INTERVIEW
Publié le
29 novembre 2024
Avec cette volonté d’être ancré dans son époque, Ferdi dévoile aujourd’hui son premier album Take 01. Imprégné des collaborations et des artistes de la scène rap avec qui il a travaillé depuis des années, le saxophoniste livre un opus aussi intense que son regard bleu azur, bercé par des influences américaines jazzy et indie pop. C’est aux côtés du batteur Veeko Morlet et du "Piano King", Sofiane Pamart que la figure montante de la scène bruxello-parisienne donne le la.
Comment vous présenteriez-vous en quelques mots ?
Je m’appelle Ferdi. Je dirais que je suis un artiste musicien qui essaie de bien m’ancrer dans mon époque.
Vous sortez votre premier album, Take 01, le 29 novembre prochain. C’est un premier aboutissement artistique ?
Oui complètement. L’année dernière, j’ai fait un album avec Dabeull, qui correspondait bien à sa direction artistique. Là, c’est la première fois que je fais un album vraiment solo donc c’est un voyage différent et hyper intense.
On retrouve le titre "5h37", dont vous avez sorti le clip récemment, qui s’emballe crescendo avec beaucoup de force et d’intensité. Vous aviez besoin de 3 minutes supplémentaires pour une suite de "5h34", enregistré avec le saxophoniste Béesau ?
"5H34", c’est vraiment mon premier morceau qui commence à bien marcher. C’est le premier EP, il n’y a pas de promo, je suis en autoproduction totale sur ce projet et nous sommes agréablement surpris avec Béesau que le titre prenne comme ça. On en a beaucoup parlé, on le joue en live et il a pris une autre ampleur. C’est lui qui fait le solo sur "5H34". Quand le morceau est sorti, c’est là où j’ai commencé à avoir du recul dessus et où je me suis dit qu’il faudrait faire des modifications. Donc, oui, j’avais besoin de 3 minutes pour m’exprimer avec "5H37" !
Sur votre album, il y a deux collaborations. La première sur le titre "Take 1" avec Veeko et la seconde sur "Montreux Palace" avec Sofiane Pamart. Comment se sont déroulés les processus créatifs ?
Veeko est mon batteur préféré et le batteur de mon projet. On a travaillé à l’ICP à Bruxelles, c’était la première résidence de l’album. "Take 1", c’est vraiment une première prise ! C’est un moment où j’avais un piano et un saxophone qui trainaient et on s’est posé avec le pianiste avec qui je travaille. Tous les gars sont arrivés en studio et j’avais la vision du projet, c’est très rare quand on travaille à cinq musiciens ensemble. Il faut dire que la plupart du temps, on était deux dans une chambre à bosser sur l’ordinateur. "Montreux Palace", c’est le seul morceau avec Sofiane enregistré en live en studio, on a fait qu’une seule prise, il y avait une super énergie. Ça fait trois ans que je connais Sofiane, on a fait pas mal de sessions ensemble. Je l’ai vraiment suivi au fil des projets, je l’ai rencontré la première fois avec Dabeull. Ensuite, il m’a invité sur pas mal de dates, puis sur son album, et enfin sur un an de tournée. La collaboration s’est vraiment faite au fil des concerts. La première partie de "Montreux Palace" a été créée pendant une balance avant un concert, par exemple. Parmi les échantillons de la tournée, il y avait ce morceau à développer. Je l’ai invité au studio et ça a été très fluide. On a des sensibilités assez similaires.
"Beaucoup d’artistes m’ont inspiré, je pense à Braxton Cook, un saxophoniste de New York, Terrace Martin qui a produit pour Kendrick Lamar, mais aussi Tame Impala ou Disiz."
Vous aviez partagé la scène des Olympias de Sofiane Pamart. Quel(s) souvenir(s) en gardez-vous ?
C’est un des plus gros frissons, c’est sûr. J’habite en Belgique depuis quelques années mais je suis né en France. L’Olympia, c’est un rêve d’enfant. Ma grand-mère habitait Paris et quand je passais devant, quand j’étais petit, ça me faisait rêver. Quand Sofiane m’a annoncé les cinq Olympias, je n’étais pas prêt du tout ! [Rires] Chaque soir, je vibrais. De même pour l’histoire du lieu, dans les loges, il y a ces photos de plein d’artistes qui sont montés sur cette scène. Quelques mois plus tard, j’ai regardé un documentaire sur Aretha Franklin là-bas, c’est assez dingue de voir tout ça !
Sofiane Pamart est surnommé le "Piano King", certains vous voient déjà comme le "Saxo King" … Qu’en pensez-vous ?
