INTERVIEW

Anaïs MVA : "Ce que je veux esquiver, ce sont les gens qui te disent que tu n'y arriveras pas."

Publié le

23 octobre 2025

À l'aube de son concert au Trianon le 11 avril 2026, Anaïs MVA dévoile Le lapin blanc, un EP à la fois brumeux et lucide, où les émotions se faufilent entre les silences et les vertiges. Avec plus de 30 millions de streams et des premières parties annoncées pour Helena (Zéniths fin 2025) et Louane (2026), l'artiste trace un chemin singulier, entre reconnaissance grandissante et écriture intime. Dans cette interview, elle revient sur la genèse de son projet, sa sincérité artistique, et cette douceur qui traverse ses mots comme ses mélodies.

Anaïs MVA ©ROSO

Votre nouvel EP Le lapin blanc semble explorer les zones floues entre lucidité et vertige. Qu'est-ce qui vous a guidée vers ce titre et cet univers ?

J'ai écrit cet EP à un moment où j'étais pas mal perdue dans ma vie perso. Le titre est un peu énigmatique, chacun peut se faire son idée. Mais oui, ça représente plusieurs choses : cette ligne assez fine entre le vertige et le monde réel, et aussi une forme de vulnérabilité. Le lapin blanc, c'est un peu ça. J'aborde des thèmes où je me sens fragile. Mais c'est propre à chacun, il n'y a pas de bonnes réponses.

Vous avez toujours abordé des sujets personnels avec une grande transparence. Cette sincérité est-elle pour vous une nécessité artistique ou un acte militant ?

C'est assez égoïste en vrai. C'est comme ça que j'ai découvert l'écriture de chansons : en écrivant sur ma vie perso, sur des thèmes que je connaissais de près. Et c'est en les sortant que je me suis rendue compte que ça pouvait avoir un impact. Je suis encore en train d'apprendre à gérer ça. Mais au départ, écrire des chansons, c'était comme me livrer dans un journal intime.

Avec plus de 30 millions de streams et une Cigale complète, avez-vous le sentiment que votre projet prend une nouvelle dimension, ou restez-vous dans une forme d'intimité ?

Je dirais plutôt la deuxième réponse. Même si tout ça paraît beaucoup, dans ma vie de tous les jours, je suis entourée de gens qui ne sont pas du tout dans la musique. Mes amis sont à la fac, j'ai mes études à côté. Donc tout ça, c'est presque virtuel pour moi. Je m'en rends compte en concert, mais je suis encore dans une bulle. Et je pense que ça me protège. Je suis contente d'avoir cette bulle, même si je réalise de plus en plus que je suis chanteuse. Mon quotidien n'a pas tellement changé.

Aimeriez-vous rester plus tard dans cette bulle ou avez-vous peur de la perdre en avançant ?

Je ne dirais pas que j'ai peur. Je pense que faire de la musique, c'est un privilège, et j'en suis vraiment très heureuse. Mais mes vrais amis, je les ai rencontrés à l'école, à la fac. C'est ce qui me permet de rester équilibrée. Si je perds cette bulle, je pense que je perdrais aussi une part de moi. Elle me protège, elle me garde saine d'esprit.

"La musique permet de libérer la parole, de se sentir moins seule."

Dans "XS", vous parlez frontalement des troubles alimentaires. Considérez-vous la musique comme un espace thérapeutique ou comme un miroir ?

Avec du recul, oui, il y a un peu de ça. Quand je l'ai écrite, je pensais être folle. Je pensais que j'avais un problème et qu'il fallait probablement que j'écrive dessus pour m'aider, une certaine forme thérapeutique. Je n’aurais jamais imaginé qu’autant de gens se retrouveraient dans les paroles. Je pensais que les gens allaient être choqués, qu'ils allaient me tourner le dos. Et en fait, non. Même des amis proches m'ont dit qu'ils s'y reconnaissaient, alors qu'on n'en avait jamais parlé. La musique permet de libérer la parole, de se sentir moins seule. Et ça, c'est trop précieux.

Vous avez annoncé un concert au Trianon en avril. Qu'aimeriez-vous y raconter de plus fort ou de plus vulnérable que sur vos précédentes scènes ?

La Cigale, l'année dernière, c'était mon troisième concert de toute ma vie. Je n'avais jamais vu de concert là-bas en tant que spectatrice. Tout est allé très vite, je n'ai même pas vraiment de souvenirs clairs de ce moment. Mon cerveau a bloqué. Là, je suis tellement heureuse d'avoir une nouvelle chance à Paris. Je commence déjà à répéter et à travailler sur la mise en scène. Mon objectif, c'est de profiter vraiment cette fois, d'être impliquée dans tous les aspects pour me rendre compte de la chance que j'ai et de la partager avec les gens qui viendront.

Anaïs MVA ©ROSO

Votre écriture est très visuelle, presque cinématographique. Composez-vous en images, en sensations ou en mots ?

Oui, complètement en images. Beaucoup de chansons que j'ai écrites sont nées d'une peinture, d'un clip, d'un mini-film que je voyais dans ma tête. Quand c'est du vécu, ce sont des bribes de souvenirs. Quand c'est du fictif mélangé à du réel, ça devient un clip. Je fonctionne beaucoup comme ça.

Vous allez assurer les premières parties d'Helena et Louane. Comment préparez-vous ces rencontres avec des publics qui ne vous connaissent pas encore ?

Je suis trop heureuse. J'ai déjà vu les deux en concert, et je pense que nos publics ont beaucoup en commun : ils sont mignons, accueillants, ouverts. J'ai trop hâte de les rencontrer. Et Helena ne le sait pas, mais la première partie que je fais pour elle, le 7 novembre, c'est mon anniversaire. Elle me fait un vrai cadeau. Ce sera aussi ma première scène dans un Zénith. Ça m'émeut d'y penser.

"Pour la suite, j'aimerais apprendre à produire moi-même, à créer avec un ordinateur."

Entre "Métastases", "Remède" et "Le lapin blanc", quelle émotion a le plus évolué dans votre rapport à la création ?

Je crois que je suis encore en train d'évoluer là-dessus. Je ne me sens pas parfaitement apaisée, mais je dirais que je me suis ouverte à fond. J'étais sur chaque décision, chaque détail. À partir du deuxième EP, j'ai commencé à lâcher prise avec Paco, avec qui je travaille beaucoup. Et sur Le lapin blanc, je me suis laissée porter. Je suis contente de m'ouvrir plus à la collaboration. Pour la suite, j'aimerais apprendre à produire moi-même, à créer avec un ordinateur. Je fais du violon, mais je ne sais pas encore me servir d'un logiciel. J'aimerais apprendre, pour aller encore plus loin.

Si votre EP était une tentative d'esquiver quelque chose — une peur, une pression, une vérité — laquelle serait-ce ?

Je pense que ce serait la réalité. Faire cet EP, c'est s'évader quelques minutes, s'autoriser à rêver encore. Je déteste qu'on me dise que je rêve trop grand ou que je suis "delulu". Non, laissez-moi rêver trop grand. C'est comme ça qu'on réalise des choses. Il faut y croire un minimum. Ce que je veux esquiver, ce sont les gens qui te disent que tu n'y arriveras pas.

"Le lapin blanc", Anaïs MVA, disponible partout.

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