INTERVIEW

Rosalie Carrel, fondatrice du label Bécane : "Je me suis demandée ce que je souhaiterais porter, demain, dans mon rêve, de motarde et de femme."

Publié le

26 juillet 2023

Lancé en novembre 2022, le label Bécane illustre la passion sans bornes de ses deux fondatrices : Rosalie Carrel et Juliette Seydoux, pour le style et la vitesse. Si l’un ne va pas sans l’autre, c’est avec tout autant d’élan que ces cuirs made in France ont séduit des signatures prestigieuses. En témoigne leur présence dans une série mode du pointu magazine américain Harper’s Bazaar. Entre impertinence, féminité et finitions bien pensées, le duo créatif, qui aime surprendre et satisfaire les battantes des temps modernes, prépare déjà une nouvelle collection pour l'hiver prochain.

Campagne Bécane Paris, Juliette Seydoux et Rosalie Carrel ©Tristan Savoy

Rosalie, vous êtes l’une des co-fondatrices de Bécane. Racontez-nous la naissance du label.

Il y a dix ans, en passant mon permis moto, j’ai constaté que ce n’était pas évident de m’équiper selon mes goûts. J’étais en recherche de nouveaux matériels et rien ne me convenait vraiment dans l’offre du moment. Petit à petit, l’idée de lancer une marque a mûri pour répondre aussi bien à mes envies en termes de style qu’à la nécessité de vêtements qui protègent aussi. Il y avait vraiment des looks très préconçus, très Harley-Davidson… Ça a pris du temps mais aujourd’hui, je poursuis l’aventure avec Juliette pour répondre à une nouvelle demande. A deux, on est plus fortes ! C’était une vraie rencontre personnelle et professionnelle qui m’a insufflée une superbe énergie. C’est difficile de se lancer seule dans le développement d’une marque ; Juliette fait aussi de la moto et nous partageons les mêmes valeurs. Nous nous sommes beaucoup motivées autour de ce projet, en saisissant de belles opportunités pour lancer le label en novembre 2022.

On peut vraiment parler d’une "Passion Moto" ?

Oui, ça part d’une passion moto qui est arrivée vers mes 18 ans. J’ai grandi dans le sud de la France et j’y ai passé mon permis. Là-bas, j’avais beaucoup de terrains de jeux pour la moto et quand je suis arrivée à Paris pour mes études, j’avais une aspiration à faire quelque chose dans la mode, mais je n’avais pas de formation de designer. J’ai fait une école de mode et de marketing plutôt axée sur l’aspect management et petit à petit, je me suis dit qu’il manquait vraiment des choses pour la femme. Maintenant, on est de plus en plus à faire de la moto et il faut répondre à de plus en plus de demandes différentes. Je souhaitais donc proposer des pièces plus tendance, qualitatives, haut de gamme et fabriquées en France. Il y a des marques, dans ce secteur, avec une imagerie plus sportive.

"Je me suis demandée ce que je souhaiterais porter, demain, dans mon rêve, de motarde et de femme."

Dans le terme "Bécane", il y a quelque chose d’assez brut et d’impertinent…  

C’est vrai. Je souhaitais quelque chose de féminin et de brut, qui allait droit à l’essentiel. On ne trouve pas plus direct que "Bécane" ! C’est le nom d’une vieille moto ou d’un petit solex très vieux. Je trouvais ça cool de donner un nom brut à une marque qui se veut un peu plus chic et incisive.

Bécane ©Tristan Savoy

Le logo en double "B" jaune et noir inspire aussi bien des finitions réfléchissantes que la rapidité. Porter du "Bécane", c’est être une pilote prudente ou une maîtresse de sa vie aventureuse ?!

L’un ne va pas sans l’autre ! Il faut savoir s’amuser et avoir des sensations mais aussi avoir un cap et ne pas flancher sur la sécurité. Dans la moto, on recherche cette petite sensation dans le ventre mais il ne faut pas se faire trop peur. Il faut un équilibre. La marque Bécane a ce côté hybride entre look en cuir et cette idée de protection.

De quelle façon conceptualisez-vous les pièces avec Juliette ?

Ça se présente selon les besoins que l’on constate quand on fait de la moto. Pour la première collection, c’était assez spontané. Je me suis demandée ce que je souhaiterais porter, demain, dans mon rêve, de motarde et de femme. Je me suis faite ma tenue de rêve : entre rouge et noir, tenue un peu cross et vintage… Ensuite, en approfondissant, je me suis tournée vers le cuir pour le côté plus sécurisant de la matière sur la moto et surtout, je me suis axée sur ce que l’on attend des produits. Notre prochaine collection sera totalement différente car nous avons eu des expériences très différentes ! Nous avons fait des road-trip sous la pluie et nous nous sommes dits que nous souhaitions être protégées ! [Rires] C’est ça l’expérience !

Campagne Bécane Paris Juliette Seydoux et Rosalie Carrel ©Tristan Savoy

Au cours de ces dix dernières années, la population de conductrices de moto "actives" (moto et scooter de plus de 125cc) a connu une hausse de 10%. Contrairement aux idées reçues, la moto n’est plus un truc de "mec" …

Non pas du tout ! Ça a beaucoup changé ces dernières années. Avant, on nous regardait au feu rouge en mode : "Regarde, une femme qui fait de la moto… !" et de plus en plus, le regard devient beaucoup plus habitué. Nous avons les mêmes compétences. Si c’était qu’une question de force, personne ne porte une moto comme ça dans les bras… C’est une question d’équilibre, d’agilité et aussi un peu de courage, car on se remet en cause physiquement et on va vers un domaine qui ne nous était pas vraiment réservé jusqu’à présent. Aujourd’hui, l’offre correspond davantage aux besoins des femmes. On existe vraiment dans le marché et sur la route.

