INTERVIEW

Julia Colléaux, créatrice de sa maison éponyme : "Ma mission, c’est que les gens puissent vivre une expérience, et se reconnecter à leur sensibilité."

Publié le

31 juillet 2023

Un tempérament ardent et une spiritualité poétique et haute en couleur. Julia Colléaux, créatrice dont l’une des vestes a tapé dans l’œil du producteur américain Kanye West, développe aujourd’hui son label éponyme avec passion et ténacité. Quelques années après cette rencontre et ce temps fort personnel et professionnel, qui renforce ses convictions et son envie créative, c’est dans son showroom chic et hyper élégant situé sur l’île Saint-Louis (Paris IVe) que la jeune femme nous reçoit, entourée de moodboards audacieux, féminins et remplis de symboles holistiques. Imprégnées de bonnes énergies, ses pièces ont depuis séduit d’autres personnalités de renom, de l’actrice Andie MacDowell au rappeur Oxmo Puccino. Rendez-vous dans la galaxie prolifique et salvatrice de Julia Colléaux, en pleine préparation de sa performance prévue à la rentrée prochaine.

Julia Colléaux ©Vincent Lappartient

Julia, si vous deviez vous présenter votre marque en quelques mots…

En quelques mots, c’est une marque lifestyle et holistique qui habille les femmes bien au-delà du vêtement et qui les aident à avoir confiance en elles.

"Il faut avoir du chaos en soi pour accoucher d’une étoile qui danse", c’est une citation de Nietzsche que l’on peut lire sur votre site. C’est aussi l’histoire de la genèse de votre label ?

Oui car ce sont des parcelles de moi qui sont dans mes vêtements. Tout est né de cet art de la transformation et je souhaitais transmettre cela aux femmes. Personnellement, je me suis rendue compte à quel point on pouvait être transporté par quelque chose qui, à la base, peut être chaotique ou dramatique ou difficile à vivre et devenir, finalement, un cadeau. Dans mes créations, j’ai mis un point d’honneur à apporter cela aux femmes mais aussi de la confiance en elles malgré le chaos. Maintenant, j’habille aussi beaucoup d’hommes ! [Rires] Je suis surprise et tant mieux !

Moodboard ©Vincent Lappartient

D’ailleurs, l’étoile est le symbole de votre label…

Oui, il y a l’œil et l’étoile. Dans l’absolu, ce serait l’étoile dans l’œil. L’étoile est en lien avec ma mère, qui adorait le tarot. Sa carte était la Numéro 17 et elle en parlait souvent quand j’étais petite. Cela m’a beaucoup inspiré. J’ai eu la chance de rencontrer Alejandro Jodorowsky et de me plonger dans cet univers qui m’a fasciné et beaucoup aidé depuis toute jeune à transformer les étapes difficiles de ma vie. Avec l’étoile, il y a aussi cette idée "d’avoir une bonne étoile au-dessus de la tête", "de croire en sa bonne étoile" et de ne pas oublier de briller car plus on brille, plus on fait briller les autres. J’ai toujours cru aux étoiles filantes, j’ai toujours fait des vœux en les voyant passer et ils se sont tous réalisés. Je me suis beaucoup intéressée aux géométries sacrées d’étoile pour pouvoir transmettre les meilleures dans mes créations.

Qu’est-ce qui singularise les créations Julia Colléaux ?

La couleur, les matières nobles, douces, tendres et soyeuses, qui chérissent la peau. L’or aussi, qui nous rappelle tout le temps que nous sommes des êtres sacrés et incroyables, ce que nous fait souvent oublier la société. C’est aussi made in Paris, et je tiens à ce que les pièces soient montées par une à deux mécaniciennes, au maximum. Je ne veux pas qu’elles soient trop touchées pour ne pas enlever l’énergie du vêtement. C’est assez singulier car, aujourd’hui, les vêtements sont touchés par 5 à 10 mécaniciennes, un repasseur, sans parler du montage des fermetures, sauf dans le luxe et la haute couture, où il y aura maximum 3 intervenantes sur la pièce… Pour moi, ce paramètre était important, d’être à la croisée de la fabrication à la chaîne et de la haute couture. Ce qui n’est pas évident car la production ne fonctionne pas comme cela. J’ai trouvé de petits ateliers qui acceptent de me faire 10 ou 20 pièces… Elles sont donc uniques, remplies d’amour, d’attention et de magie, mais aussi réalisées avec 80% de tissu upcyclé. Il y a aussi l’association de la géométrie sacrée et des couleurs qui font que chaque pièce a une particularité énergétique.

