INTERVIEW
Publié le
17 juin 2023
Dix ans après la sortie de son EP, Je suis la montagne, Pablo Padovani, créateur du groupe de rock Moodoïd, nous surprend avec un nouvel album à l’univers différent du précédent, exprimant un désir profond de se réinventer. Entre musicalités psychédéliques et entraînantes, l’artiste souhaite avant tout suivre son intuition musicale, sans code et sans barrière. Interview d’un musicien qui a encore beaucoup à offrir.
Pablo rejoint l’espace presse du festival We Love Green avec son équipe après sa représentation, quelques minutes plus tôt, sur scène. L’effervescence du show n’empêche pas l’artiste de répondre aux questions avec sincérité et légèreté.
Bonjour, vous vous appelez Pablo Padovani et vous êtes à l’origine du groupe Moodoïd. Lors de la création du groupe vous aviez choisi de vous entourer uniquement de femmes, pourquoi cette décision ?
Dès le départ, j’avais l’idée de m’entourer seulement de femmes. J’avais toujours été dans des groupes avec des garçons et je voulais explorer quelque chose de plus intime, ce que j’aime appeler ma part de féminité. Je me disais que si j’étais dans un environnement féminin, je pourrais montrer une autre facette de ma personnalité. Je suis donc parti à la recherche de musiciennes. Il est vrai que j’ai cherché pas mal de temps, parce que c’est très dur de trouver des musiciennes ! Il y en a beaucoup moins que les garçons. Ce fût un travail de longue haleine de les trouver. Ce qui est génial c’est qu’elles étaient toutes ultra différentes avec des personnalités très fortes. J’avais peur que ça pète quand je les ai mises dans la même pièce au début [Rires], mais finalement aucune ne marchait sur les plates-bandes de l’autre, elles avaient vraiment leur place.
Pendant vos années lycée vous faisiez partie du groupe The black Feldspath, puis vous êtes devenu le guitariste du groupe Melody’s Echo Chamber. Quels enseignements tirez-vous de ces expériences ?
J’étais au lycée à la campagne à Rodez, et à cette époque c’était la mode des « bébés rockeurs », tout se passait sur la scène parisienne, c’était un phénomène assez important. Et puis du point de vue de la campagne, on était hyper jaloux parce que c’était hyper médiatisé, ils devenaient tous des stars, nous on était au lycée en train de faire de la musique toute la journée, on trouvait qu’ils avaient trop de chance. Du coup, je suis naturellement parti à Paris après le lycée, des rêves plein la tête. Ce qui a été génial, c’est que, du jour au lendemain, je me suis retrouvé à faire une tournée mondiale avec le groupe Melody’s Echo Chamber, on a joué de partout et moi j’étais sorti d’un peu nulle part [Rires]. Je suis parti aux Etats-Unis pendant un mois, en voyageant en van. J’ai pu vivre la "rock life dream". J’ai aussi rencontré toute la scène de Tame Impala avec qui j’ai beaucoup travaillé par la suite.
"J’aime l’idée d’être hybride, d’être là où on ne m’attend pas."
Où est ce que vous aimeriez que votre musique soit écoutée ?
Je pense que ça peut être pas mal de l’écouter pour s’endormir. Pour le premier album, je le mettrais bien en fond dans une maison, pas directement dans la chambre à coucher mais l’entendre résonner dans les murs de la maison, je trouve que ça pourrait bien marcher. Après, le deuxième album à vraiment écouter assez fort dans un casque, dans la rue pour se promener ou dans le métro.
On qualifie votre style de rock psychédélique… Est-ce le regard que vous portez sur votre style musical ou souhaitez-vous vous affranchir de ces codes ?
Il est vrai qu’on m’a tout de suite collé cette étiquette, et c’est aussi la raison pour laquelle j’ai fait un deuxième album qui n’a rien à voir avec le premier. Dans mon univers musical j’ai toujours été influencé par le rock progressif, des groupes comme Gong ou Pink Floyd… Il y a quand même, dans mon ADN, tout cet univers que j’adore. Mais c’est vrai que globalement, en tant que musicien et artiste, ça me met toujours un peu le cafard de me dire que je fais partie d’une famille musicale. J’aime l’idée d’être hybride, d’être là où on ne m’attend pas.
Au-delà de la musique vous jouez sur identité visuelle unique, quelles sont vos influences ?
Et bien un peu comme pour la musique. En termes d’image, mon ADN prend ses inspirations du surréalisme et du burlesque qui m’ont fortement influencé. Depuis mon plus jeune âge, je suis fan de Charlie Chaplin ou de Pierre Étaix par exemple, et plus récemment je pense à Quentin Dupieux. Au fur et mesure mes goûts se sont affinés, j’aime aussi le cinéma américain. Ce qui me vient en tête c’est surtout Brian de Palma et David Lynch.
Vous êtes passé sur scène tout à l’heure. Vous vous sentez en harmonie avec l’ambiance du festival, est ce que ça a du sens pour vous ?
Oui ça a du sens, enfin davantage maintenant. Quand j’ai produit mes différents univers musicaux c’était aussi dans l’idée d’adapter ma set liste de concert au moment où je la joue. Pour le premier album, je souffrais un peu du fait que j’avais un set qui n’était pas forcément adapté à l’univers festival. Avec le deuxième album, j’ai eu cette volonté d’équilibrer ma musique, de la rendre plus dansante avec des tempos plus entraînants afin que ça ait plus sa place devant une foule.
"Pour mes prochains projets une approche plus intime, solitaire et introspective."
Vous avez réalisé un film appelé Funaire, pouvez-vous nous en parler ?
Wow ! [Rires]. Vous avez trouvé des dossiers ! C’est un court métrage que j’ai réalisé quand j’avais 21 ans en école de cinéma. C’est mon travail de fin d’études. C’est un film qui a eu une petite vie, que je n’assume pas vraiment aujourd’hui car j’étais jeune. L’histoire est tirée par les cheveux et était déjà dans un environnement un peu burlesque, un peu fou, c’était l’histoire de deux punks anglais qui arrivent à Paris et qui sont affligés par le monde culturel et artistique français et qui décident de tuer tous les artistes.
Vous avez collaboré avec beaucoup d’artistes comme Juliette Armanet, Sébastien Tellier, ou encore Bernard Lavilliers, est ce que vous avez d’autres projets de collaboration en tête ?
Je viens de faire mon nouvel album avec la présence de 12 duos et finalement mon envie c’est de ne plus jamais faire de feat, je pense [Rires]. Ça fait deux ans et demi que je ne fais que des duos et que ma musique est orientée sur le fait de collaborer. Ce fut une expérience humaine et artistique géniale, j’ai adoré, mais j’imagine pour mes prochains projets une approche plus intime, solitaire et introspective. Après je ne suis jamais sûr de rien [Rires], mais je souhaite partir dans une autre direction.