ARTS
Le pays, qui lance une vaste campagne de prélèvement d’ADN de ses ours, tient l’animal en bonne place dans ses mythes nationaux.
En 2019, pour la troisième édition de sa Fête de l’Ours, le musée de la Chasse et de la Nature de Paris avait choisi l’artiste roumain Mircea Cantor comme maître de cérémonie. L’occasion pour le public hexagonal de s’initier aux danses et chants folkloriques de ce pays d’Europe de l’Est et, surtout, d’admirer la représentation de la Danse des Ours telle qu’elle est pratiquée à Comănești.
Dans cette ville de la région moldave, au nord-est de la Roumanie, le plantigrade est réputé pour protéger des mauvais esprits. Au moment des fêtes de fin d’année et ce, depuis des siècles, les habitants paradent dans de vraies peaux d’ours, en imitant les grognements et les pas lourds de l’animal. Au son des tambours et des flûtes, la danse effrénée des « ours » incarne la mort et la résurrection de la nature pour la nouvelle année à venir.
Si une telle coutume peut surprendre depuis nos contrées, en Roumanie, elle fait sens. Dans ce pays où vivent près de 40% des ours d’Europe, le mammifère a longtemps été considéré comme un animal sacré aux pouvoirs guérisseurs. Avant le début du régime communiste, il était de coutume d’accueillir chez soi des Ursari, des dresseurs d’ours de la communauté tzigane, afin d’éloigner les autres animaux sauvages et d’apporter santé et prospérité à toute la famille.
Malgré la qualité de porte-bonheur qu’on lui prête, la prolifération de l’ours brun dans les Carpates ces dernières décennies inquiète. Alors qu’on en comptait un millier à la fin de la Seconde Guerre mondiale, leur nombre est aujourd’hui estimé entre 6.000 et 9.000. Trop pour certains habitants et représentants politiques, qui souhaitent lever l’interdiction d’abattage des ours. Et ce, alors que l’animal figure sur la liste des espèces protégées de la directive Habitats de l’Union Européenne.
Jusqu’en 2016, la Roumanie proposait un quota de 10% de sa population d’ours à la chasse. Le pays a par la suite interdit la chasse sportive, ne permettant de tuer le plantigrade que dans le cas où il représenterait un danger immédiat pour une habitation. La campagne de prélèvement d’ADN est menée depuis le 29 juillet dernier, officiellement pour comprendre le comportement des ours. Elle apparaît surtout comme une dernière tentative du gouvernement de calmer une partie de la population exaspérée par les attaques à répétition du mammifère.