"Je vois Kanye West et il me dit : 'J’ai pris deux cartes dans ce salon : celle du futur designer de Givenchy et la tienne que tu vas me donner là, maintenant'."

Vous valorisez le bénéfice énergétique de vos créations. Je pense notamment à une de vos vestes, la Power Jacket qui a un franc succès…

C’est la première pièce que j’ai créée, pour moi, tout d’abord. A l’époque, j’étais danseuse, chanteuse et je faisais beaucoup de théâtre. Je me disais : "Si tu étais sur scène avec un des artistes que tu admires le plus, qu’est-ce que tu aimerais porter ?" Déjà, il faut dire que j’ai immédiatement pensé à Kanye West. Et pour revenir sur la genèse de cette veste… A l’époque, je créais des sacs, toujours avec cette envie d’unicité. Une phrase d’une artiste qui m’inspirait était brodée au fil d’or dans le cuir… Chaque sac était fait à la main, on refendait le cuir sept fois, tous les cuirs étaient recyclés. De la même manière qu’aujourd’hui, je recevais les clientes en rendez-vous pour réaliser des sacs personnalisés. Dans un premier temps, je faisais l’illustration de la carte de tarot et ensuite je faisais le sac. En attendant, elles repartaient avec un sac version miniature et cette carte. Un mois après, elles avaient ledit sac avec leurs noms, leurs initiales à l’intérieur, des chaînes dorées à l’or fin… Économiquement, c’était un travail monstrueux et il était difficile de s’y retrouver. De plus, pour moi, tout cela n’était pas assez. Je faisais beaucoup de développement personnel. Je travaillais avec beaucoup de chammans et je m’intéressais à la kinésiologie, à la physique quantique, à la reprogrammation d’ADN et, avec toutes ces informations, je souhaitais transmettre quelque chose de plus fort. Un jour, je sortais d’un rendez-vous avec mon ostéopathe et j’ai la vision de cette veste. J’étais sur la ligne 13, à Fourche, et j’ai tracé chez ma couturière, celle de ma mère, et je luis ai dit : "Elisabeth, il faut absolument que tu me fasses cette veste !" J’avais cette vision en tête que tous ceux qui porteront cette veste pourront vivre une expérience dingue. Je l’ai déjà faite pour moi... J’ai voyagé à Milan, j’ai exposé mes sacs au Who’s Next, à Villepinte, en 2017 et il y a eu cette rencontre avec Kanye West... Cette veste était un véritable marqueur. Tout le monde m’en parlait. Je n’avais pas prévu de faire des vêtements, il y avait une guerre intérieure en moi. J’ai pris plein de commandes de vestes sans savoir comment les tenir… Je naviguais dans le flou… L’aventure a commencé vraiment là avec des parutions dans Le Figaro, Le Parisien… J’ai eu la chair de poule quand les gens me disaient qu’ils ressentaient une énergie en portant mes vestes. Ça me dépassait et j’ai vraiment commencé à les travailler en fonction des chakras les plus bloqués en nous, ceux qui nous empêchent d’avancer dans la vie de passer des caps. Chaque veste a eu son énergie et sa symbolique.

La veste repérée par Kanye West ©Vincent Lappartient

Vous n’avez pas échappé à l’œil de Kanye West qui adore repérer les jeunes designers prometteurs… Racontez-nous !

