RIVE GAUCHE

"Par-delà les gènes" : quand hériter devient un acte vivant

Publié le

10 novembre 2025

Et si l’hérédité n’était pas qu’une affaire de gènes ? Si ce que nous portons de nos parents ne se résumait pas à quelques fragments d’ADN, mais à des traces invisibles — gestes, peurs, désirs, souvenirs — inscrites en nous comme dans une mémoire silencieuse ? Dans Par-delà les gènes. Une autre histoire de l’hérédité, Gaëlle Pontarotti nous emmène dans une traversée passionnante de ce que signifie hériter, entre science et humanité, destin et liberté.

Par-delà les gènes, Gaëlle Pontarotti, Éditions Gallimard

Une autrice à la croisée des disciplines

Philosophe des sciences, Gaëlle Pontarotti explore les liens entre biologie, culture et éthique. Son approche transdisciplinaire donne à cet essai une profondeur rare : elle ne cherche pas à simplifier, mais à relier. À travers l’épigénétique, elle interroge ce que nous transmettons, ce que nous répétons, et ce que nous pouvons transformer.

Les morts parlent en nous

L’hérédité, ici, gouverne le monde — non pas comme une loi biologique froide, mais comme un souffle qui anime les vivants. Les vivants agissent, mais en eux les morts parlent et les font ce qu’ils sont. Le livre met à nu cette idée troublante : le semblable produit le semblable. Nous ne sommes jamais complètement originaux, et peut-être n’avons-nous jamais vraiment cessé de prolonger ceux qui nous ont précédés. Hériter devient alors un acte ambigu : à la fois promesse et menace. On hérite autant de blessures que de forces. On ne choisit pas ce que l’on reçoit ; on apprend à vivre avec — à le subir, à l’honorer, parfois à le transformer.

Vers une "hérédité étendue"

L’un des apports les plus marquants du livre tient dans cette notion d’hérédité étendue : l’idée qu’hériter ne se limite pas à la biologie, mais englobe aussi le social, le symbolique, le culturel.Si les enfants ressemblent à leurs parents, ce n’est pas seulement parce qu’ils portent leurs gènes : c’est aussi parce qu’ils incorporent leurs histoires, leurs gestes, leur manière d’habiter le monde. Le corps, écrit Pontarotti, devient un "corps bio-social", un organisme plastique capable de s’imprégner de son environnement. À travers l’épigénétique, le biologique et le social cessent de s’opposer : ils dialoguent.

Via Unsplash

Ni fatalité ni miracle

Le propos ne sombre jamais dans une biologie de l’espoir naïf. L’épigénétique ne prétend pas tout expliquer : elle donne de l’air, sans promettre la révolution. Elle ne nie pas les gènes ; elle les remet en contexte. Dans ce nouvel horizon, l’hérédité n’est plus une fatalité, mais une responsabilité. Elle ouvre un espace d’action : celui d’un empowerment héréditaire. Nous ne sommes plus seulement les produits de nos ascendants, mais aussi les artisans de ce que nous transmettrons.

Un essai clair, exigeant, et profondément humain

L’introduction pose des bases solides : fluide, précise, elle nous guide sans jamais simplifier à outrance. Chaque chapitre tisse un lien entre biologie, culture et éthique, formant une réflexion cohérente et incarnée. Par-delà les gènes ne se lit pas seulement comme une étude scientifique, mais comme une méditation sur la condition humaine : sur ce qui, en chacun de nous, relève du passé et de l’avenir, du corps et de l’histoire. Un livre à lire pour mieux saisir ce que signifie hériter — et pour comprendre comment, parfois, hériter peut aussi être un acte de liberté.

Par-delà les gènes, Gaëlle Pontarotti, Éditions Gallimard.

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