CINÉMA

Le film autobiographique français : de la scène à l’arène

Publié le

4 août 2022

Figure révolutionnaire iconoclaste, l’abbé Pierre est incarné par Benjamin Lavernhe dans le film éponyme de Frédéric Tellier, dont le tournage vient de s’achever. Loin des biopics pop, glamour et sulfureux qui inondent les écrans depuis plus de dix ans, le film autobiographique français se consacre davantage aux figures historiques engagées, qui ont marqué l’histoire politique et sociétale du pays.

Benjamin Lavernhe dans le rôle de l'abbé Pierre © Jérôme Prébois

A l‘instar de Simone Veil et du Général de Gaulle, une autre adaptation cinématographique nous transportera bientôt dans le voyage d’une vie, celle d’une figure de l’histoire de France : l’abbé Pierre. Trente-cinq ans après Lambert Wilson dans Hiver 54, le fondateur de la communauté Emmaüs sera incarné par Benjamin Lavernhe. Le sociétaire de la Comédie-Française joue devant la caméra de Frédéric Tellier, réalisateur qui avait dirigé Pierre Niney dans Goliath (2022) et Raphaël Personnaz dans L’Affaire SK1 (2014). Cette fois-ci, Tellier raconte une certaine histoire du XXème siècle, retraçant la vie héroïque de l’abbé Pierre, décédé à 94 ans en 2007. Plus connu pour être le défenseur des sans-abris, Henri Grouès de son vrai nom, fut successivement résistant et député. Le film dévoile la jeunesse, les multiples combats et des aspects méconnus de la vie de l’homme engagé, qui fut pendant dix-sept ans la personnalité préférée des Français. Avec ce film, Tellier se détourne du traditionnel biopic hollywoodien consacré aux bêtes de scène, icônes glamour au destin souvent tragique — Marylin Monroe succèdera bientôt à Elvis Presley sur nos écrans — pour s'inscrire dans une démarche plus politique, comme un retour à la genèse du genre.

Foule ©Jérôme Prébois

Gloire à la rue

Avant de devenir le septième art, le cinéma fut d'abord une invention scientifique, une curiosité de foire et, rapidement, une industrie. Elle le demeurera. L’aspect divertissant se dissipera peu à peu pour conférer au cinéma un pouvoir d’influence, afin de dévoiler, et de se positionner au cœur d’une société. Les genres apparaissent et se démultiplient. Le film biographique naît quasiment avec le cinéma : William Heise réalise L'Exécution de Marie, reine des Écossais en 1895 et Méliès s'entiche de Cléopâtre (1899). Le genre connaît sa première heure de gloire dans les années 1930, avec le réalisateur William Dieterle, affilié à la Warner. “ll a mis en place un système où la précision documentaire joue un rôle prépondérant”, explique dans son ouvrage Rémi Fontanel, maître de conférences en études cinématographiques à Lyon-II : "La ligne éditoriale est engagée, humaniste et éducative : on raconte les vies de Pasteur, Zola, Juarez. On véhicule des valeurs pour revitaliser le moral d'une nation. On s'adresse à des citoyens. Après-guerre, on s'adressera à des consommateurs, en privilégiant l'entertainment”. Si le genre s’essouffle dans les années 1960, il connaît un regain dans les années 1980-1990 puis un nouvel âge d'or à la fin des années 2000 et au début des années 2010 avec La Môme en 2007, J.Edgar et La Dame de fer en 2011 notamment. L'universitaire distingue alors deux tendances : les films sur les entrepreneurs comme The Social Network (2010) et ceux sur les groupes musicaux, où la réussite personnelle triomphe dans les deux cas. Si le cinéma français se concentrait davantage sur des personnalités du champ artistique et culturel  — à la gloire tragique et d’un esprit souffrant de préférence — comme le soulignait le journaliste Jacques Mandelbaum en 2017, les biopics français se consacrent aujourd'hui davantage aux figures historiques engagées. Un destin français.

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