J’allais à Villepinte pour mes sacs en cuir. Ce qui m’a marqué, c’est que c’est un salon de 30 000 mètres carrés, ce qui est énorme, avec beaucoup d’exposants… Ce jour-là, j’avais de la fièvre, j’étais très fatiguée, je portais 7 kilos de cuir sur moi, je recyclais tous les cuirs des exposants en leur demandant leurs chutes pour faire mes sacs… [Rires] Vers 17h, je vois un agroupement et j’aperçois Kanye West. J’étais épuisée, je me dirige vers la sortie, en pensant au chemin dans le RER, enfin j’avais hâte de me reposer un peu et là j’entends : "I love your Jacket". Je ne fais pas attention, je trace et j’entends quelqu’un qui me court après, c’était son manager et qui me dit : "Tu as un problème ? Tu ne parles pas anglais ? Tu ne vois pas que Kanye West essaie de te parler ?" Je me retourne et Kanye West était là, à 20 mètres, à me regarder droit dans les yeux, les bras croisés en mode western. Pendant une fraction de seconde, pour la première fois de ma vie, je me sens d’égal à égal. Je venais de faire plein de séminaires sur le développement personnel qui m’avaient vraiment chamboulé. Ce qui se passait était hyper puissant. Je vais voir Kanye et il me dit : "J’ai pris deux cartes dans ce salon : celle du futur designer de Givenchy et la tienne que tu vas me donner là, maintenant". Il rajoute : "Ce serait trop bien que l’on fasse une collab’, ta veste est incroyable. C’est super beau. C’est toi qui l’a faite ?" Je réponds : "Oui !". Il voit aussi les sacs que je porte et il continue. : "Ce serait génial que tu fasses un sac pour Kim et un autre pour ma fille. Mais il faut que ce soit le même en beaucoup plus petit car elle n’a que 5 ans !" Il était déjà en avance sur son temps, aujourd’hui plein de mini sacs sortent et sont à la mode. Lui, il m’a dit cela en 2017… Je n’ai pas compris le deal, j’ai fait un petit sac, à l’époque, mais pas encore assez petit. Il m’avait demandé des couleurs précises, celles de Kim et il m’avait dit de tout lui envoyer à Los Angeles quand ce serait prêt. Ça n’a pas suivi car il a eu des soucis personnels que l’on connaît mais ça m’a lancé. Je me suis dit que si, lui, repère cette veste, sans parler de toutes les commandes dans ce salon, c’est qu’il se passe quelque chose. Je dois y aller !

"Ma mission, c’est que les gens puissent vivre une expérience, et se reconnecter à leur sensibilité et à leur présence."

Sur votre profil Instagram et votre site, les images sont colorées et positives. Elles incitent à vivre, à s’exprimer… Vous aviez donc, auparavant, lancé un label de sacs de luxe, et même fait une collaboration avec Lancôme. Multiplier les expériences créatives vous permet de vous épanouir pleinement ?

Oui, ça m’enrichit et c’est très important. J’adore intervenir dans des domaines qui ne sont pas du tout les miens. Il y a un ADN commun et une intervention protéiforme. Avec mes sacs, la première marque qui m’avait contacté, c’était Bourjois pour refaire les couleurs de la collection Summer 2017. J’étais très contente car on a créé le premier vernis strass de leur label, en choisissant les couleurs. C’est comme si tout mon univers pouvait se mettre au service de… J’aime aller dans d’autres univers, pourquoi pas les voitures, par exemple ? Ça ne se limite pas aux vêtements. La cosmétique touche la peau. Mes vêtements, je les ai faits pour que l’on prenne conscience de ce que l’on met sur notre peau justement car c’est la première chose que l’on voit de quelqu’un. Tout comme le rituel de maquillage, la façon de mettre le vêtement est aussi révélatrice. Avec les marques beauté, on raconte finalement la même chose. On touche les mêmes zones des utilisateurs.

Julia Colléaux ©Vincent Lappartient

C’est ici, dans votre showroom sur l’île Saint-Louis, que vous recevez votre clientèle. Le pouvoir holistique des pièces se ressent dès le premier essayage ?

Oui, c’est ce que les gens expérimentent dans les dix premières minutes. Il y a déjà une démarche. Les gens auront un coup de cœur sur le site, le compte Instagram, ou ça passera par le bouche-à-oreille. Il y a une recherche faite par la personne, à la base, qui fait qu’elle souhaite vivre une expérience. J’ai vécu des moments incroyables avec de nouvelles clientes, très cartésiennes, abasourdies par ce qu’elles ressentaient. Ma mission, c’est que les gens puissent vivre une expérience, et se reconnecter à leur sensibilité et à leur présence. A partir du moment où l’on se reconnecte à cela, on a plus de disponibilité pour soi-même et pour les autres.

