vertical de 1944. "Il y a une certaine résurrection du passé avec le piano qui dit beaucoup de notre Histoire collective", précise Tarik Kiswanson. Ce piano droit, conçu en pleine Seconde Guerre mondiale, était parachuté à travers l'Europe pour offrir aux soldats un moment de répit psychologique. Porté de frontière en frontière, il incarnait une conviction puissante : la création artistique peut, elle aussi, sauver des vies. Dans la mise en scène de l’artiste, le piano flotte au-dessus d'une sculpture blanche oblongue évoquant un cocon ou un œuf, motif récurrent dans son œuvre. Cette suspension élève l'instrument au-delà de son contexte historique pour en faire un symbole universel de réconfort. Le cocon, lui, porte la mémoire collective tout en ouvrant vers de nouveaux possibles.

The Relief (Steinway Victory Vertical, 1944) ©Vinciane Lebrun - Voyez-vous
The Relief (Steinway Victory Vertical, 1944) ©Vinciane Lebrun - Voyez-vous

L'Europe en questions

Au sol, une vidéo capte des élèves du Conservatoire de Saint-Denis tentant de jouer l'Ode à la joie de Beethoven, devenue hymne européen en 1985. Leurs hésitations, leurs silences, leurs reprises deviennent une métaphore puissante : qui est l'Europe ? Qui s'y reconnaît ? Qui a le droit d'en faire partie ? Qui construit son avenir ? Cette question trouve un écho troublant dans Foresight, un assemblage de chaises qui entrecroise des récits historiques contradictoires. Une chaise de 1945 créée par George Nakashima – architecte américain d'origine japonaise interné dans les camps de détention de l'Idaho – se mêle à une autre de la même année, conçue par Adolf Gustav Schneck, architecte allemand affilié au parti nazi.

The Relief ©DR

Traverser, pas effacer

Kiswanson pratique ce qu'on pourrait appeler une archéologie matérielle de la mémoire. Il ne cherche pas à réconcilier les contradictions de notre histoire, mais à les rendre visibles. Ses installations brouillent les frontières entre l'architecture et l'œuvre, entre l'objet et l'espace, créant des environnements transformateurs où le passé dialogue avec le présent. Toutes les œuvres présentées – dont deux créées spécialement pour l'occasion – sont montrées en France pour la première fois. Ensemble, elles ne représentent pas simplement le traumatisme : elles en proposent une traversée. Dans l'univers de Kiswanson, l'art devient un outil de compréhension, de résistance et, ultimement, de guérison. La condition humaine, marquée par la perte, la migration, l'exil et la reconstruction, nous unit tous. "The Relief" nous rappelle que le souvenir n'est pas une archive figée, mais un processus actif – et que parfois, c'est dans la contemplation d'un piano suspendu que commence la reconstruction.

The Relief ©DR

"The Relief", jusqu'au 11 janvier 2026, à l’Institut suédois, Paris IIIe

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