Tracer sa route sans lésiner sur la féminité et le confort. C’est votre philosophie au quotidien ?

Je ne fais pas forcément attention à l’image que cela renvoie mais dans l’idée, oui, il y a cette envie de faire son chemin comme on l’entend et sans règles prédéfinies.

Soirée Lancement ©Erwan Richard & Bécane Paris

C’est aussi ce à quoi aspirent les femmes en 2023 selon vous ?

A être entièrement elles-mêmes, oui. Et à entièrement s’explorer et aller dans la voie qui leur correspond.

"Une femme 'Bécane' prend les outils qui lui sont donnés et va d’un point A à un point B."

22% des conductrices de deux-roues motorisés vivent en région parisienne. La femme "Bécane" est-elle une baroudeuse résolument parisienne ?

Un peu quand même ! Je trouve que la femme Bécane a ce côté hybride qui lui permet d’être à la fois baroudeuse, à sillonner toutes les routes qu’elle veut mais qui reste, quand même un peu, parisienne dans son cœur car elle a un petit goût pour la mode, une petite volonté de bien s’habiller et de façon pratique. C’est une manière de vivre. Je croise beaucoup de femmes, même à vélo, dans Paris et je me dis : "C’est une femme Bécane !". Ça ne se joue pas dans la taille du véhicule mais dans l’essence-même de la personne. T’es une femme Bécane quand tu te lèves tous les matins et qu’il pleut, et que tu as ton vélo, que tu roules mais que tu dois aller plus vite que les autres parce que tu es en retard, que ton écharpe traine par terre… ! Une femme Bécane prend les outils qui lui sont donnés et va d’un point A à un point B. La femme Bécane est une femme qui roule ! [Rires]

Soirée Lancement ©Erwan Richard & Bécane Paris

Votre imagerie est très moderne et soignée. Quelles sont vos inspirations ?

Elles viennent de partout : films, musiques, univers de la moto, expériences personnelles, envies…

Il y a quelque chose de Pirelli ?

Oui ! Notamment pour le logo de Bécane, il y a quelque chose de ça. Même le calendrier Pirelli a été pionnier en montrant une femme libre et sortie de "l’objetisation". Je souhaitais mélanger la moto avec l’art, entre autres, et sortir des clichés véhiculés par le monde de la moto où on avait l’habitude de voir : une moto, une femme, une musique avec une lumière un peu sombre… C’est cool de partir ailleurs pour pouvoir parler à plus de femmes.

Soirée Lancement ©Erwan Richard & Bécane Paris

Sur votre site, une vidéo de présentation du label rappelle le début d’un jeu vidéo lorsqu’il faut choisir un personnage et sa tenue, entre autres avant qu’il ne parte vers d’autres horizons… Il y a une griffe ultra futuriste. C’est aussi l’univers du label ?

Totalement. C’était le but d’avoir cet univers futuriste et de montrer une femme qu’on n’a pas l’habitude de rencontrer sur la route. Je trouvais cela intéressant d’en parler avec un nouveau support et de se dire que la vidéo de présentation serait en 3D avec une héroïne, puisque, pour moi, la femme Bécane est l’héroïne de sa propre vie. C’est une vraie battante des temps modernes. Dans ce jeu vidéo, elle choisit ses vêtements et cela lui confère des pouvoirs. C’était chouette d’associer différents univers. On ne se prend pas trop au sérieux dans la moto, ni dans la vie. Cette vidéo, réalisée par des amis, Baptiste Gratzmuller et Tristan Savoy, a mis des mois de préparation et nous sommes vraiment allées dans cette idée de film. D’ailleurs, il a été projeté dans un parking à République avec tout un tas d’invités. Les gens ne s’attendaient pas à ce que le lancement de la marque soit un film de jeu vidéo en ouverture avec une musique de techno du groupe Weval. On veut surprendre et un peu déranger. On va vous emmener ailleurs !

Vos pièces ont déjà fait une des séries mode du prestigieux Harper’s Bazaar US, et ont, dernièrement, été portées par l’actrice chilienne Lorenza Izzo. Comment traduisez-vous cette ferveur à l’internationale ?

C’est touchant et ça me conforte dans l’idée qu’il fallait le faire. Beaucoup de femmes s’identifient alors qu’elles ne font pas de moto et sont curieuses de découvrir notre univers. On a de véritables héroïnes comme Lorenza qui supporte cette marque, des magazines de mode. Cette alliance moto et mode fonctionne.

The Birth video Bécane Paris

Vous avez déjà présenté une collaboration avec Dab Motors en novembre 2022. D’autres sont prévues ?

D’autres collaborations sont en développement, on y réfléchit. Là, on prépare une prochaine collection.

On peut savoir quand ça va sortir ?

[Rires] Ce sera bientôt ! On espère avant l’hiver, peut-être un peu après la fashion week. On n’aime pas trop faire comme tout le monde !

Toute la collection à retrouver ICI.

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