Vous faites régulièrement des allers-retours sur le continent sud-américain. C’est là-bas que vous trouvez l’inspiration ?

J’aime ce qui est grand, vaste et sauvage. Il y a quelque chose qu’il y a déjà là-bas et pas encore ici. [Rires] Ça m’inspire énormément depuis toute jeune. Ça a été comme une révélation et une connexion pour moi. J’ai vécu une expérience incroyable de transformation personnelle et j’ai souhaité partager cela, je ne pouvais pas le garder que pour moi.

Illustration de Julia Colléaux ©Vincent Lappartient

Des maisons de mode influencent votre univers créatif rempli d’imaginaire et à la colorimétrie marquée ?

Schiaparelli et Saint Laurent qui avaient compris l’essence, il y avait quelque chose de très pur. Schiaparelli était dans le surréalisme, ce que j’adore. Je dirais que la traduction du surréalisme, à l’époque, c’est aujourd’hui, ce côté holistique car le surréalisme prenait en compte nos rêves et nos imaginaires. Marcel Proust, Salvador Dalí ou André Breton ont participé à la naissance de ce qui arrive en ce moment, à cette profondeur de l’humanité, sensorielle et émotionnelle. Schiaparelli prenait tout en compte : l’odeur, la broderie, ceux qui la réalisent… C’était une révolution. Du parfum au vêtement, elle relevait tout ce qui fait l’incarnation d’une personne. Ils souhaitaient tous sortir de la sphère conventionnelle. C’est ce que j’aime et que je souhaite transmettre dans mes vêtements. J’aime aussi énormément la maison Lanvin pour la fluidité, la féminité, les couleurs, les soieries et le design assez épuré. J’adorais aussi ce mélange de couleurs, de matières et de détails d’Yves Saint Laurent.

Des personnalités de renom portent vos vestes, à l’instar de l’actrice Andie MacDowell ou le rappeur Oxmo Puccino. Comment se sont passées ces rencontres ?

Andie MacDowell était dans l’hôtel où j’ai fait mon premier défilé et elle passait tous les matins devant le showroom. Elle essayait une veste à chaque fois. Et un jour, elle revient en me disant : "J’ai acheté plein de pièces chez Zara pour faire des looks avec tes pièces !" Elles adoraient les vestes, les combinaisons et elle a tout essayé. Elle m’a pris une veste pour elle et une pour sa fille en me répétant plusieurs fois de venir m’installer à Los Angeles ! Pour Oxmo, c’est lors du tournage de son clip "Tendrement" où il parle des femmes, et qu’il a fait avec la Maison des femmes de Saint-Denis, qu’il a porté une veste qui représente la tendresse. J’ai imaginé une veste pleine de mains de bébés, d’hommes, de femmes, avec plein de carnations différentes.

Julia Colléaux ©Vincent Lappartient

Vous préparez une pièce particulièrement spectaculaire pour la fashion week de septembre. Pouvez-vous nous en parler ?

J’espère qu’elle sera prête, je suis en panique ! [Rires] Ça m’émeut dès que je pense à cette pièce. Beaucoup de femmes viennent me voir pour des parcours de PMA, ou avec ce souci de rencontrer leurs âmes sœurs. Je ne prétends pas avoir la solution. Mais je suis très touchée par cette idée de retrouver son sacré, sa féminité et sa puissance intérieure. J’ai créé un kimono qui aide les femmes à se reconnecter avec leur féminin sacré : leur utérus, leurs ovaires, toutes leurs forces intérieures. Je me suis beaucoup inspirée de tous les archétypes féminins qui sont dans notre inconscient collectif et qui agissent sur nous sans qu’on s’en rende compte. Si on en prend la possession, cela peut nous aider et agir sur le corps. J’ai peint des symboles très forts par rapport à l’Égypte, à Marie Madeleine, à Marie et à des déesses indiennes que j’ai mélangés et que je vais imprimer sur ce kimono. La suite, on la verra en vrai ! [Rires]

Toutes les pièces de Julia Colléaux à retrouver ICI. 

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