FASHION WEEK
Publié le
5 octobre 2025
Le 1er février 1941, alors que la guerre fait rage, un jeune étudiant de la Faculté de Lettres de Bologne écrit à un ami d'enfance. Il évoque les lucioles aperçues une nuit : "Nous avons vu une quantité énorme de lucioles, qui formaient des bosquets de feu dans les bosquets de broussailles, et nous les enviions parce qu'elles s'aimaient, parce qu'elles se cherchaient dans leurs envols amoureux et leurs lumières". Cet étudiant, c'est Pier Paolo Pasolini. Pour lui, ces lucioles incarnent une capacité de résister à la nuit la plus noire, des fragments de poésie capables de survivre à l'obscurité du fascisme triomphant. Exactement 34 ans plus tard, le 1er février 1975, Pasolini théorise la "disparition des lucioles". Le fascisme a certes été vaincu, écrit-il, mais il a su renaître sous la forme d'un conformisme culturel dévorant les valeurs et les âmes. Une nuit si impénétrable qu'elle engloutit les danses lumineuses des lucioles. L'historien de l'art Georges Didi-Huberman refuse cette prophétie apocalyptique. Il existe encore des survivances lumineuses, des lueurs dessinant des espaces de possibilité. Certes, "il faut environ cinq mille lucioles pour produire une lumière équivalente à celle d'une unique bougie". Mais la disparition des lucioles ne serait que le fait de notre incapacité à les percevoir, l'atrophie d'un regard qui ne sait plus lire dans l'obscurité les signes d'espoir. Il faut raviver notre regard pour comprendre que l'obscurité de notre présent est parcourue de délicats essaims de lucioles : traces d'une beauté résistante, épiphanies nous reconnectant à l'humain. La mode, en ce sens, devient une alliée précieuse. À elle d'éclairer ce qui se cache, de libérer des étincelles enchantées et des signes lumineux. Éclats fugaces dans les ténèbres, constellations de lucioles ouvrant des brèches de possibilité et nourrissant politiquement l'imagination. C’est sur ces mots qu’Alessandro Michele a dévoilé la collection Valentino printemps-été 2026 sur la voix off de Pamela Anderson.
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