J’aimerais bien qu’on m’appelle comme ça, c’est sûr que ça me ferait très plaisir, je serais même honoré. J’admire beaucoup de personnes qui pratiquent le saxophone et je ne sais pas si j’oserais m’appeler comme ça.
Tout comme lui, vous avez fait le Conservatoire, et vous travaillez avec des artistes de divers horizons, notamment de la scène rap (Peet, Scylla et le roi de la funk Dabeull). Dans la musique, c’est la rencontre, plus que le genre artistique, qui prime ?
Tellement ! J’ai longtemps été cantonné à mon parcours au Conservatoire, à Bruxelles. J’ai fait 10 ans de classique et 7 ans de jazz. Après presque 20 ans d’études, je ne me sentais pas musicien. J’avais du mal à trouver mon chemin et à savoir ce que je voulais faire. Quand j’ai quitté le Conservatoire, je me suis mis à faire de la production et beaucoup de collaborations se sont enchainées. C’est allé assez vite, j’ai eu de la chance. Elles m’ont vraiment inspiré. Personnellement, j’écoute beaucoup de rap et de musiques actuelles. Le rap étant la musique numéro 1 aujourd’hui, j’ai fait beaucoup de sessions avec des rappeurs et des producteurs. L’univers du jazz est aussi très riche, c’est un courant qui a traversé le dernier siècle et qui a souvent été présent dans la musique du moment, surtout aux US. J’étais curieux de découvrir le rap de l’intérieur.
Votre univers musical est à la croisée des influences : jazz, indie pop… Quelles sont vos inspirations artistiques ?
Elles sont nombreuses ! C’est plutôt aux États-Unis que je vais trouver des modèles en tant que saxophonistes. J’aime l’idée de pouvoir transporter mon saxophone dans le monde actuel et de pouvoir parler à des gens de mon âge. J’adore faire découvrir des musiques "niche" qu’ils ne connaissent pas et d’avoir leurs retours positifs. Je pense à Braxton Cook, un saxophoniste de New York, mais aussi Terrace Martin qui a beaucoup produit pour Kendrick Lamar, notamment sur son album phare To Pimp A Butterfly. Après beaucoup d’artistes m’ont inspiré comme Tame Impala ou Disiz avec son dernier album L’Amour que j’ai écouté en boucle pendant deux ans. Je l’écoute encore trop souvent même, c’est bizarre ! Évidemment Prince Lao qui a produit mon album et qui a beaucoup influencé mon travail.
"Avec la musique instrumentale, il y a quelque chose de très abstrait ce qui laisse beaucoup plus d’espace à l’interprétation."
Il y a quelques choses de très cinématographique, même de l’ordre du cabaret. Est-ce propre à "l’effet saxo" ou une envie que vous écrivez sur vos partitions ?
Peut-être, j’ai écouté beaucoup de chansons françaises donc dans les harmonies ou dans les couleurs, je vais chercher beaucoup de musiques de films. C’est "Michel Legrandtesque" presque si on va chercher dans les références profondes ! Je crois que le fait que ce soit de la musique instrumentale te plonge dans un univers tout autre. Beaucoup de gens me disent : "Je peux écouter ton album en conduisant, il va me transporter ou alors dans des moments de contemplation de paysage". Il y a quelque chose de très abstrait, ce qui laisse beaucoup plus d’espace à l’interprétation.
Votre imagerie est très léchée, en mouvement, floue… Qu’est-ce que cela dit de vous ?
J’ai travaillé avec des gens très talentueux, aussi bien la photographe Clotilde Billiette que ma graphiste Louise Lavergne. Je voulais une direction artistique très Mode. Nous sommes à une ère où les limites de l’image sont poussées tous les jours et je voulais une imagerie dont je serai fier. C’était important, pour moi, de participer à tous le processus. C’était un challenge incroyable.
Que faut-il esquiver dans la musique selon vous ?
Ce qui ne nous fait pas vibrer, ce qui ne nous procure pas de plaisir, ce qu’on écoute par habitude peut-être. Il ne faut pas esquiver mon album en tout cas ! [Rires]
Vous serez au NEW MORNING le 28 janvier 2025. Que nous réservez-vous ?
Le meilleur live de musique instrumentale de France ! Je plaisante mais je présenterai évidemment Take 01. Ce sera mon premier vrai live solo avec les morceaux du dernier album, il y aura quelques invités mais je préfère ne rien dévoiler pour préserver le mystère ! L’énergie du live, avec la qualité des musiciens qui m’entourent, cela donne une autre dimension à la musique. C’est accessible et c’est le jazz de demain.
Ferdi sera en concert au NEW MORNING le 28 janvier 2025.